Honoré de Balzac (1799-1850)
Petite biographie
Balzac meurt à 51 ans, en 1850, probablement tué par les 50 tasses de café qu’il consommait par jour pour mener à bien, par un travail acharné de création, sa Comédie humaine. Il n’aura le temps d’écrire que 95 des 143 livres qui devaient la composer. Il a donné vie à plus de 2000 personnages.
Dans cette fresque gigantesque, il se donnait pour tache de peindre « les mystères du cœur humain ».
Il compare son oeuvre à une cathédrale. L’ensemble doit être organisé de manière à permettre de saisir du regard toute l’époque, tous les milieux sociaux et l’évolution des destinées.
Profondément influencé par les théories de Cuvier , il part du principe qu’il existe « des Espèces Sociales comme il y a des Espèces Zoologiques » et que les espèces sociales offrent une bien plus grande variété car « les habitudes, les vêtements, les paroles, les demeures d’un prince, d’un banquier, d’un artiste, d’un bourgeois, d’un prêtre et d’un pauvre sont entièrement dissemblables et changent au gré des civilisations. »
Beaucoup ont salué « une imagination débordante et d’une richesse infinie, l’imagination créatrice la plus fertile et la plus dense qui ait jamais existé depuis Shakespeare ». En poussant la précision du détail jusqu’à l’hyperbole, le réalisme balzacien se transforme en vision. Certains récits appartiennent au fantastique tandis que d’autres sont plus mystiques, voire ésotérique .
Baudelaire lui reconnaîtra un « goût prodigieux du détail, qui tient à une ambition immodérée de tout voir, de tout faire voir, de tout deviner, de tout faire deviner ».
Balzac, Film de Josée Dayan, 1999
La vie de Balzac….
L’oeuvre de Balzac
Lorsqu’en 1818, Balzac commence sa carrière d’écrivain, le roman est encore considéré comme un genre mineur réservé aux femmes ! Il y a pourtant eu au XVIII° quelques grands romans, comme Manon Lescaut de l’abbé Prévost ou La Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau ,mais ils sont considérés comme des exceptions.
Ainsi, comme c’était le cas au XVII°, la tragédie est toujours le genre noble et être auteur de roman ne prédit pas la gloire…puisque le roman n’est pas assez codifié et donc ne peut prétendre au Beau…
LA COMEDIE HUMAINE
Oeuvre composée de 95 romans écrite entre 1830 et 1850. Balzac pense que la société ressemble à la nature par sa composition et son organisation ; il se propose donc d’étudier les espèces sociales comme les scientifiques étudient les espèces animales. Dans cette œuvre aux dimensions colossales, il entend être le peintre de la société de son temps et rendre compte des bouleversements politiques et économiques qu’elle connaît.
Quelques grands romans de Balzac :
Réalisme et réalisme balzacien
Le Réalisme : 1830-1900
- Le Réalisme veut s’éloigner des excès du romantisme.
- Dans ce but, ils se documentent beaucoup, (Carnets de Balzac, de Zola) utilise un vocabulaire précis et technique.
- Les sujets sont pris dans la vie petite bourgeoise des petites villes de province, ou dans le monde ouvrier. Une place essentielle est faite aux événements quotidiens d‘une vie banale, voire médiocre…
- Les personnages sont conçus comme des « types » et ont une identité précise, une histoire familiale…
- L’intrigue est simple.
- Le narrateur utilise essentiellement la 3° personne (Il/elle) et une focalisation zéro (point de vue omniscient, c’est à dire un narrateur qui sait tout du personnage).
- Le narrateur intervient parfois dans son récit créant ainsi une complicité avec son lecteur.
- La description a la plupart du temps une fonction symbolique. Ainsi Balzac étudie l’homme selon les circonstances et le milieu dans lequel il évolue.
Stendhal définit le roman comme ” un miroir que l’on promène le long d’un chemin “. Balzac veut faire « concurrence à l’état civil ».
Mais le réalisme reste une illusion en ce sens que toute oeuvre est « un coin de la création vu à travers un tempérament » comme l’écrira Zola lui-même. Ainsi, « la reproduction de la nature par l’homme ne sera jamais une reproduction, une imitation, ce sera toujours une interprétation » (Champfleury, le Réalisme, 1857).
C’est une tentative pour exprimer la réalité, contemporaine ou historique, par opposition aux œuvres idéalistes, qui décrivent la vie comme elle devrait être, libre, heureuse, juste, où les bons réussissent et les méchants périssent comme c’est le cas dans beaucoup d’oeuvres romantiques.
Le réalisme est pessimiste parce qu’il veut faire prendre conscience aux lecteurs des injustices de la société et contribuer à y remédier.
En réalité, tous les grands écrivains ont été -à leur façon- réalistes, puisqu’ils ont chacun à leur manière exprimé la vie comme ils la voyaient. Parce qu’au fond la réalité est aussi une affaire de perception subjective…
Le terme de réalisme doit donc être utilisé avec une extrême prudence, tant pour caractériser un écrivain que pour dénommer une époque. Dire d’une œuvre d’art qu’elle est réaliste ne mène guère loin si l’on ne définit pas la relation originale qui la lie à la réalité.
Quelques oeuvres majeures du réalisme
- Stendhal, Le Rouge et le Noir, 1830.
- Balzac, La Comédie humaine (Voir ci-dessus)
- Flaubert, Madame Bovary, 1857.
- Les frères Goncourt, Germinie Lacerteux, 1865.
- Zola, Les Rougon-Macquart, 1871-1893.(L’Assomoir, Germinal, Au Bonheur des dames…)
- Maupassant, Une vie, 1883.
Balzac et le réalisme
Balzac est-il réaliste ?
Dans les manuels scolaires Balzac à l’étiquette de « réaliste »,voire même de chef de file du mouvement du même nom. Or cette étiquette cache bien d’autres aspects de l’œuvre de Balzac.
Dans Bouvard et Pécuchet, Flaubert présente ses deux personnages lancés dans la lecture de Balzac et la commentant :« L’oeuvre de Balzac les émerveilla, tout à la fois comme une Babylone, et comme des grains de poussière sous le microscope. Dans les choses les plus banales, des aspects nouveaux surgirent. Ils n’avaient pas soupçonné la vie moderne aussi profonde.
— « Quel observateur ! s’écriait Bouvard.
— « Moi je le trouve chimérique » finit par dire Pécuchet. « Il croit aux sciences occultes, à la monarchie, à la noblesse, est ébloui par les coquins, vous remue les millions comme des centimes, et ses bourgeois ne sont pas des bourgeois, ce sont des colosses. Pourquoi gonfler ce qui est plat, et décrire tant de sottises ? Il a fait un roman sur la chimie, un autre sur la Banque, un autre sur les machines à imprimer. (…). Nous en aurons sur tous les métiers et sur toutes les provinces, puis sur toutes les villes et les étages de chaque maison et chaque individu, ce qui ne sera plus de la littérature mais de la statistique ou de l’ethnographie. »
Il faut d’abord savoir que Balzac ne s’est jamais réclamé du mot « réalisme ». Et pour cause : il n’existait pas avec son sens actuel à son époque. Ce n’est que quelques années après sa mort qu’un groupe d’écrivains assez oubliés élaborent une doctrine qu’ils baptisent de ce nom. Il s’agit de reproduire le plus exactement possible la réalité sans épargner aucun de ses aspects, même triviaux ou déplaisants.
Cela ne signifie pas que Balzac ne soit pas réaliste. Mais on ne peut le réduire à cela.
Car chez Balzac la formulation est telle, d’un texte à l’autre, voire dans le même passage ou dans la même phrase, que l’on ne saurait décider ce qui l’emporte chez lui, du souci de vérité ou de l’imagination créatrice.
Balzac parvient à créer l’illusion du réel, c’est à dire à faire croire à une réalité du vrai, en le rendant fictionnellement possible. Il applique ce qu’il fait dire à Frenhofer dan le chef d’œuvre inconnu : « La mission de l’art n’est pas de copier la nature mais de l’exprimer. »
Ou encore, dans la préface de la Peau de Chagrin (1831) : « Il se passe chez les poètes ou les écrivains réellement philosophiques, un phénomène moral, inexplicable, inouï, dont la science peut difficilement rendre compte. C’est une sorte de seconde vue qui leur permet de deviner la vérité de toutes les situations possibles ; ou mieux encore, je ne sais quelle puissance qui les transporte là où ils doivent être, où ils veulent être. Ils inventent le vrai… »
(d’après Isabelle Tournier ; Paris 1)
Balzac pense donc que la peinture de la société moderne est impossible sans « l’introduction de l’élément dramatique, de l’image, du tableau, de la description, du dialogue […] »
L’artiste est donc un démiurge, mais un démiurge qui doit beaucoup travailler pour pouvoir rivaliser avec la Création.
Et l’anecdote de Mabuse, habillé d’un vêtement de papier peint rivalisant d’éclat avec le véritable damas au point de tromper Charles Quint, est une de ces anecdotes inévitables racontées depuis l’Antiquité, comme celle de Zeuxis et les raisins , pour montrer la capacité que possède l’art de créer une illusion digne de la création divine.
Le trompe-l’œil de la peinture réaliste est l’effort de créer un monde factice aussi réel que le réel. Il est l’ambition des peintres flamands comme Jan Gossaert, dit Mabuse, et Pourbus, ou du français Poussin, choisis sans doute par Balzac pour symboliser le réalisme et l’ambition d’une illusion figurative, qui n’est certainement pas l’objectif de Balzac, identifié à Frenhofer, peintre imaginaire et visionnaire.
LE REALISME EN PEINTURE ET SCULPTURE
- Gustave Courbet, Enterrement à Ornans, 1849.
- Jean-François Millet, L’Angélus, 1859.
- Edgar Degas, Après le bain,1898.
- Auguste Rodin, Les Bourgeois de Calais, 1884.
L’artiste dans la 1° moitié du XIX°
La première version du Chef-d’œuvre inconnu est publiée en 1830, c’est à dire en pleine période romantique (1830 : Bataille d’ Hernani – Hugo).
Les romantiques cherchent à se dégager des contraintes esthétiques et des règles.
Depuis la fin du 18e et notamment avec Diderot et l’Encyclopédie, la notion d’artiste se distingue de celle d’artisan.(On distingue arts libéraux et arts mécaniques).
Contrairement à l’artisan, l’artiste est considérée comme celui chez qui « le génie et la main doivent concourir ». L’artiste devient un créateur esthétique autonome qui invente une forme unique.
L’artiste revendique une liberté, une indépendance et une autonomie nouvelles.
L’artiste romantique apparaît comme solitaire et incompris broyé par une société pressée de s’enrichir. Il devient un personnage mythique, une figure tragique. L’un des mots de ralliement de la seconde génération romantique est « être artiste! ». Et être artiste devient une façon de penser, de sentir, de vivre…