Combat contre l’obscurantisme et l’intolérance

La Renaissance est aussi une période très riche artistiquement, les normes esthétiques sont renouvelées dans tous les domaines et la poésie rivalise avec les arts pour célébrer la beauté, avec Ronsard par exemple.

Obscurantisme

L’obscurantisme (du XVI° au XXI° siècle) et ses conséquences : intolérance, barbarie…

Obscurantisme : Opposition à la diffusion de l’instruction, de la culture, au progrès des sciences, à la raison, en particulier dans le peuple.

Obscurantisme et intolérance

Deux films à mettre en lien

  • La Reine Margot, film de Patrice Chéreau (1994)
  • Timbuktu, film d’Abderrahmane Sissako (2014)

Les textes en analyse :

  • Montaigne, Essais, Des cannibales (1580)
  • Montesquieu, Lettres persanes,Lettre LXXXV, 1721
  • Diderot , Encyclopédie, article “intolérance”, 1751
  • Voltaire, Candide, Ch.6 : Comment on fit un bel auto-da-fé pour empêcher les tremblements de terre, et comment Candide fut fessé, 1759
  • Voltaire, Traité sur la tolérance, Prière à Dieu ,Ch XXIII, 1763

Documents complémentaires

  • Levi-strauss, Race et Histoire (extraits)

Lecture cursive :

  • Amin Maalouf, Léon L’Africain (1986)

Histoire et histoire littéraire : XVI & XVIII°

  • Renaissance, Humanisme et Lumières

Histoire des arts :


CONTEXTES

I. XV-XVI° siécle : Renaissance, Humanisme et guerres de religion…

Cette période correspond à de grands bouleversements en Europe.

Notamment en raison de la découverte de l’imprimerie par Gutenberg. C’est entre 1452 et 1454 qu’est imprimé en série le 1° livre : une Bible. Cette découverte va accélérer la diffusion de la connaissance. Auparavant les livres étaient recopiés et enluminés par les moines, ce qui évidemment était trés long. Par ailleurs les publications étaient sous le contrôle de l’église.

A. Un monde en bouleversement

C’est autour du XVe siècle en Italie et aux Pays-Bas que se manifeste l’esprit de la Renaissance..(Attention ce terme date du XIX°).

Des découvertes scientifiques ont bouleversé la vision du monde : la terre est ronde et c’est elle qui tourne autour du soleil et non l’inverse. ce qui remet en cause la vision chrétienen du monde qui mettait la terre au centre de l’univers.

Parmi les inventions techniques, l’imprimerie révolutionne la production du livre et permet une diffusion plus large des idées.

a) La naissance de l’imprimerie

Avant l’imprimerie .(Extrait du film Le Nom de la Rose d’après le roman d’U. Eco)

Avec l’invention de l’imprimerie

b) La prise de Constantinople (1453)

1453 : Le tournant

La Prise de Constantinople par les Ottomans marque la chute de l’Empire byzantin (1453).Elle provoque la fuite de nombreux savants notamment vers l’Italie avec leur savoir et leurs manuscrits, ouvrant ainsi un intérêt nouveau pour l’Antiquité grecque.

c) La Reconquista espagnole

Avec la prise de Grenade et la fin de la Reconquista espagnole 1492, l’Islam disparaît d’Europe occidentale après la chute de Grenade. Mais elle a apporté énormément de richesses à l’Europe

d) Les grandes découvertes

C’est aussi l’époque des Grandes découvertesnouvelles contrées, nouveaux peuples, et donc confrontation à des cultures différentes.

e) Les guerres d’Italie

Enfin, avec les guerres d’Italie, la France de François 1er (re)découvre la Renaissance italienne (Quattrocento), ses trésors artistiques et culturels.

Parallèlement, un autre foyer artistique et culturel important se développe dans le nord de l’Europe, plus précisément dans une région très riche économiquement, les Flandres. Ceux qu’on appelle les primitifs flamands, peintres de renom comme Van Eyck ou Bruegel l’ancien, renouvellent l’art pictural au XVe siècle. Et Érasme (ci contre), né en 1469 à Rotterdam, qu’on dit être le premier humaniste européen, développe une réflexion politique et religieuse originale, en parcourant l’Europe.

a) Un siècle de conflits religieux
Plusieurs conceptions de la religion s’opposent à cette période.

Chez les catholiques, le courant évangélique apparaît avec Erasme, Rabelais, Marguerite de Navarre, Lefèvre d’Etaples qui traduit la Bible en français (1530), entre autres. La vie dissolue des papes au Vatican, l’oubli du message délivré par les textes sacrés, les pressions exercées sur le pouvoir royal, provoque une indignation chez ces lettrés qui estiment que l’accès aux textes des Evangiles doit être individuel, afin d’éviter toutes les dérives d’un message manipulé. Il s’agit donc de revenir aux textes initiaux

Née de la même constatation, la Réforme protestante se développe en Allemagne, au début du XVIème siècle, sous l’impulsion d’un moine, Luther (1483-1546) , dont les thèses, qui attaquent le comportement d’une partie du clergé, la méconnaissance des textes, seront reprises en France par Calvin (1509-1564) en 1532.
Calvin, lui, prône une austérité extrême : quoi que fasse l’homme, il reste pécheur et seuls la grâce de Dieu peut le sauver selon la théorie de la Prédestination. Son ouvrage principal, L’Institution chrétienne (1541), décrit ainsi cette théorie : “Nous appelons Prédestination le conseil éternel de Dieu par lequel il a determiné ce qu’il voulait faire de chaque homme. Car il ne les crée pas tous pareil en condition, mais il ordonne les uns à la vie éternelle, les autres à l’éternelle damnation”.

L’Eglise catholique, très puissante, puisque représentante de la première religion en Europe combat ces deux branches dissidentes, en censurant les œuvres jugées scandaleuses, en excommuniant les réfractaires, pourchassant les hérétiques.

Ces conflits déboucheront sur les guerres de religion entre catholiques et protestants pendant la 2° moitié du XVI° (Voir ci-dessous)

Les guerres de religion

La deuxième moitié du XVI° siècle va être marquée par les guerres de religion qui opposent catholiques et protestants. Il y aura huit guerres entre 1562 et 1598. Elles s’achèvent avec l’édit de Nantes (30 avril 1598) qui établit une dualité confessionnelle. Pendant la fin du règne d’Henri IV, assassiné en 1610, le roi fait respecter l’édit, ce qui protège les protestants.L’épisode le plus tristement célèbre est le massacre de la Saint Barthélémy,dans la nuit du 23 au 24 aout 1572.

Protestants

Catholiques

Calvinistes

Luthériens

La Doctrine

Le Salut

L’homme est libre de choisir entre
le Bien et le Mal. Il obtient la grâce
par la foi et les actes (dons,
pénitences, processions, etc.)

L’homme n’est pas libre de choisir. Il obtient la grâce par la foi seule et la prédestination.
(Dieu a déjà décidé)

L’homme obtient la grâce
par la foi seule.

Les sacrements

7 sacrements :
l’eucharistie, le baptême, la confirmation, la pénitence, le mariage, l’ordre et l’extrême-onction

2 sacrements :
Le baptême et la Cène.

3 sacrements : Le baptême, la Cène et la pénitence.

Culte de qui ?

Culte de la Vierge et de ses Saints.

Culte du Christ uniquement.

L’Eglise

Organisation de l’Eglise

L’autorité du pape est absolue. Le clergé est très hiérarchisé.

L’autorité du pape est rejetée. Les églises locales sont dirigées par les Anciens et les pasteurs.

du pape est rejetée. C’est une Eglise d’Etat soumise à son prince.

Encadrement

Le prêtre est distinct des fidèles par ses vœux et ne peut se marier.

Le pasteur est élu par la communauté et peut se marier.

Le Culte

Lieu de culte

L’église est le lieu de culte, le centre est l’autel et les images abondent.

Le temple est le lieu de culte, le centre est la chaire et les images ne sont pas permises.

Le rite majeur

La messe dite en latin (jusqu’en 1960) est centrée sur la communion.

Simplicité du culte : la Bible est lue, commentée, et les psaumes sont chantés en langue « vulgaire ».

La communion

Les fidèles partagent l’hostie (le pain) : le Christ est présent corporellement dans le pain.

Les fidèles partagent le pain et le vin : le Christ est présent spirituellement dans le pain.

Les fidèles partagent le pain et le vin : le Christ est présent spirituellement parmi les fidèles.


L’HUMANISME

Avec la Renaissance se déploie un mouvement intellectuel et littéraire : l’Humanisme.

L’ humanisme est un mouvement de pensée européen pendant la Renaissance, qui se caractérise par un retour aux textes antiques, comme modèle de vie, d’écriture et de pensée. Le terme est formé sur le latin : au XVIe siècle, l’humaniste, “l’umanista” s’occupe d’ humanités, studia humanitatis en latin : il enseigne les langues, les littératures et les cultures latines et grecques. Plus largement, le terme humanitas est pris dans le sens cicéronien et représente « la culture qui, parachevant les qualités naturelles de l’homme, le rend digne de ce nom ».

L’Humanisme, sans pour autant s’opposer à la religion, remet “l’homme au centre du monde”, fait confiance à la connaissance, à l’observation scientifique, à la raison. Cette nouvelle position remet en cause la vision du monde telle qu’elle était véhiculée jusque là par la seule église catholique romaine.

Les savants et érudits de l’époque vont réapprendre le grec ancien, l’hébreu et redécouvrir les philosophes de l’Antiquité (notamment Platon) que l’Eglise avait rejeté. ils vont également relire les textes sacrés (Ancien et Nouveau Testament) dans leurs langues d’origine et ne plus se fier uniquement aux traductions et interprétations de l’église romaine.

Ce renouveau a pour conséquence le protestantisme (1517 avec Luther) qui propose une nouvelle manière de percevoir et de vivre la foi chrétienne, plus personnelle, plus proche de la bible. Il en découlera les guerres de religion.

Quant aux grandes découvertes,elles obligent la civilisation européenne à se confronter à d’autres civilisations, d’autres mondes, d’autres peuples aux moeurs trés différentes . Et également à se poser la question : qu’est-ce que l’ homme ? (voir la controverse de Valladolid)

Les humanistes défendent la tolérance envers ces « nouveaux hommes ». Pour la première fois, l’esclavagisme, le colonialisme, le racisme et l’intolérance sont combattus (Les Essais, Montaigne).

Le mouvement humaniste met l’homme au cœur de ses préoccupations et s’attache à développer toutes ses capacités, d’où l’importance accordée à l’éducation. Les humanistes repensent la place de l’homme dans le monde et veulent en faire un être autonome, capable de réflexions, et ce grâce à une éducation repensée.

Ce mouvement de retour à l’Antiquité s’accompagne d’un travail sur la langue nationale : le français s’enrichit d’un vocabulaire savant créé à partir du latin et du grec. Les poètes français revendiquent un renouvellement de la langue française dans la Deffence et illustration de la langue françoyse de Joachim du Bellay.

L’humanisme est affaibli dans la seconde partie de XVI ème siècle avec les guerres de religion qui opposent catholiques et protestants dans toute l’Europe. La tolérance et la soif de connaissances sont alors mises en péril par la violence, l’intolérance et la barbarie de cette période.

Néanmoins, l’humanisme perdure: on le retrouve au XX° chez Camus…Mais c’est un humanisme sans dieu.


Page HUMANISME

Carte HUMANISME

Lecture analytique n°1 : Montaigne, Des Cannibales, Essais

II. Le XVIII°, le siècle des Lumières : Lutte conte l’obscurantisme et l’intolérance.

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L’Europe du XVIIIe siècle est dominée par les monarchies absolues.

En France, ce régime politique s’est renforcé sous Louis XIV.

Les idées nouvelles s’échangent dans les salons et les cafés qui apparaissent dans les grandes villes :

En France, au XVIIIe siècle, des écrivains, guidés par leur raison, critiquent le manque de libertés individuelles telles que la liberté de culte ou d’expression, le fanatisme et l’intolérance de l’Église catholique, les profondes inégalités qui caractérisent la société d’ordres. Enfin, ils remettent en question le pouvoir absolu du roi et l’idée que celui-ci détient son pouvoir de Dieu.

Ces hommes, influencés par des penseurs anglais comme John Locke, sont appelés les philosophes des Lumières. Les plus illustres sont Voltaire, Montesquieu, Rousseau, Diderot et D’Alembert. S’engageant dans un combat contre les autorités religieuses et politiques, ils s’exposent à la colère de ces dernières : Voltaire est embastillé sur lettre de cachet.

Cependant, les idées des Lumières se diffusent et sont accueillies avec succès en France dans les salons et les cafés. le premier café ouvre à Marseille, le plus célèbre est le café Procope à Paris. Dans les salons de femmes de la noblesse ou de la bourgeoisie comme Madame Geoffrin se réunissent philosophes et érudits. Les idées y sont débattues, échangées, on y lit des ouvrages.Les nouvelles idées s’exportent dans toute l’Europe grâce aux voyages des philosophes, à leurs divers ouvrages et surtout grâce à l’Encyclopédie.Il ne faut cependant pas oublier que les philosophes sont poursuivis pour leurs idées: ils sont emprisonnés (Diderot à Vincennes, Voltaire à la Bastille) ou doivent s’exiler tandis que leurs livres sont interdits ou parfois brûlés.

Lumières : Courant de pensée européen au XVIIIe siècle pour lequel le progrès est lié à la raison, la liberté, la tolérance.
Tolérance : fait d’accepter des idées politiques ou religieuses différentes des siennes.

Films pour comprendre l’esprit des Lumières

TEXTE N°2

Montesquieu, Lettres persanes, Lettre LXXXV, 1721

TEXTE N°3

Voltaire, Candide, Ch.6 : Comment on fit un bel auto-da-fé pour empêcher les tremblements de terre, et comment Candide fut fessé, 1759

Biographie de Denis Diderot et Encyclopédie

Né à Langres et fils d’un maître coutelier, Denis Diderot suit ses études chez les Jésuites, et devient maître ès Art en 1732. Il mène jusqu’à son mariage, en 1743, une vie de bohême qui lui fait perdre la foi. Pendant cette période, il fait la connaissance de Jean-Jacques Rousseau. Dans ses Pensées Philosophiques (1746), Diderot plaide pour une religion naturelle. Se montrant trop libéral par rapport à la religion et aux “mystères”, il est condamné par l’Eglise. En 1747, il est chargé par le libraire Le Breton de diriger avec d’Alembert les travaux de l’Encyclopédie.

La Lettre sur les aveugles et à l’usage de ceux qui voient (1749) provoque son incarcération au château de Vincennes pendant trois mois. Pour Denis Diderot, le seul critère auquel répond la connaissance est l’expérience.
Après sa libération, Diderot se consacre entièrement et pendant plus de vingt ans à la réalisation de l’Encyclopédie, véritable travail d’éditeur, qui lui assure la notoriété. Le premier volume est publié en 1751 et le dernier en 1772.

En parallèle à l’Encyclopédie, Diderot poursuit son oeuvre littéraire tout en menant une vie éclectique et tumultueuse. Ses romans, ses critiques et ses essais philosophiques, dont une grande partie ne sera publiée qu’après sa mort, montrent le souci de définir la véritable nature de l’homme et sa place dans le monde. Diderot propose une morale universelle assise, non pas sur Dieu, mais sur les sentiments naturels de l’homme et sur la raison. (Source: La Toupie.org)

DIDEROT ET L’ENCYCLOPEDIE
Diderot réalisa un ouvrage considérable pour l’époque, la création de l’Encyclopédie. C’est par le libraire Le Breton que tout commence. Il confie à Denis Diderot une responsabilité énorme en lui demandant de traduire un Dictionnaire des arts et sciences, la Cyclopædia de l’éditeur anglais Chambers. C’est ainsi que naît le projet de l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers.
A l’époque, pas d’accès à Internet et encore moins de dictionnaire pour se documenter. Le défi était donc de taille : donner de l’information accessible à tous. Diderot fait appel à un mathématicien, d’Alembert, pour l’aider dans cette lourde tâche. Imaginez vous qu’il fallut plus de 24 années pour la finir. Prévue en dix volumes, l’Encyclopédie atteindra, à son achèvement, 28 volumes, 17 de discours et 11 de planches.

Dans le Prospectus de lancement de l’Encyclopédie, Diderot parle de ses rédacteurs puisque c’est grâce à leur travail si l’Encyclopédie est née. Ils seront plus de 160, connus et méconnus, à avoir participer son élaboration. On retrouvera Rousseau qui écrivit des articles de musique ; Voltaire avec ses articles de littérature et d’histoire ….
Dès la parution du fameux Prospectus de lancement, les ennuis commencent pour l’Encyclopédie. un arrêt du Conseil du roi interdira et condamnera les deux premiers tomes déjà parus. Puis l’ordre du roi de détruire les sept volumes de l’Encyclopédie. Les manuscrits conservés par Diderot sont saisis, les autres cachés chez Malesherbes sont sauvés. Diderot refuse de s’exiler et poursuit clandestinement ses travaux. Un grand nombre de ses collaborateurs le laisse tomber. Il faudra attendre très longtemps pour que les dix derniers volumes soient imprimés secrètement. Diderot mettra au point les derniers volumes de planches qui seront publiés de 1767 à 1772.

Source : http://www.denis-diderot.com/homme.html

image: http://philo-francais.e-monsite.com/medias/images/encyclopedie-diderot.jpg?fx=r_250_250

Objectifs de l’Encyclopedie

Mettre le savoir à la portée de tous.
La multiplication des illustrations participe de cette volonté.
Diderot l’annonçait dans le Prospectus :
« Un coup d’oeil sur l’objet ou sur sa représentation en dit plus long qu’une page de discours. »
L’iconographie se développe d’autant plus qu’après l’interdiction de l’Encyclopédie autorisation est donnée de publier un recueil de planches. L’image devient alors prioritaire, elle n’est plus illustration au service d’un texte, c’est au contraire le texte qui explique l’image.

À travers leur oeuvre, les encyclopédistes ont fait passer leur idéal philosophique :
• diffuser auprès du plus grand nombre un savoir libre de tout préjugé, de toute superstition,
• mesurer les connaissances à l’aune de la raison,
• enfin, fournir un matériel pour, comme Diderot le proclame dans l’article « Encyclopédie », « changer la façon commune de penser ».

Diderot , Encyclopédie, article “intolérance”, 1751

L’Encyclopédie dont le sous-titre est Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers est une œuvre collective dirigée par Diderot et d’Alembert qui a pour ambition de rendre le savoir accessible à tous, de valoriser les métiers de l’artisanat, de diffuser la connaissance des sciences et les idées des Lumières. Cet ouvrage de 28 volumes, réalisé par quelques 150 auteurs entre 1751 et 1772, connaît un véritable succès auprès de la noblesse éclairée et de la bourgeoisie mais est aussi victime de la censure royale à cause des idées critiques qu’elle véhicule sur la monarchie absolue de droit divin, le manque de libertés et la religion à laquelle chacun doit se soumettre aveuglément.

INTOLÉRANCE, s. f : (Morale). Il est impie d’exposer la religion aux imputations odieuses de tyrannie, de dureté, d’injustice, d’insociabilité, même dans le dessein d’y ramener ceux qui s’en seraient malheureusement écartés. L’esprit ne peut acquiescer qu’à ce qui lui paraît vrai ; le cœur ne peut aimer que ce qui lui semble bon. La violence fera de l’homme un hypocrite, s’il est faible ; un martyr, s’il est courageux. Faible et courageux, il sentira l’injustice de la persécution et s’en indignera. L’instruction, la persuasion et la prière, voilà les seuls moyens légitimes d’étendre la religion. Tout moyen qui excite la haine, l’indignation et le mépris, est impie. Tout moyen qui réveille les passions et qui tient à des vues intéressées, est impie. Tout moyen qui relâche les liens naturels et éloigne les pères des enfants, les frères des frères, les sœurs des sœurs, est impie. Tout moyen qui tendrait à soulever les hommes, à armer les nations et tremper la terre de sang, est impie. Il est impie de vouloir imposer des lois à la conscience, règle universelle des actions. Il faut l’éclairer et non la contraindre. Les hommes qui se trompent de bonne foi sont à plaindre, jamais à punir. Il ne faut tourmenter ni les hommes de bonne foi ni les hommes de mauvaise foi, mais en abandonner le jugement à Dieu. Si l’on rompt le lien avec celui qu’on appelle impie, on rompra le lien avec celui qu’on appellera avare, impudique, ambitieux, colère, vicieux. On conseillera une rupture aux autres, et trois ou quatre intolérants suffiront pour déchirer toute la société. Si l’on peut arracher un cheveu à celui qui pense autrement que nous, on pourra disposer de sa tête, parce qu’il n’y a point de limites à l’injustice. Ce sera ou l’intérêt, ou le fanatisme, ou le moment, ou la circonstance qui décidera du plus ou du moins de mal qu’on se permettra. Si un prince infidèle demandait aux missionnaires d’une religion intolérante comment elle en use avec ceux qui n’y croient point, il faudrait ou qu’ils avouassent une chose odieuse, ou qu’ils mentissent, ou qu’ils gardassent un honteux silence. Qu’est-ce que le Christ a recommandé à ses disciples en les envoyant chez les nations ? Est-ce de tuer ou de mourir ? Est-ce de persécuter ou de souffrir ? Saint Paul écrivait aux Thessaloniciens : “Si quelqu’un vient vous annoncer un autre Christ, vous proposer un autre esprit, vous prêcher un autre évangile, vous le souffrirez. ” Intolérants, est-ce ainsi que vous en usez même avec celui qui n’annonce rien, ne propose rien, ne prêche rien ? Il écrivait encore : ne traitez point en ennemi celui qui n’a pas les mêmes sentiments que vous, mais avertissez-le en frère. Intolérants, est-ce là ce que vous faites ?