L.A 2 Marianne Cohn, Je trahirai demain, 1943

Marianne Cohn, (1922 – 1944).

Biographie de Marianne Cohn (1922-1944)

Résistante allemande, arrêtée puis torturée et exécutée par la Gestapo à Annemasse pour avoir conduit des enfants juifs vers la Suisse.

Marianne Cohn est née à Mannheim en 1922, dans une famille d’universitaires de gauche d’origine juive mais plutôt détachée de la tradition juive et fortement assimilée. Cette famille est bouleversée par l’irruption du nazisme. Entre 1934 et 1944, elle connaît plusieurs exils : la famille part pour l’Espagne, Marianne et sa sœur sont envoyées à Paris.

Dès 1941, la jeune Marianne entre en résistance puis participe à la construction du MJS (mouvement de la jeunesse sioniste).

De septembre 1942 à janvier 1944, sous le pseudonyme de Colin, elle a pour tâche de faire passer des enfants juifs vers la Suisse.

Arrêtée en 1943, elle est relâchée au bout de trois mois. C’est de cette période que l’on date – sans en être absolument sûr – la composition du poème « Je trahirai demain ».

Le 31 mai 1944, elle est à nouveau arrêtée à Annemasse (probablement dénoncée) alors qu’elle a en charge une trentaine d’enfants et que seulement 200 mètres les séparent de la frontière suisse. Malgré la torture, elle ne livre aucune information à la Gestapo et refuse la proposition d’évasion de son réseau par crainte des représailles sur les enfants.

Emmenée dans la nuit du 7 au 8 juillet 1944 par la Gestapo, elle est assassinée à coups de bottes et de pelles.


 

LE CONTEXTE

Les Allemands et leurs collaborateurs tuèrent au moins 1,5 millions d’enfants, dont plus d’un million d’enfants juifs, des dizaines de milliers d’enfants tsiganes, des enfants allemands handicapés physiques et mentaux, des enfants polonais ainsi que des enfants d’Union soviétique occupée. Les chances de survie des adolescents (13-18 ans) qu’ils fussent juifs ou, pour certains, non-juifs étaient plus grandes car ils pouvaient être enrôlés pour le travail forcé.

 

 1943-1944 : Les passages en Suisse

La mise en place des passages en Suisse remonte à avril 1943, à la suite de négociations avec les autorités helvétiques pour l’arrivée d’enfants seuls. Plusieurs passeurs travaillant directement sous les ordres de l’OSE sont engagés à cet effet. Jenny Masour avec Robert Job et les responsables des maisons opère le choix des enfants particulièrement menacés qui sont envoyés dans les nouvelles maisons de la zone italienne, Moutiers-Salins et Saint-Paul en Chablais, ou encore par groupes de 6 à 10 vers la Suisse.

En août, les passages sont intensifiés, suite à l’évacuation des centres de résidence assignée de Saint-Gervais et Megève.
Après septembre 1943, avec la ruée des Allemands dans la zone italienne, la tâche devient plus difficile.  

A la suite d’arrestations successives, les convois d’enfants sont pratiquement interrompus de novembre 1943 à mars 1944, date à laquelle ils reprennent de manière accélérée, préparés conjointement par l’OSE, la Sixième (le circuit clandestin des EIF) et le Mouvement de la jeunesse sioniste (MJS) dont faisait partie Marianne Cohn.

 

La maison d'Izieu

 

L’histoire des enfants d’Izieu  

Les familles de ces enfants juifs sont d’origines diverses : allemande, polonaise, autrichienne, belge ou encore française, de métropole ou d’Algérie.
Beaucoup ont traversé l’Europe à différentes époques, fuyant les pogroms et les actes antisémites ou la misère, espérant trouver refuge en France.

 

En septembre et octobre 1940, le régime de Vichy édicte les premières lois antisémites.
Ces familles se trouvent prises au piège de l’Europe en guerre et des politiques antisémites. Persécutées, pourchassées, arrêtées, internées en France, 76 000 personnes juives, dont 11 400 enfants, seront livrées aux autorités allemandes, puis déportées et assassinées.
Des œuvres de secours organisent des réseaux de sauvetage et tentent de soustraire les enfants à ces persécutions.

En mai 1943, Sabine et Miron Zlatin, en lien avec l’Œuvre de Secours aux Enfants (OSE), installent une quinzaine d’enfants à Izieu, alors en zone d’occupation italienne, ce qui les met temporairement à l’abri des poursuites antisémites.

Source : http://www.memorializieu.eu/la-colonie-1943-1944/en-bref/

 

Jusqu’en janvier 1944, date de la dernière liste du registre des présences tenu par Miron Zlatin, 105 enfants, juifs pour la plupart, ont séjourné à la colonie d’Izieu.
Celle-ci est souvent un lieu de passage dans un réseau de sauvetage plus vaste, composé d’autres maisons, de familles d’accueil ou de filières de passage en Suisse.

Le 6 avril 1944, 45 enfants et 8 adultes, tous juifs à l’exception d’un garçon, René-Michel Wucher, se trouvent à la colonie. Sur ordre de Klaus Barbie, des hommes de la Gestapo et des soldats de la Wehrmacht viennent arrêter ce matin-là les personnes présentes. Un adulte, Léon Reifman, parvient à s’échapper et à se cacher au moment de la rafle. Le petit René-Michel Wucher est libéré lors d’un arrêt des camions à Brégnier-Cordon, village en contrebas d’Izieu.

Lors de la rafle de la colonie d’Izieu, 44 enfants (âgés de 5 à 17 ans) et 7 adultes juifs sont arrêtés puis déportés.
Miron Zlatin et 2 adolescents sont fusillés à Reval (aujourd’hui Tallin) en Estonie.
42 enfants et 5 adultes sont assassinés à Auschwitz-Birkenau. Léa Feldblum, éducatrice, est la seule survivante.

Au revoir les enfants, film de Louis Malle, 1987 

Dans Au revoir les enfants, film essentiellement autobiographique, le cinéaste Louis Malle se penche sur ces années sombres de notre histoire et sur un événement traumatisant de son enfance.

En janvier 1944, le jeune Julien Quentin, collégien dans un pensionnat catholique, se prend d’amitié pour un nouvel élève, Jean Bonnet, brillant et mystérieux. Il ne tarde pas à découvrir qu’il s’appelle en réalité Kippelstein, qu’il est juif et persécuté par un régime antisémite à la solde de l’occupant nazi.

LE TEXTE : Je trahirai demain

« Je trahirai demain »

 

Je trahirai demain pas aujourd’hui.
Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,
Je ne trahirai pas.

Vous ne savez pas le bout de mon courage.
Moi je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.
Vous avez aux pieds des chaussures
Avec des clous.

Je trahirai demain, pas aujourd’hui,
Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre,
Il ne faut pas moins d’une nuit
Pour renier, pour abjurer, pour trahir.

Pour renier mes amis,
Pour abjurer le pain et le vin,
Pour trahir la vie,
Pour mourir.

Je trahirai demain, pas aujourd’hui.
La lime est sous le carreau,
La lime n’est pas pour le barreau,
La lime n’est pas pour le bourreau,
La lime est pour mon poignet.

Aujourd’hui je n’ai rien à dire,
Je trahirai demain.

Marianne Cohn, 1943