Auguste Rodin (1840‐1917)
François-Auguste-René Rodin est né en 1840, à Paris.
En 1854, il souhaite devenir artiste et entre bientôt à l’École spéciale de dessin et de mathématiques, également appelée la [tooltip tip=”(future École Nationale des Arts décoratifs)”]Petite école[/tooltip] . Il la quittera pour tenter d’intégrer l’École des Beaux Arts. Mais il échouera trois fois au concours d’entrée. (Comme quoi…Il ne faut jamais désespérer !) Auguste Rodin interrompt alors ses études. A partir de 1858, il trouve des emplois chez divers décorateurs. Contrairement à Hitler…son échec ne fera pas de lui un dictateur !
En 1864, il trouve un atelier près des Gobelins et…une jeune femme, Rose Beuret, qui fréquente le quartier.
En 1875, Auguste Rodin effectue un voyage d’études en Italie. De retour à Bruxelles, il expose en 1877 L’Age d’Airain,
un nu masculin, au Cercle artistique et littéraire de Bruxelles, puis à Paris au Salon des Artistes français. On l’accuse de l’avoir moulé sur nature.
L’État français lui commande en 1879 une porte monumentale à réaliser pour le futur Musée des Arts Décoratifs. Rodin, choisit pour thème [tooltip tip=”Durante Alighieri, dit Dante, est un poète italien du Moyen âge, né à Florence en 1265, mort à Ravenne le 14 septembre 1321. Dante s’est immortalisé par la composition du célèbre poème connu son le titre de la Divine Comédie image: http://www.cosmovisions.com/obra.gif : l’auteur imagine que Virgile, son poète favori, l’accompagne dans l’Enfer et le Purgatoire, pour lui nommer les réprouvés et lui décrire leurs supplices, et que Béatrix (ou Béatrice) est son guide dans le Paradis. En savoir plus sur http://www.cosmovisions.com/Dante.htm#cvpD1x8BgKBDgQDf.99″]Divine comédie[/tooltip] de Dante, y travaillera jusqu’à la fin de ses jours, sans jamais l’achever. Ce sera La Porte de l’Enfer.
Histoire d’une oeuvre…
La Porte de L’Enfer
Auguste Rodin, qui accède à la notoriété artistique, est à présent un personnage en vue. L’artiste s’entoure de collaborateurs au talent prometteur comme Camille Claudel,qui deviendra sa maitresse, et aussi Aristide Maillol …
Son atelier s’organise comme une véritable entreprise dont l’État est le premier client. Auguste Rodin accède aux honneurs.
Auguste Rodin exécute les figures d’Adam et Ève ainsi que le célèbre Penseur en 1882, puis celle du Baiser en 1886. En 1895, le sculpteur honore une commande passée par la municipalité de Calais, celle d’un Monument aux Bourgeois de Calais.
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A cette époque, Auguste Rodin et Camille Claudel cachent leur amour dans l’atelier du maître. Artiste absolue, les oeuvres de Camille resteront longtemps dans l’ombre de Rodin qu’elle a pourtant beaucoup inspiré… Elle sera internée à la demande de sa mère et de son frère Paul, écrivain, en asile psychiatrique et y restera cloitrée pendant les trente dernières années de sa vie.
Quelques oeuvres de Camille Claudel
L’année suivante, Auguste Rodin doit à présent faire face au scandale du Monument à Balzac exposé au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts, commandé et refusé par la Société des Gens de lettres. L’écrivain est représenté dans une robe de chambre, les bras croisés
Au tournant du siècle, l’œuvre de l’artiste connaît maintenant un retentissement international. Se multiplient dans l’ensemble de l’Europe, puis au Japon et bientôt aux États-Unis, les expositions qui lui sont consacrées. Le 29 janvier 1917, Auguste Rodin épouse néanmoins Rose Beuret, sa compagne de toujours. Malade et affaibli, Auguste Rodin, qui vient de recevoir une commande pour un monument à la mémoire des combattants de Verdun, décède le 16 février 1917, à Meudon où il est enterré.
En 1891, Zola, devenu président de la Société des gens de Lettres, fait désigner Rodin pour la réalisation du monument à Balzac (mort 50 ans plus tôt). Rodin va beaucoup travailler, se documenter… Après quatre longues années,Rodin hésite sur le vêtement, pour finalement étudier diverses positions de nus.
En janvier, une première maquette, incomplète. Un peu plus tard en 1892, une ébauche, qui choque : Balzac tout nu, modelé à coups de pouce, « indécent et hideux ».
Rodin invoque des problèmes de santé pour excuser son retard. « J’ai voulu, explique Rodin, montrer le grand travailleur hanté la nuit par une idée et se levant pour la fixer sur sa table de travail » Rodin promet de présenter son Balzac au salon du Champ-de-Mars de 1898.
Il trouve enfin la structure de la figure en 1895, passe aux études de drapés. Selon le témoignage du sculpteur Pompon, Rodin “trempa sa robe de chambre dans une grande bassine de plâtre et habilla ainsi son étude”. Le vêtement est de plus en plus simplifié. L’étoffe s’élargit, s’amplifie : Rodin cherche une figure que son élan porte vers le ciel, il conçoit un symbole presque abstrait de la puissance du romancier.
On ne voit plus que la tête, dominant un corps renversé en arc. C’est à la chevelure qu’il imprime le mouvement. “De sa statue dominatrice, le corps frémissant dans les plis de sa robe aux manches vides, Balzac, debout, rejetant en arrière sa vaste tête de fauve aux aguets, buvait, des yeux, des narines, des lèvres, humait la rumeur tourbillonnante, l’odeur, la fièvre de la comédie humaine” (André Fontainas).
On s’attend à un triomphe. Il a exposé son Balzac à côté du Baiser pour faire démonstration de sa démarche. La réaction ne se fait pas attendre : « C’est Balzac? allons-donc, c’est un bonhomme de neige. Il va tomber, il a trop bu. C’est Balzac dans un sac. On dirait du veau. Un dolmen déséquilibré. Monstruosité obèse. Foetus colossal. Monstrueux avortement. Michel-Ange du goître. Colossal guignol. Voyez à quelle aberration mentale l’époque est arrivée. On ne montre pas une ébauche. »
Stoïque, debout devant son oeuvre, Rodin a les yeux tournés ailleurs.Lorsque le plâtre est exposé au Salon de 1898, les critiques se déchaînent : on raille le bloc informe. Il est comparé à un crapaud dans un sac, une statue encore emballée, un bloc de sel qui a subit une averse. On le surnomme le menhir, le bonhomme de neige. La Société refuse cette oeuvre en rupture totale avec les codes en vigueur pour le monument commémoratif, et notamment avec l’exigence réaliste du portrait.
Rodin reprend alors la statue, rend l’argent, et refuse toutes les propositions d’achat. Ce n’est qu’en 1939 qu’un bronze est inauguré à Paris, boulevard Raspail.
Cette statue que le sculpteur considérait comme la résultante de toute sa vie, fut critiquée par une grande partie de la critique et du public et refusée par son commanditaire, la Société des gens de lettres. Si l’œuvre a tant choqué, c’est qu’elle ébranlait la tradition de représentation monumentale des grands hommes.
Après une fine recherche documentaire et iconographique, après des dizaines d’études de corps nus ou habillés, de têtes et de drapés, Rodin abandonna le projet d’un portrait ressemblant, élimina tout accessoire, tout attribut ou figure allégorique, pour mettre la vigueur de son modelé et le jeu des ombres et des lumières au seul service d’une représentation de la force créatrice de l’écrivain visionnaire. Inspirée du « non finito » de Michel-Ange, elle résume parfaitement le penchant plus expressionniste et torturé de l’œuvre de Rodin. Dépourvu des attributs clichés de l’écrivain (plume, papier, encre…) ce Balzac aux traits imprécis et aux yeux creusés paraît comme décharné, écorché, son corps presque dissolu dans la robe de chambre dans laquelle il avait l’habitude d’écrire.
Le véritable sujet du monument
Basculé en arrière, détournant sa tête altière, drapé dans son ample robe de chambre, ce colosse semble par la puissance de son seul regard pénétrer les mystères d’un monde dont il se tient à distance. En découvrant le monument à Balzac, le polémiste Henri Rochefort avait déclaré en mai 1898 : “ Jamais on n’a eu l’idée d’extraire ainsi la cervelle d’un homme et de la lui appliquer sur la figure ! ” Ce commentaire provocateur avait le mérite de mettre en valeur la recherche du sculpteur, qui voulait réaliser un portrait moral plus que physique de l’écrivain.
Dans la rue, on vend des figurines en forme de pingouins en criant : « demandez votre Balzac de Rodin ! »
Au sommet de ce “ menhir ”, la tête léonine sur laquelle s’arrêtent les yeux du spectateur n’est plus véritablement humaine : “ c’est le visage de celui qui a vu toute la comédie humaine ”, écrira Georges Rodenbach. “ C’était la création elle-même, qui se servait de la forme de Balzac pour se manifester ; c’était la création dans son arrogance, son orgueil, sa griserie, son ivresse (Rilke). ” Le monument est devenu la personnification d’une abstraction.
En opérant cette révolution esthétique, Rodin reçoit le soutien de nombreux intellectuels et artistes progressistes, engagés à ce moment aux côtés de Dreyfus et Zola, comme Clemenceau, Monet, Courteline, Anatole France, Charles Péguy, Emile Gallé, André Gide… Ceux-ci avaient déjà réuni assez de signatures et d’argent pour envisager d’édifier le monument en bronze dans Paris, quand Rodin refusa leur soutien. Avant tout soucieux de son œuvre, l’artiste demeurait indifférent à l’affaire Dreyfus, et craignait de voir sa sculpture associée au combat politique majeur de l’époque Inquiet de cette rencontre des deux “ affaires ”, il préféra retirer son plâtre à Meudon (où Steichen réalisa ses prises de vue nocturnes) et renoncer à l’installation du monument dans Paris. Il fallut attendre juillet 1939 pour voir le grand bronze de Rodin être érigé dans la capitale, au carrefour des boulevards Raspail et du Montparnasse.
«Cette œuvre, c’est la résultante de toute ma vie, le pivot de mon esthétique» dira Rodin, en 1908, à propos de son Balzac, chef-d’œuvre non pas inconnu mais trop longtemps méconnu, refusé, moqué, bafoué avant que justice lui soit enfin rendue.
«La mission de l’art n’est pas de copier la nature mais de l’exprimer», déclarait Frenhofer, le héros du Chef-d’œuvre inconnu. Rodin cherchant «à matérialiser son rêve» est fidèle à cet idéal tout au long de cette douloureuse gestation à laquelle nous assistons.
Pas de salut donc du côté d’une illusoire ressemblance, abandonnée ici au profit de «l’énergie». Énergie toute balzacienne en accord, au sens quasi musical du terme, en écho, avec celle qui émane de toute La Comédie humaine. Énergie de la tête avec le profound relief de l’arcade sourcilière, dont nous pouvons apprécier les multiples variantes. Fécondité d’un corps don’t le sculpteur ne cherche pas à atténuer la corpulence, au contraire, car au terme des nombreuses études de nus, ce qui apparaît c’est bien le ventre fécond du «plus fécond de nos romanciers» : formule-cliché ici revivifiée. Ventre porteur d’un monde, orgueilleusement drapé au final dans sa toge d’airain, l’œuvre étant «comme enveloppée » dans son auteur .
Profondément touché mais invinciblement résolu, Rodin, «grand poëte de la douleur» – ainsi le qualifie son ami Eugène Carrière -, se voudra seul possesseur de la statue de Balzac désormais vouée au silence ombreux de l’atelier de Meudon. Blanc fantôme miraculeusement capté dix ans plus tard dans la chambre noire du photographe américain Eduard Steichen, fasciné, lui aussi, dès sa prime jeunesse, par le Balzac dont il a vu une reproduction – «On aurait dit une montagne prenant vie» – et dont il rêve de«saisir» l’original… Rêve réalisé en 1908, l’année où Rodin, l’affaire Dreyfus assoupie, se décide à lancer une campagne photographique du monument.
Alors l’imposante statue sort enfin de l’atelier et Steichen la photographie «à la lumière de la lune» après deux nuits entières de veille «du coucher au lever du soleil».Edward Steichen, fasciné par cette sculpture, la saisit dans une série de prises de vue nocturnes, réalisées au clair de lune . Ténébreuse et solennelle, la silhouette de Balzac y prend une ampleur monstrueuse, évocatrice du charisme et du courage de l’écrivain de ‘La Comédie humaine’. Le résultat est saisissant. «Il semblait le double astral rendu perceptible aux yeux des profanes de l’immortel écrivain, tel un être venu du monde de l’occulte et qui va y retourner» écrit Judith Cladel, biographe de Rodin. «C’est le Christ marchant dans le désert» constate Rodin, très ému, et prédisant : «vos photographies feront comprendre au monde mon Balzac».
Balzac désormais en marche. Selon le vœu exprimé par le sculpteur avant sa mort, c’est à Paris que la statue sera enfin coulée en bronze (en … 1936!).
Sources :
- Musée d’Orsay ; http://www.musee- orsay.fr/fr/collections/oeuvres-commentees/recherche/commentaire_id/balzac- 7084.html?
- Catalogue de l’exposition sur le site Persée/ Site histoire image.org Frédérique LESEUR http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048- 8593_1999_num_29_104_3413
- http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=338
- http://www.richardstemarie.net/rodin/balzac2.html