L.A 1 René Guy Cadou, Les Fusillés de Chateaubriant, 1941

Biographie René Guy Cadou (1920-1951)

Ce Breton, fils d’un couple d’instituteurs, le deviendra lui-même.

En 1936, Il rencontre Michel Manoll, libraire et poète, qui lui fera connaitre deux grands poètes : Pierre Reverdy et Max Jacob. En 1937, il publie Brancardiers de l’Aube . Dans sa courte vie, il aura affronté la mort de ses parents, la guerre, l’occupation et la maladie.

Le 22 octobre 1941, alors qu’il quitte en vélo Châteaubriant pour revenir à Saint-Aubin-des-Châteaux, il croise sur sa route les camions qui transportent les 27 otages vers la sablière de Châteaubriant où ils seront fusillés quelques instants plus tard.

En 1946, il épouse Hélène Laurent , passionnée de poésie . Elle sera l’épouse, la muse, l’inspiratrice et René lui consacrera de très beaux poèmes d’amour …

 

F. Goya, Tres de Mayo

« Je t’attendais ainsi qu’on attend les navires

Dans les années de sécheresse quand le blé

Ne monte pas plus haut qu’une oreille dans l’herbe

Qui écoute apeurée la grande voix du temps

« Je t’attendais et tous les quais toutes les routes

Ont retenti du pas brûlant qui s’en allait

Vers toi que je portais déjà sur mes épaules

Comme une douce pluie qui ne sèche jamais… »

R.G Cadou, Quatre poèmes d’amour à Hélène

Il mène auprès d’Hélène, la vie simple de l’instituteur de village. Il écrira là le plus clair de son œuvre poétique, ayant le pressentiement qu’il « ne fera que quelques pas sur cette terre ». Atteint d’un cancer, il meurt le 20 mars 1951. Sa femme Hélène, elle-même poète, publiera de nombreux recueils et s’efforcera de faire reconnaitre l’œuvre de René.

Contexte du poème

Le mercredi 22 octobre 1941, à Châteaubriant, en Bretagne, les Allemands fusillent 27 détenus (dont Guy Môquet) en riposte à l’assassinat du commandant allemand de Nantes, le Feldkommandant Fritz Holtz. Celui-ci a été abattu deux jours plus tôt, le 20 octobre, en plein centre de Nantes, par un militant communiste, Gilbert Brustlein, qui a aussi participé les jours précédents au déraillement d’un train de permissionnaires allemands.
Les auteurs de ces attentats ont agi sur ordre du parti communiste clandestin .

Sans succès, les Allemands offrent 15 millions de francs à toute personne qui leur fournirait des renseignements sur eux.

Le 22 octobre, en début d’après-midi, les gardes allemands assistés d’un lieutenant français procèdent à l’appel des otages dans les baraques du camp de Choisel-Châteaubriant.

 

Les futures victimes ont 30 minutes pour écrire une dernière lettre à leurs proches. Après quoi, chantant la Marseillaise avec leurs camarades de détention, ils montent dans les camions qui vont les transporter à la carrière de la Sablière, à deux kilomètres du camp.

 

Ils refusent de se faire bander les yeux. Face aux 90 SS du peloton d’exécution, 9 poteaux. Trois salves. Les victimes meurent en chantant jusqu’au bout la Marseillaise. Parmi elles, des militants connus , d’autres qui le sont moins, et Guy Môquet (17 ans).Parmi eux, d’authentiques résistants : André Le Moal (17 ans) et d’autres gaullistes de vingt ans ou moins   dont les noms ont été oubliés.  

 

Texte N° 1 : Les fusillés de Chateaubriant

Ils sont appuyés contre le ciel
Ils sont une trentaine appuyés contre le ciel
Avec toute la vie derrière eux
Ils sont pleins d’étonnement pour leur épaule
Qui est un monument d’amour
Ils n’ont pas de recommandations à se faire
Parce qu’ils ne se quitteront jamais plus
L’un d’eux pense à un petit village
Où il allait à l’école
Un autre est assis à sa table
Et ses amis tiennent ses mains
Ils ne sont déjà plus du pays dont ils rêvent
Ils sont bien au-dessus de ces hommes
Qui les regardent mourir
Il y a entre eux la différence du martyre
Parce que le vent est passé là ils chantent
Et leur seul regret est que ceux
Qui vont les tuer n’entendent pas
Le bruit énorme des paroles
Ils sont exacts au rendez-vous
Ils sont même en avance sur les autres
Pourtant ils disent qu’ils ne sont pas des apôtres
Et que tout est simple
Et que la mort surtout est une chose simple
Puisque toute liberté se survit.

 

Il y a entre eux la différence du martyre
Parce que le vent est passé là ils chantent
Et leur seul regret est que ceux
Qui vont les tuer n’entendent pas
Le bruit énorme des paroles
Ils sont exacts au rendez-vous
Ils sont même en avance sur les autres
Pourtant ils disent qu’ils ne sont pas des apôtres
Et que tout est simple
Et que la mort surtout est une chose simple
Puisque toute liberté se survit.

 

F. Goya, Tres de Mayo, 18
Yue Minjun, L’exécution, 1995

PROLONGEMENTS

A Ravensbruck en Allemagne
On torture on brûle les femmes

On leur a coupé les cheveux
Qui donnaient la lumière au monde

On les a couvertes de honte
Mais leur amour vaut ce qu’il veut

La nuit le gel tombe sur elles
La main qui porte son couteau

Elles voient des amis fidèles
Cachés dans les plis du drapeau

Elles voient Le bourreau qui veille
A peur soudain de ces regards

Elles sont loin dans le soleil
Et ont espoir en notre espoir

René-Guy Cadou

QUESTIONS ORAL