La liberté, est-ce faire ce que l’on veut ? Si je fais ce que je veux, les autres sont-ils encore libres ? Ma liberté n’est-elle qu’une illusion ? Quelle est l’origine réelle de mes choix ? Ne peut-il y avoir des causes que j’ignore et qui me font agir…à mon insu ?
LIBRE OU PAS ?
FATALISME
Fatalisme vient de fatum[1], « destin », en latin. Est donc « fataliste » celui qui croit à une fatalité !
C’est-à-dire qu’il existerait une nécessité qui s’imposerait à l’homme et qui ne lui laisserait aucune liberté.
Le fatalisme considère que tout se déroule conformément à ce qui aurait été dit ou écrit par une volonté supérieure à celle des hommes sans aucune idée de contingence[1]
Au sens commun, le fatalisme désigne donc la croyance en la détermination des événements par des causes indépendantes de la volonté humaine, qu’il s’agisse de Dieu, de la nécessité naturelle ou des lois gouvernant l’Histoire.
[1] Une chose qui arrive ou non, qui peut être ou ne pas être
Si notre vie est déjà toute tracée, tout effort devient illusoire. La seule sagesse serait alors de l’accepter et à vouloir que les choses soient comme elles sont.
Le fatalisme pose donc la question de la responsabilité humaine. Une personne est considérée comme responsable si elle est considérée et se considère comme solidaire de ses actes. (Elle les assume, ce qui suppose conscience et liberté). Mais si tout est écrit, il y a alors irresponsabilité car bien faire ou mal faire n’a plus de sens si l’acte accompli ne dépend pas de moi.
Pour que l’homme soit responsable et qu’on exige de lui qu’il assume ses fautes, il faut donc que ses actions soient autonomes et volontaires. Or, l’idée d’un destin aveugle fait de l’homme un objet et non un sujet de sa vie.
Le loup qui égorge l’agneau n’a pas le choix et n’a pas conscience de « mal agir » ! Le loup n’est ni libre ni arbitre, il est le jouet de ses pulsions et de ses besoins vitaux.
Fatalisme : croyance en la détermination des événements par des causes indépendantes de la volonté humaine. ( Dieu, nécessité naturelle…)
Oedipe ou l’impossibile d’échapper à la fatalité !
Oedipe est le fils de Laïos et de Jocaste, roi et reine de Thèbes. Quelques temps avant la naissance d’Œdipe, l’oracle annonce à Laïos qu’Oedipe tuera son père et épousera sa mère. Laios décide alors d’abandonner son fils dans la montagne. Il lui attache les pieds et les perce. Mais le serviteur chargé de la besogne est ému par les cris du nouveau-né. Il prend l’enfant et le confie à des bergers du roi de Corinthe. Celui-ci l’adopte et lui donne comme nom Oedipe : « celui qui a les pieds enflés » . Il l’élève comme son propre fils.
Œdipe apprenant un jour la malédiction dont il est l’objet, quitte Corinthe pour ne pas que la prédiction se réalise. En chemin, comme l’oracle l’avait prédit, il croise un vieillard sur un char, se querelle avec lui et le tue. Il ne le sait pas mais c’est son père Laïos.
Œdipe arrive à Thèbes, affronte le Sphinx, lion à tête de femme . La créature bloquait les routes menant à la ville, tuant et dévorant les voyageurs qui ne pouvaient résoudre l’énigme fameuse qu’elle leur proposait : ” Quel est l’animal qui le matin marche sur quatre pieds, à midi sur deux et le soir sur trois ?”. Œdipe répond sans hésiter que c’est l’homme, qui au matin de sa vie marche à quatre pattes, va sur ses deux jambes à l’âge adulte et s’aide d’une canne pour soutenir sa vieillesse. Le Sphinx, vexé, se suicide. Œdipe s’attire les faveurs de la ville pour avoir libéré Thèbes du Sphinx. En remerciement, les Thébains le font roi et lui donnent comme épouse la veuve de Laïos, Jocaste. Pendant de nombreuses années, le couple vit heureux, ne sachant pas qu’ils sont en réalité mère et fils. La seconde partie de l’oracle est accomplie.
Les années passent, des enfants naissent du couple incestueux, deux garçons (Etéocle et Polynice) et deux filles, Antigone et Ismène. Les dieux, qui ont longtemps favorisé le règne d’Œdipe, s’aperçoivent soudain, dans un spectaculaire accès de mauvaise foi, que ce roi est un meurtrier. La peste ravage alors le pays. Œdipe envoie son oncle Créon à Delphes, et l’oracle de Delphes proclame que le meurtre de Laïos doit être puni et que la maladie ravagera la cité tant que son meurtre ne sera pas vengé. Œdipe prononce alors contre le meurtrier une malédiction et consulte le devin Tirésias pour connaître le nom du coupable. Tirésias esquive, feinte, suscite même contre lui des soupçons. Finalement, excédé, il conseille à Œdipe de consulter ses serviteurs. L’un d’eux est ce même esclave qui autrefois a “perdu” l’enfant sur le Mont Cithéron. La vérité est dévoilée : Jocaste se tue et Œdipe se crève les yeux. Il quitte Thèbes, conduit par sa fille, Antigone, et vient chercher refuge dans l’Attique. Plus tard, ses deux fils, Etéocle et Polynice, se disputèrent le trône de Thèbes et se tuèrent l’un l’autre. Créon, devenu roi, fit ensevelir Etéocle, mais interdit qu’on rendît les honneurs funèbres à Polynice. Antigone ne put supporter l’idée que l’un de ses frères restât sans sépulture et elle désobéit à l’ordre de Créon au prix de sa vie.
Le mythe d’Oedipe
Petite réflexion autour du mythe d’Oedipe
C’est en cherchant à se soustraire à son Destin qu’Œdipe accomplit la prédiction de l’oracle de Thèbes. Qu’aurait-il fallu qu’il fasse, alors ?
Selon le fatalisme, il existerait donc une nécessité qui s’imposerait à l’homme et qui ne lui laisserait aucune liberté.
La seule sagesse serait alors de l’accepter et à vouloir que les choses soient comme elles sont.
LE DETERMINISME
Le determinisme stoïcien
« J’appelle destin (fatum) ce que les Grecs appellent « heimarménè », c’est-à-dire l’ordre et la série des causes, quand une cause liée à une autre produit d’elle-même un effet. (…) On comprend dès lors que le destin n’est pas ce qu’entend la superstition, mais ce que dit la science, à savoir la cause éternelle des choses, en vertu de laquelle les faits passés sont arrivés, les présents arrivent et les futurs doivent arriver. »
Cicéron, De la divination
Pour les stoïciens, le monde est un système où chaque partie est en rapport avec le tout. Il existe une nécessité, un ordre des choses qui implique que tout ce qui arrive devait arriver…
Chacun doit donc accepter la place qui lui est donnée : « Il ne faut pas demander que les événements arrivent comme tu le veux, mais il faut les vouloir comme ils arrivent ; ainsi ta vie sera heureuse ». (Epictète)
Mais attention, bien que cette conception ressemble au fatalisme, les stoïciens considèrent qu’il y a une place pour une liberté et une action.
Notre pire ennemi, ce ne sont pas les dieux, ou le monde, mais nous-même : ce sont les opinions que nous avons sur les choses qui font que nous sommes libres ou non.
C’est par la raison (et la volonté) que nous allons « faire notre » ce qui arrive, l’accepter. C’est cela qui nous apportera la liberté et la sérénité(le bonheur en tant qu’absence de souffrance /L’ataraxie) Elles adviendront de notre capacité à accepter l’ordre du monde.
En fait pour les stoïciens, les choses (les événements) n’ont pas de valeur en soi. Elles n’ont que la valeur que je leur donne par mon jugement. Et cette valeur que nous donnons aux choses qui arrivent vient plus souvent de notre imagination que de notre raison. C’est cela le début de l’asservissement (de la non liberté)
« Le monde est changement, la vie est opinion » . Marc Aurèle
Le moyen de parvenir à contrôler son jugement sur les choses sera la volonté. C’est par elle que l’homme déterminera la valeur des choses extérieures et décidera s’il convient de poursuivre ou de fuir…
Il s’agit de conformer sa volonté à l’ordre du monde et non l’inverse ! il s’agit d’apprendre à vouloir ce qui nous arrive.
En acceptant l’ordre du monde et en « voulant » ce qui m’arrive, je deviens le maitre de mes pensées. C’est ce qui me rend libre.
« La liberté consiste à vouloir que les choses arrivent, non comme il te plaît, mais comme elles arrivent ».Epictète, Entretiens, I, 35.
Quelles que soient les circonstances, l’homme est libre en ce qu’il reste maître de ses pensées. Ici se dévoile une liberté entière, totale, car aucune puissance au monde ne peut nous contraindre dans l’ordre du jugement. Le sage est libre même en prison. L’homme, livré sans la moindre défense aux revers de la fortune et aux accidents de la vie, peut toujours juger conformément à la raison. Au sein d’une situation tragique, l’indépendance du sage demeure possible si l’on édifie en soi une citadelle intérieure où l’on trouvera la liberté. Emprisonné, Socrate refuse de s’évader et accepte de boire la ciguë. Ce qui a été décidé par d’autres, devient sa volonté. Il est en prison, mais libre.
Lequel de ces verres est à moitié vide ? Lequel est à moitié plein ? Selon les stoïciens, c’est à vous d’en juger. Et c’est là que réside votre liberté… |
Si ce qui arrive ne dépend pas de nous, par contre NOTRE JUGEMENT sur ce qui arrive en dépend.
Épictète (50 ~125-130)
Né en Phrygie, Epictète fut emmené à Rome comme esclave d’Epaphrodite, homme cruel, dit-on, qui s’amusait à le torturer. Il fut affranchi sans doute à la mort d’Epaphrodite. Il suivit les leçons du stoïcien Musonius Rufus, puis commença d’enseigner lui-même le stoïcisme. Il fut probablement chassé de Rome par un décret de Domitien, qui en 94, bannit de la cité tous les philosophes, considérés comme fauteurs de troubles et ennemis de l’Etat. il dirigea une école fréquentée par de nombreux disciples. On raconte qu’Epictète alors esclave, se sentait néanmoins libre dans la mesure où son maître n’avait aucun pouvoir sur ses idées ni sur ses émotions. Le maître s’emportant contre lui, et en proie à sa propre colère, ne maitrisant plus ses sentiments, était moins libre que lui. A son maitre menaçant de le tuer, Epictète répond tranquillement : “Quand t’ai-je dit que j’étais immortel ? Et toi l’es-tu ? Il est en ton pouvoir de me tuer, non de faire que j’estime que c’est là un mal”.
Epictète, texte 1
VIII – En toutes choses, il faut faire ce qui dépend de soi, et du reste être ferme et tranquille. Je suis obligé de m’embarquer ; que dois-je donc faire ? Bien choisir le vaisseau, le pilote, les matelots, la saison, le jour, le vent, voilà tout ce qui dépend de moi. Dès que je suis en pleine mer, il survient une grosse tempête ; ce n’est plus là mon affaire, c’est l’affaire du pilote. Le vaisseau coule à fond, que dois-je faire ? Je fais ce qui dépend de moi, je ne criaille point, je ne me tourmente point. Je sais que tout ce qui est né doit mourir, c’est la loi générale ; il faut donc que je meure. Je ne suis pas l’éternité ; je suis un homme, une partie du tout, comme une heure est une partie du jour. Une heure vient et elle passe ; je viens et je passe aussi : la manière de passer est indifférente ; que ce soit par la fièvre ou par l’eau, tout est égal.
Epictète, texte 2
LXXII. Ne crains rien, ne désire rien, et nul homme n’aura pour toi rien de terrible ni de formidable, non plus, qu’un cheval pour un autre cheval, ni une abeille pour une autre abeille. Ne vois-tu pas que tes désirs et tes craintes sont la garnison que tes maîtres entretiennent dans ton cœur, comme dans une citadelle, pour t’assujettir ? Chasse cette garnison, remets-toi en possession de ton fort, et tu seras libre.
Epictète,Manuel
LE DETERMINISME PSYCHIQUE
Déterminisme : Principe selon lequel tout effet a une cause, les mêmes causes produisent les mêmes effets et il n’y a pas d’effets sans causes.
Si je suis déterminée, comment expliquer cette impression de totale liberté que j’éprouve parfois et qui me donne le sentiment de pouvoir agir librement ? C’est parce que j’ignore les déterminations dont je suis l’objet : les causes qui me font agir.
Mais attention : L’idée de déterminisme ne s’oppose pas systématiquement à l’idée de liberté.
Pourquoi Icare tombe-t-il ?
Icare n’a pas tenu compte des conseils de son père mais surtout des lois de la nature : Il a « oublié » la chaîne des effets et des causes… et il est tombé !
Le démon de Laplace
Pierre-Simon de Laplace
( 1749 -1827)
Né à Paris, est un mathématicien, astronome et physicien français.
L’intelligence dont parle Laplace dans ce texte est souvent appelée « démon de Laplace ». Ce n’est pas un être réel, mais une entité fictive qui permet de comprendre ce qu’est le déterminisme.
L’idée de Laplace est que, si le futur nous paraît incertain (nous ne savons pas ce qui se passera demain), c‘est en raison de notre manque de connaissance et non du fait que le futur soit réellement ouvert et imprévisible. Laplace est déterministe et suppose que le futur est prédictible en droit, même s’il est imprédictible en fait. Il pense que les modifications de l’univers se produisent conformément à des lois de la nature déterministes.
« Nous devons donc envisager l’état présent de l’univers comme l’effet de son état antérieur et comme la cause de celui qui va suivre.
Une intelligence qui pour un instant donné connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, (…) rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé, seraient présents à ses yeux ».
Laplace, Essai philosophique sur les probabilités, Œuvres, Gauthier, Villars, vol. II, 1, pp. 6-7 (1886).
Le hasard n’existe donc pour nous que parce que nous sommes incapables de connaître l’ensemble des facteurs ou des causes qui déterminent les mouvements des choses. Et peut-être confondons-nous cette ignorance avec la liberté…
Baruch SPINOZA
Texte Spinoza
Pour ma part, je dis que cette chose est libre qui existe et agit par la seule nécessité de sa nature, et contrainte cette chose qui est déterminée par une autre à exister et à agir selon une modalité précise et déterminée. […] Vous voyez donc que je ne situe pas la liberté dans un libre décret, mais dans une libre nécessité. […] Pour le comprendre clairement, prenons un exemple très simple. Une pierre reçoit d’une cause extérieure qui la pousse une certaine quantité de mouvement, par laquelle elle continuera nécessairement de se mouvoir après l’arrêt de l’impulsion externe. Cette permanence de la pierre dans son mouvement est une contrainte, non pas parce qu’elle est nécessaire, mais parce qu’elle doit être définie par l’impulsion des causes externes; et ce qui est vrai de la pierre, l’est aussi de tout objet singulier, quelle qu’en soit la complexité et quel que soit le nombre de ses possibilités : tout objet singulier, en effet, est nécessairement déterminé par quelque cause extérieure à exister et à agir selon une loi précise et déterminée.
Concevez maintenant, si vous voulez bien, que la pierre, tandis qu’elle continue de se mouvoir, sache et pense qu’elle fait tout l’effort possible pour continuer de se mouvoir. Cette pierre, assurément, puisqu’elle n’est consciente que de son effort, et qu’elle n’est pas indifférente, croira être libre et ne persévérer dans son mouvement que par la seule raison qu’elle le désire. Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d’avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent.
Spinoza, Correspondance, Spinoza à G.H. Schuller
Le déterminisme selon Spinoza
Spinoza et l'éthique :
La cause première de toutes choses : c’est Dieu. Il est cause de sa propre existence. Il existe donc nécessairement. (L’existence fait partie de son essence).Il est selon Spinoza, « substance », c’est-à-dire « ce qui est en soi et est conçu par soi ».
Et il est donc aussi absolument libre.
Dieu n’est rien d’autre que le monde lui-même, la nature.
L’homme n’est qu’un des multiples modes de la substance. Il est donc soumis lui aussi à l’enchainement des causes et des effets. Lui aussi dépend des lois universelles de la nature.
Mais les hommes ignorent les causes qui les déterminent à désirer et à agir. Par contre ils ont conscience des buts, des fins de leurs actions. Et c’est ce qui leur donne l’illusion qu’ils sont libres.
L’homme est contraint mais l’ignore. C’est-à-dire qu’il est « déterminé par une autre cause à exister et à produire ».
L’homme ne sera réellement libre qu’en comprenant les déterminismes qui le font agir.
Mais croire au libre arbitre, c’est une illusion qui repose sur l’idée que l’homme dans la Nature serait « comme un empire dans un empire » ; Que l’homme a le pouvoir de « bouleverser la nature plutôt que de la suivre » et qu’enfin l’homme a « un pouvoir absolu sur ses actions et ne se détermine que par soi seul ».(Spinoza, Ethique)
Le rôle de la philosophie c’est de surmonter, par la connaissance rationnelle, la tentation religieuse (projection illusoire et triste de nos passions). Cette croyance métaphysique, même non fondée en vérité, serait une fiction et, si l’on croit qu’elle est vraie, une illusion socialement utile pour responsabiliser les individus et les dissuader de commettre des crimes et des délits.
Pour aller (beaucoup) plus loin sur Spinoza
Freud et le determinisme psychique
Inconscient et liberté sont-ils compatibles ?
S’il y a en moi, comme le dit J.Lacan « un chapitre censuré de mon histoire », si j’ignore une partie de ce qui me fait agir, comment être libre ?
Pour la psychanalyse, il existe un inconscient qui influence, à notre insu, nos pensées conscientes et nos actes. Le « moi » ne peut alors se comprendre lui-même et selon l’expression de Freud, il « (le moi) n’est pas maître dans sa propre maison ».
Des évènements inexpliqués de la vie « normale » comme les rêves, les actes manqués, les lapsus… doivent être alors considérées comme inscrits dans une chaine de causes et d’effets dont la cause initiale me reste inconnue (elle appartient au « refoulé », et ne se manifeste que « masquée »sous forme de symptôme).
Ainsi le caractère inconscient de certaines pulsions qui font agir le sujet invite à réfléchir autrement au problème de la liberté.
Si l’idée d’inconscient exclut l’idée de libre-arbitre c’est à dire l’idée d’une conscience totalement indéterminée, complètement maîtresse de ses choix, elle n’exclut pas l’idée de liberté. .
Et c’est tout le but de la psychanalyse qui vise bien à libérer le malade de ses affections ou des événements de son histoire passée. ” Là où ça était, Je dois venir “, dit Freud, ce qui semble bien nous dire que rien n’empêche l’individu de reprendre le contrôle de lui-même, de découvrir ce qui le faisait agir à son insu et de décider ensuite librement de ce qu’il fera de ces désirs qui étaient enfouis et que soudain il découvre. La cure psychanalytique est une pratique visant à la reconquête de soi, à la libération.
«Le psychique en toi ne coïncide pas avec ce dont tu es conscient ; ce sont deux choses différentes que quelque chose se passe en ton âme et que tu en sois par ailleurs informé. je veux bien concéder qu’à l’ordinaire, le service de renseignements qui dessert ta conscience suffit à tes besoins. Tu peux te bercer de l’illusion que tu apprends tout ce qui revête une certaine importance. Mais dans bien des cas (…) il est en panne, et alors ta volonté ne va pas plus loin que ton savoir. Mais dans tous les cas, ces renseignements de ta conscience sont incomplets et souvent peu sûrs ; par ailleurs, il arrive assez souvent que tu ne sois informé des évènements que quand ils se sont déjà accomplis et que tu ne peux plus rien y changer. Qui saurait évaluer, même si tu n’es pas malade, tout ce qui s’agite dans ton âme et dont tu n’apprends rien, ou dont tu es très mal informé? Tu te comportes comme un souverain absolu, qui ne descend pas dans la rue pour écouter la voix du peuple. Entre en toi-même, dans tes profondeurs, et apprends d’abord à te connaître, alors tu comprendras pourquoi tu dois devenir malade, et tu éviteras peut-être de le devenir.»Freud, L’inquiétante étrangeté et autres essais, “une difficulté de la psychanalyse” 1917
La liberté au XXIème siècle
QCM sur la vidéo
EXEMPLES CINEMATOGRAPHIQUES
Minority Report
Résumé :
En 2054, la ville de Washington a réussi à éradiquer la criminalité. Grâce aux visions du futur fournies par trois individus précognitifs, les agents de Précrime peuvent écrouer les criminels juste avant qu’ils n’aient commis leurs méfaits. Mais un jour, l’agent John Anderton reçoit des précogs une vision le concernant : dans moins de 36 heures, il aura assassiné un homme qu’il ne connaît pas encore et pour une raison qu’il ignore. Choqué, il prend alors la fuite, poursuivi par ses propres coéquipiers qui ont pour mission de l’arrêter conformément au système… Maintenant qu’il sait, pourra-t-il ne pas commettre ce crime ?
Dans Minority Report, au-delà du thème sécuritaire, se pose donc la question du libre arbitre. Sommes-nous libres ou déterminés.
ARTICLE SUR MINORITY REPORT
« MINORITY REPORT », UN EXERCICE DE PHILOSOPHIE PRATIQUE.
Anticiper l’avenir, un vieux rêve des humains, qui peut être considéré comme une hypothèse échevelée et rangé dans la catégorie de choses pas sérieuses. Surtout si l’on pense à la voyance, souvent une croyance superstitieuse, qui nourri le business de l’astrologie et des métiers de la divination … Pourtant, ce ne serait pas une bonne opération, philosophiquement parlant. Car il y a un lien entre ce désir d’anticipation rassurante, dans la « prévision » des faits à venir, et le besoin de « prédiction » en science, ainsi que celui de « prévention » dans la société et de « précaution » en politique. On est, dans tout ces cas, en rapport au futur, face à ce qui viendra, pour lui arracher une part de son mystère et faire qu’il soit moins effrayant.
Se profile face à l’horizon lointain et très vaste des dizaines de millénaires où les cultures humaines fonctionnaient presque entièrement autour des oracles et des prophéties, de prêtresses, de sibylles[1], des messages chamaniques et visions de rêves prémonitoires à interpréter ; l’homme a cherché, attendu patiemment, scruté attentivement, nuage, cendre, sang, osselets, pour trouver les signes de ce qui vient dans ce qui est, tout comme pour s’expliquer ce qui est par ce qui fût. La rationalité même de l’homme a laborieusement émergé de ces brumes pléthoriques de sens de la divination oraculaire.
Penser, comme quelques philosophies scientifiques ou plutôt ses versions idéologiques au rabais, que l’homme est entièrement rivé au présent, seul réel, seul point temporel existant, mais sans épaisseur, isolé entre le passé qui n’existe plus et le futur qui n’est pas encore, est une sorte de bizarrerie dans l’histoire humaine, seulement possible dans un matérialisme empiriste extrême, qui n’existe que depuis peu. Paradoxalement, c’est la même idéologie qui alimente l’hypothèse du tout préventif, l’hypothèque du tout sécuritaire.
Ainsi donc, il suffit d’une conjecture juste un peu plus crédible pour étudier les conséquences de cette chose énorme : et si on le pouvait ? Si l’on était capable de prévoir… ? Ici, c’est par le truchement de facultés extraordinaires de quelques êtres (qui peut affirmer avec certitude que cela ne se peut ?) et des avancées de la science et la technologie : neuroscience, informatique, imageries, interfaces… Si l’on pouvait, donc, prévoir certains faits futurs, notamment des crimes, et éventuellement les empêcher, faudrait-ils s’en priver ? Quelles seraient les conséquences éthiques, juridiques et politiques d’une telle possibilité ?
Ce film riche et complexe, à peine futuriste, inspiré du roman de Philip Dick, nous propose, sous l’aspect d’un polar d’anticipation, une mise en évidence des dérives sécuritaires et de cette obsession d’anticiper et de prévoir la criminalité pour l’empêcher. Fait en 2002 (le livre est des années 40 !), son auteur, sans l’aide des « précogs », ne pouvait pas « prévoir », lui, des thématiques qui viendraient pimenter avec des mauvaises épices la politique française quelques années après : pensez par exemple au dépistage précoce des enfants turbulents (futurs délinquants ?), à l’hypothèse d’un déterminisme génétique de la pédophilie ou du suicide (évoqué par une personnalité politique d’une certaine importance…), ou de peines de prison accomplies sans que cela ne signifie la liberté pour ceux qui seraient considérés comme récidivistes potentiels (je n’invente rien, on n’est pas dans la SF). Prévoir ne se peut, croit-on, mais prévenir se doit, dit-on. Le « principe de précaution » est inscrit dans la constitution, une bizarrerie philosophico-politique.
Ce faisant, le film déborde largement sur le thriller policier pour poser des questions métaphysiques sur la causalité, l’enchaînement des conséquences des actions et en quoi la liberté est compromise mais aussi fondée par l’enchevêtrement temporel de l’existence.
Si tout est lié dans un enchaînement de causes et effets, mes actions sont-elles conséquence de ce qui les précède ? Et, donc en quelque sorte théoriquement prévisibles? Dans ce cas, la liberté n’est-elle pas une sortie de la causalité ?
Ces hypothèses sont connues depuis Aristote, qui parlait des futurs contingents (ce qui n’est pas nécessaire, qui peut advenir comme ne pas advenir), dont la connaissance était justement problématique. Pour les théologiens ce fût encore plus difficile, car si le Dieu éternel est hors du temps et s’il connaît le tout de ce qui arrive dans le temps (l’éternité l’inclut) puisque omniscient… connaît-il pour autant les futurs contingents ? Si la réponse est non, il n’est ni tout-puissant ni omniscient, si la réponse est oui, quid de la liberté humaine ? Tout est écrit, en quelque sorte.
La science est revenue sur ces problèmes avec les théories déterministes, dont celle de Laplace est l’archétype sans être la seule : déterminismes de la matière, puis, de l’histoire, et, plus près de nous, ce fameux déterminisme génétique. La contingence et la liberté ne seraient que des problèmes d’ignorance d’un certain nombre de variables dans l’énorme complexité des systèmes astronomiques, climatiques, biosphère, sociétés, langages…
Il ne faudrait pas s’étonner de voir, dans un futur bien plus proche que nous le pensons, la naissance d’idées, des projets, des expériences qui ne seraient que la continuité de ce si vieux rêve : prévoir l’avenir, avec les paradoxes et les nœuds gordiens que cela posera à l’éthique.
Il est pourtant étonnamment simple de le penser à l’aide de ce film : si on possède la certitude que quelqu’un va commettre un crime, faut-il l’en empêcher ? Il ne paraît pas facile de répondre non : cela nous chargerait d’une coresponsabilité du crime, par non assistance à personne en danger. Mais faut-il punir le criminel potentiel ? Comment le faire puisqu’il n’aura pas commit son forfait ? Il est donc (encore) innocent ? Faut-il donc le laisser en liberté ? On sait qu’il pourra se trouver une autre occasion de tuer… Mais qu’est-ce qu’être innocent, donc, si on est un assassin en puissance? L’idée, donc, est acceptée. Il faut le mettre à l’écart. Comment peut-on en sortir ?
Il y a bien d’autres choses dans ce film. Entre autres, une réflexion très poussée sur le regard : qu’est-ce que l’on voit vraiment ?… dans « prévoir » il y a voir, donc la question des images… le film est rempli d’images ; le détail que l’on ne voit pas (en cela il est parfaitement Hitchcockien), à moins de changer de regard (n’est pas cela la philosophie ?). Avec quels yeux, d’ailleurs : question de l’identité et l’indentification par scanner oculaire ; la traçabilité des personnes : par où tu passes, tu es filmé, enregistré, localisé. Une société de contrôle biopolitique, de manipulation des corps et des consciences.
Encore une fois, tout ceci est à peine futuriste. Une société ainsi normalisée, pourrait-elle se passer d’un tel confort ? La démocratie ne viendrait pas forcement avaliser cet état de choses qui la nie elle-même, cette emprise sur la liberté qui la libère du choix, qui la protège d’elle-même en l’annulant ? (« Si Dieu connaissait les futurs contingents »). Probablement elle ne bénéficierait pas d’un « rapport minoritaire », d’une version alternative, d’une dissidence, et elle n’aurait pas d’yeux pour voir le détail qui change tout, la différence entre les faits et « l’écho » des faits dans quelque conscience, ses traces dans quelque mémoire, ses effets dans quelque fragment de réalité, palimpseste de significations qu’il faut néanmoins déchiffrer, sans tomber dans la projection de ses propres souffrances (la question du fils disparu du héros du film) ni succomber à la tricherie majeure, à la machination imparable : vouloir prouver que quelque chose existe en la fabriquant, prévoir le futur qu’on à produit et ne produire que ce que l’on a prévu. (…)
Daniel Ramirez
Déterminisme ou non ?
LE LIBRE ARBITRE
Pour certains philosophes, l’homme pourrait toujours choisir d’agir ou de refuser d’agir. Ce qui supposerait que l’on est toujours responsable de nos actes.
Cela supposerait aussi que tous les hommes auraient la capacité de choisir entre différents actes également possibles. Cette vision de la liberté repose sur l’idée de libre-arbitre
Le libre arbitre : (en latin = jugement de l’arbitre « libérium arbitrum » ou pouvoir de choisir).
Au sens moderne : capacité de choisir entre deux ou plusieurs comportements. Capacité d’être cause première ou absolue de nos actes.
Ainsi chacun de nous serait libre d’agir de sa propre initiative, par une décision de sa volonté. L’homme est sujet de ses actes. Il est sujet parce qu’il est la source de ses choix.
René Descartes ( 1596 - 1650 )
René Descartes
( 1596 – 1650 )
Mathématicien, physicien et philosophe français. Il est considéré comme l’un des fondateurs de la philosophie moderne.
Car elle (la volonté) consiste seulement en ce que nous pouvons faire une chose ou ne la faire pas, (c’est-à-dire affirmer ou nier, poursuivre ou fuir) ou plutôt seulement en ce que pour affirmer ou nier, poursuivre ou fuir les choses que l’entendement nous propose, nous agissons en telle sorte que nous ne sentons point qu’aucune force extérieure nous y contraigne. Car, afin que je sois libre, il n’est pas nécessaire que je sois indifférent à choisir l’un ou l’autre des deux contraires, mais plutôt d’autant plus que je penche vers l’un, soit que je connaisse évidemment que le bien et le vrai s’y rencontrent, soit que Dieu dispose ainsi l’intérieur de ma pensée, d’autant plus librement j’en fais choix et je l’embrasse : Et certes le grâce divine et la connaissance naturelle, bien loin de diminuer ma liberté, l’augmentent plutôt et la fortifient. De façon que cette indifférence que je sens, lorsque je ne suis point emporté vers un côté plutôt que vers un autre par le poids d’aucune raison, est le plus bas degré de liberté, et fait plutôt paraître un défaut dans la connaissance, qu’une perfection dans la volonté ; car si je connaissais toujours clairement ce qui est vrai, et ce qui est bon, je ne serais jamais en peine de délibérer quel jugement, et quel choix je devrais faire ; et ainsi je serais entièrement libre, sans jamais être indifférent.
Descartes, Méditations métaphysiques ; IV
La liberté d’indifférence
Il existe pour Descartes des degrés dans la liberté :
1er degré : La liberté d’indifférence
Le plus bas degré est la liberté d’indifférence : pur arbitraire du choix, la volonté n’étant déterminée par aucun mobile.
Cet état existe lorsque je ne sens rien qui me pousse à choisir ; il se confond avec le hasard.
L’indifférence est une marque de l’hésitation car nous n’avons aucune connaissance susceptible d’éclairer notre choix. C’est le plus bas degré de la liberté
mais c’est néanmoins une liberté.
La liberté d’indifférence est « cet état dans lequel la volonté se trouve, lorsqu’elle n’est point portée, par la connaissance du vrai ou du bien, à suivre un parti plutôt qu’un autre ».
Mais c’est une liberté négative qui rappelle l’histoire de l’âne de Buridan[1] :
L’ÂNE DE BURIDAN
Un âne, face à une botte de foin et un seau d’eau et ayant aussi faim que soif, finit, à force d’hésiter, par mourir de l’un et de l’autre. Voilà ou peut mener la liberté
d’indifférence ! La liberté d’indifférence est liée à l’ignorance du vrai et du bien ; elle existe donc lorsque je ne sens rien qui me pousse à choisir ; elle se confond avec le hasard.
La liberté éclairée
Mais la vraie liberté ne peut-être indifférente. Ce qui va s’opposer à une liberté d’indifférence, c’est une liberté éclairée.
Le plus haut degré est donc la liberté éclairée (par la connaissance): la volonté y est parfaite, car parfaitement éclairée par le jugement.
La véritable liberté pour Descartes, c’est le résultat d’un choix soit par la raison seule, soit grâce à notre communauté d’essence avec Dieu. Et le pouvoir de l’homme, c’est d’accepter le monde et de vouloir dans son sens (// avec stoïcisme)« si je connaissais toujours clairement ce qui est vrai et ce qui est bien, je ne serais jamais en peine de délibérer quel jugement, quel choix je devrais faire et ainsi, je serais entièrement libre sans jamais être indifférent ».Pour Descartes, Dieu existe et l’homme penche naturellement vers le bien. (Descartes comme Socrate pense que « nul n’est méchant volontairement »). Si l’homme se trompe ou se dirige vers le mal, c’est parce qu’il a mal utilisé sa raison.
L’homme est libre parce qu’il choisit, il prend parti.
La volonté, c’est la faculté de se déterminer à agir ou à s’abstenir en pleine connaissance de cause et après réflexion. La liberté est donc pour lui liberté de la volonté, « pouvoir d’affirmer ou de nier, de prendre un parti ou un autre » ; ce pouvoir, celui du libre-arbitre, il n’en conçoit pas de plus grand. Au moment d’agir nous savons que « nous pouvons faire une même chose ou ne la faire pas ». : « Pour affirmer ou nier, poursuivre ou fuir les choses que l’entendement[1] nous propose, nous agissons en telle sorte que nous ne sentons point qu’aucune force extérieure nous contraigne » Méditations métaphysiques, Quatrième Méditation.
[1] Entendement : Faculté/action de comprendre, de saisir intellectuellement ou par le cœur la nature, la portée, la signification d’un être ou d’une chose. [P. réf. à la théorie de Descartes] Faculté de comprendre, de saisir l’intelligible par opposition aux sensations.
Jean-Paul Sartre (1905-1980)
Ecrivain , philosophe engagé dans le siècle, également dramaturge, romancier, nouvelliste et essayiste. Père de l’existentialisme.
Le nom de Sartre est associée à la philosophe Simone de Beauvoir: une immense complicité affective et intellectuelle les a unis toute leur vie.
Pour Sartre, « l’existence précède l’essence » ; c’est-à-dire que l’homme n’est pas prédéterminé par sa nature mais se choisit librement à travers les actes qu’il accomplit au cours de sa vie. Il est l’auteur d’un texte assez accessible L’existentialisme est un humanisme
Sartre et la liberté
Pour Sartre, l’existence précède l’essence….C’est à dire que l’homme vient au monde (est jeté dans le monde) sans être « pré équipé » : il n’y a pas de dieu, pas de « nature » humaine. Ses qualités, c’est par son existence qu’il les acquière.
Et c’est aussi pour cela que l’homme est libre. Il ne peut être QUE libre. ” L’homme ne saurait être tantôt libre, et tantôt esclave : il est tout entier et toujours libre ou il ne l’est pas “, ce que Sartre exprime sous la formule répétée inlassablement, aussi bien dans L’être et le Néant que dans ses romans : “je suis condamné à être libre”.
La liberté est donc un absolu qui ne se choisit pas.
Ainsi la liberté n’est pas graduable. Je ne suis pas plus ou moins libre.
Pour Sartre, la liberté c’est mon existence même dans la mesure où je suis celui qui me fait être.
C’est ce projet même qui s’appelle liberté, projet qui ne se réalise pas dans l’intimité douillette d’un ego renfermé sur lui-même, mais s’accomplit comme être-au-monde, c’est à dire être-pour-autrui ” en situation “.
L'Être et le Néant
Il faut, en outre, préciser contre le sens commun que la formule “être libre” ne signifie pas “obtenir ce qu’on a voulu”, mais “se déterminer à vouloir (au sens large de choisir) par soi-même”. Autrement dit, le succès n’importe aucunement à la liberté. La discussion qui oppose le sens commun aux philosophes vient ici d’un malentendu: le concept empirique et populaire de “liberté” produit de circonstances historiques, politiques et morales, équivaut à “faculté d’obtenir les fins choisies”. Le concept technique et philosophique de liberté, le seul que nous considérions ici, signifie seulement: autonomie du choix. Il faut cependant noter que le choix étant identique au faire suppose, pour se distinguer du rêve et du souhait, un commencement de réalisation. Aussi, ne dirons-nous pas qu’un captif est toujours libre de sortir de prison, ce qui serait absurde, ni non plus qu’il est toujours libre de souhaiter l’élargissement, ce qui serait une lapalissade sans portée, mais qu’il est toujours libre de chercher à s’évader (ou à se faire libérer) – c’est-à-dire que, quelle que soit sa condition, il peut pro-jeter son évasion et s’apprendre à lui-même la valeur de son projet par un début d’action.
Jean Paul SARTRE, L’être et le néant
L’homme est-il condamné à être libre?
L’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait. [ … ] Il est d’abord ce qui se jette vers un avenir, et ce qui est conscient de se projeter dans l’avenir. L’homme est d’abord un projet qui se vit subjectivement, au lieu d’être une mousse, une pourriture ou un chou-fleur; rien n’existe préalablement à ce projet. [ … ]
La première démarche de l’existentialisme’ est de mettre tout homme en possession de ce qu’il est et de faire reposer sur lui la responsabilité totale de son existence. Et quand nous disons que l’homme est responsable de lui-même, nous ne voulons pas dire que l’homme est responsable de sa stricte individualité, mais qu’il est responsable de tous les hommes. L’homme est condamné à être libre. Condamné, parce qu’il ne s’est pas créé lui-même, et par ailleurs cependant libre, parce qu’une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu’il fait. L’existentialiste ne croit pas à la puissance de la passion. Il ne pensera jamais qu’une belle passion est un torrent dévastateur qui conduit fatalement l’homme à certains actes, et qui, par conséquent, est une excuse. Il pense que l’homme est responsable de sa passion. L’existentialiste ne pensera pas non plus que l’homme peut trouver un secours dans un signe donné, sur terre, qui l’orientera; car il pense que l’homme déchiffre lui-même le signe comme il lui plaît. Il pense donc que l’homme, sans aucun appui et sans aucun secours, est condamné à chaque instant à inventer l’homme.
EXEMPLES CINEMATOGRAPHIQUES
Le choix de Sophie
Film américain de Alan J. Pakula (E.Unis,1982)tiré du roman de William Styron
Résumé :
Sophie, déportée à Auschwitz, reçoit l’atroce proposition d’un officier SS : qu’elle désigne celui de ses deux enfants, sa fille ou son fils, qui sera tué dans la chambre à gaz. L’autre aura la vie sauve. Si elle refuse de choisir, les deux mourront.
Sophie choisit et sacrifie un de ses enfants. Qui pourrait l’en juger ? Personne d’autre qu’elle-même, bien sûr. Elle n’échappera que dans sa propre mort à l’horreur d’une culpabilité dont elle était la seconde, ou peut-être même la première victime.
MATRIX
MATRIX
Résumé :
Thomas Anderson, programmeur dans un service administrateur, est également un grand pirate informatique connu sous le nom de Néo. Il est hanté par
ses rêves, qui le forcent à se poser une question qu’il ne comprend pas : “Qu’est ce que la matrice ?”. Mais voilà qu’un jour, Thomas a une réponse à sa question. Il rencontre un dénommé Morpheus qui lui explique que le monde dans lequel il vit n’existe pas, que c’est un monde virtuel appellé la Matrice, contrôlée par des machines. Persuadé que Neo est l’Elu dont parle sa prophétie, Morpheus entame avec lui sa lutte contre la Matrice et ses agents que rien
ne semble pouvoir arrêter.
Le film exprime l’idée que les machines ont pris le pouvoir sur la Terre, et qu’elles nous cultivent. Capables de nous mettre au monde sans avoir besoin
d’autres humains, elles créent des champs entiers d’humains et les contrôlent totalement. Pour acquérir ce contrôle, rien de plus simple : elles nous font
croire que le monde dans lequel on vit est un monde irréprochable, une perfection illusoire qu’elles nous mettent devant les yeux. C’est ce monde idéal, créé de toutes pièces, qui est appellé Matrice. Le monde réel, quant à lui, est dévasté et une mince poignée de survivants tentent vainement de rétablir la liberté dont les hommes ne jouissent plus. Mais ça n’est pas si simple, car les humains n’ont aucune connaissance de ce fait, et surtout ils se complaisent dans ce monde imaginaire où ils se sentent bien et protégés, en sécurité.
« La plupart ne supporteraient pas d’être débranchés, certains sont tellement dépendants du système qu’ils iraient jusqu’à se battre pour le protéger. »
Morpheus
Information complémentaire sur The Truman show
RESUME
Depuis sa naissance, à son insu, un homme est filmé pour un «docu-soap» télévisé.
Truman Burbank a toujours vécu dans la charmante bourgade de Seahaven, sur une île à quelques encablures du continent américain. C’est là qu’il a passé son enfance avec son meilleur ami Marlon, qu’il s’est marié avec Meryl, infirmière dans l’hôpital local, qu’il a trouvé un emploi stable et qu’il croise chaque matin ses voisins et amis, au comportement aussi prévisible que le sien.
D’ailleurs, voudrait-il quitter l’île qu’il ne le pourrait pas, car il est obsédé par le souvenir de son père, noyé sous ses yeux lors d’une sortie en voilier. Cela ne l’empêche pas d’abriter un rêve secret : avoir un beau matin le courage de se rendre sur le continent et revoir la belle Lauren, qui disait s’appeler Sylvia et le supplia jadis de s’échapper de sa “prison”, juste avant de disparaître brutalement de son univers.
Or, depuis quelque temps, Truman constate des anomalies dans son environnement : un projecteur, venu d’on ne sait où, s’écrase soudain à ses pieds, le ciel toujours bleu est parfois obscurci d’une averse réservée à lui seul, un clochard ressemblant à son père tente de le contacter avant d’être enlevé sous ses yeux par des passants. Toutes ses tentatives pour quitter Seahaven échouent à cause de mystérieux obstacles ou contretemps. Il est bientôt convaincu d’être en permanence observé. Et ce n’est pas une illusion. En vérité, Truman a été adopté à sa naissance par une grande chaîne de télévision et il est à son insu la vedette du Truman Show, un feuilleton diffusé depuis trente ans, 24 heures sur 24, à la grande satisfaction de plus d’un milliard et demi de téléspectateurs à travers le monde. Seahaven est en fait une bulle, un décor de studio, et tous les événements de la vie de Truman sont décidés et organisés en régie par le tout-puissant producteur Christof.
Dans le monde extérieur, certains, comme Sylvia, s’efforcent de mettre un terme à cette situation inhumaine. La décision vient finalement de Truman qui, un jour, entreprend de dominer sa phobie et de traverser l’océan. Furieux de voir sa créature lui échapper, Christof déchaîne une tempête. Sous les yeux des spectateurs atterrés, Truman est sur le point de se noyer. Pourtant, il réussit à remonter sur le voilier et atteint… la toile de fond du studio où se trouve une porte fermée. Christof supplie Truman de rester à Seahaven : la vie qui l’attend de l’autre côté est, dit-il, plus cruelle que celle qu’il a connue dans son monde factice. Truman, néanmoins, choisit la liberté.
La liberté
Le film peut être abordé comme une défense de la liberté individuelle ou liberté privée.
On peut considérer ce film comme une parabole des relations entre un Etat tutélaire, tout-puissant, agissant au nom du soit disant bonheur de ses membres, et l’individu, avide de liberté, représenté par Truman.
Sont ainsi opposées une conception de l’Etat providence, qui vise à procurer à tous le bonheur et une conception libérale de la société : la valeur suprême étant la liberté individuelle. Le film défendrait ainsi l’une des valeurs fondamentales de la société américaine.