I. LES FLEURS DU MAL
CONTEXTE LITTERAIRE
- Romantisme et Parnasse en poésie
- Réalisme en roman
Mais Baudelaire est inclassable :
Romantique notamment par le satanisme
Parnassien par sa recherche du Beau et la forme de ses poèmes.
Précurseur du symbolisme.
INFLUENCES
- Platon et le monde intelligible (Réminiscence)
- Le XVI° et la Pléiade (Blasons de Marot)(lire “Blason du laid tétin”, Marot)
- Le romantisme (Baudelaire admire Hugo, Lamartine, Vigny…) (Lire Le Lac de Lamartine)
- Le satanisme. Baudelaire remercie le romantisme d’avoir “révélé “le Lucifer latent qui est installé dans tout coeur humain”” (Voir Pessoa)
- Le romantisme noir (gothique) inspire aussi Baudelaire très marqué par T.Gautier
- Le Parnasse : L’idée d’un art pour l’art, d’un unique souci de la forme a influencé aussi Baudelaire. Ainsi il écrit “La poésie n’a pas d’autre but qu’elle-même”” Mais il se détachera de cette influence pour aller vers modernité et une certaine forme de réalisme
Les Fleurs du Mal forment un recueil lyrique mais avec une “impersonnalité volontaire” des poèmes. D’aurevilly dira des Fleurs du Mal que c’est “un drame anonyme dont il est l’acteur universel”
Baudelaire renouvelle le lyrisme par l’universalité, la théâtralité.
Le poète est un “je” multiple (voir Pessoa) qui éclatent en différentes voix. Ainsi il fait parler la Beauté, la pipe du poète, un crane, le vin…(figure de style appelée Prosopopée)
HISTOIRE D’UN SCANDALE
Recueil publié d’aborde en 1857 puis en 1861.
Mais l’oeuvre fait scandale :
Sous le 2° empire (Napoléon III) la censure est active. Le pouvoir veut faire régner un “ordre moral”. Les réalistes sont accusés de vouloir démoraliser la population en montrant la misère.Flaubert est poursuivi pour immoralité pour son roman, Madame Bovary, édité la même année que les Fleurs du Mal..
Dés la parution des Fleurs du Mal, un critique écrit : “l’odieux y coudoie l’ignoble’.
Un certain nombre de poèmes sont considérés comme “offense à la morale religieuse” et “offense à la morale publique et aux bonnes moeurs”. Ce sont les pièces condamnées qui doivent être retirées du recueil : Les Bijoux, le Léthé, A celle qui est trop gai, Lesbos, Femmes damnées, Les Métamorphoses du vampire
Baudelaire est condamné pour immoralité.
LE TITRE
Le titre est fondé sur un oxymore:
Fleurs : connote l’idée de beauté
Mal : idée de souffrance, de douleur, de pêché.
Mais la préposition « de » indique lien de dépendance entre ces deux termes : Les fleurs sortent du mal : les fleurs sont la beauté que l’on extrait du mal.
Dans l’un des projets de préface aux Fleurs du Mal, il écrit : « Des poètes illustres s’étaient partagé depuis longtemps les provinces les plus fleuries du domaine poétique. Il m’a paru plaisant, et d’autant plus agréable que la tâche était plus difficile, d’extraire la beauté du Mal. »
STRUCTURE DU RECUEIL
Car tout être porte en lui le désir de bonheur absolu. Mais… c’est toujours l’angoisse qui gagne.
Et la structure même du recueil montre ce combat et son échec.
En effet, le recueil (de 1861) est formé ainsi :
Poème liminaire “Au lecteur” qui a fonction de préface puis 6 parties :
- Spleen et Idéal ;
- Tableaux parisiens (section initialement absente) ;
- Le Vin ;
- Fleurs du Mal ;
- Révolte ;
- La Mort
L’ensemble du recueil se partage “deux postulations” : l’idéal et le spleen
L’IDEAL
L’Idéal c’est la capacité à sentir la Beauté et comprendre le monde invisible des choses spirituelles dont le monde visible n’est que le reflet (caverne de Platon). On retrouve ici la vision platonicienne et l’opposition au monde sensible/monde intelligible.
Baudelaire reprend en cela les idées du philosophe grec Platon : (cf. le mythe de la caverne), les apparences du monde sensible, autrement dit la réalité qui nous entoure, ne seraient que le reflet, la pâle copie d’un monde invisible qui nous est inaccessible, une sorte d’au-delà idéal, où tout atteindrait sa perfection, sa parfaite essence : beauté, amour…
Le terme d’Idéal désigne donc ce monde invisible, inaccessible certes, mais que le poète est parfois capable d’entrevoir, dans les méandres de sa mémoire, dans son imagination, dans un ailleurs exotique, dans une femme, dans un parfum, une chevelure…
Baudelaire redéfinit la poésie et pour lui « l’imagination seule contient la poésie » ; elle est « la reine des facultés ».
Mais pour lui, l’imagination n’est pas instinctive, sauvage. Elle est une conscience, le travail de toutes les forces de l’esprit. Elle consiste à composer cet univers qui nous parvient comme incohérent, elle consiste à …ordonner la nature.
Avec Baudelaire, ce n’est pas le cœur qui recompose, c’est l’esprit. (ce qui le différencie notamment des romantiques). « je veux illuminer les choses avec mon esprit et en projeter le reflet sur les autres esprits »
Les poèmes de l’Idéal
« Bénédiction » ouvre le recueil, puis Baudelaire exprime l’art et l’amour.
a) Le cycle de l’art : De Bénédiction à Hymne à la Beauté.
Vision de la nature selon les correspondances, retour à un paradis qui est celui de l’homme avant la chute …
b) le cycle de l’amour : De Parfum exotique à Sonnet d’automne .
L’art se mêle à l’amour mais le salut du poète est plus assuré par l’art que par l’amour. Car l’amour ne peut vaincre la mort sans la force de l’art.
C’est le thème d’Une Charogne : la beauté mourra et le poète gardera la forme et l’essence divines de ses amours décomposées…
SPLEEN
Etouffement humain, horreur d’être soi-même ; complaisance de l’homme envers son propre malheur, évasion impossible…
Le poète des fleurs du mal est tiraillé entre Spleen et Idéal.
Le Spleen, c’est l’Ennui. Un Ennui métaphysique. Celui qui est personnifié dans le poème « Au lecteur » qui sert de préface.
Le spleen c’est l’angoisse face à cet Ennui, au temps, à la solitude, l’impossibilité à trouver un sens….
Baudelaire dans une lettre à sa mère de 1857, définit ainsi le spleen : « ce que je sens, c’est un immense découragement, une sensation d’isolement insupportable, une peur perpétuelle d’un malheur vrai, une défiance complète de mes forces, une absence totale de désir, une impossibilité de trouver un amusement quelconque… Je me demande sans cesse à quoi bon ceci ? À quoi bon cela ? C’est là le véritable esprit de spleen… »
Les poèmes du spleen :
a) Tableaux parisiens
La ville est une vaste allégorie du malheur d’être homme :Le poète va alors chercher des évasions véritables…
« Paris change ! Mais rien dans ma mélancolie
N’a bougé : palais neufs, échafaudages, blocs,
Vieux faubourgs, tout pour moi devient allégorie,
Et mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs ».
b) Le Vin
C’est la tentation des paradis artificiels, la volonté de retrouver « cette belle saison, ces heureuses journées, ces délicieuses minutes » qui disent parfois la possibilité du bonheur. Mais après l’ivresse et le songe, il y a le réveil…
C’est alors le cycle du vice. Le plus sombre du livre.
c) Les Fleurs du Mal
Plus de lumières mais seulement les ténèbres du Mal. La condition humaine apparaît sans voile.C’est par la révolte que le poète choisit de l’assumer.
d) Révolte
Blasphème, religion travestie, option pour Satan contre Dieu… Tels sont les thèmes de cette partie. Mais la révolte c’est l’exaspération du mal et non sa rémission. Où trouver alors le repos ? Dans la mort…
e) La Mort
La mort n’est plus ici symbole de notre malheur mais plutôt l’espoir de la vie. La mort pour Baudelaire, c’est l’inconnu et c’est la seule terre vers laquelle le voyageur revenu de tous les voyages peut encore s’embarquer car il est du moins assurer qu’elle sera autre que les terres de son ennui. Ainsi écrit-il à la fin du poème Le Voyage qui clôt le recueil :
« Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ?
Au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau ! »
***
Les Fleurs du Mal expriment le conflit incessant entre l’Idéal et le Spleen. Il y a chez Baudelaire et il le dit lui-même , “…dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l’une vers Dieu, l’autre vers Satan. L’invocation à Dieu, ou spiritualité, est un désir de monter en grade; celle de Satan, ou animalité, est une joie de descendre”.(Journaux intimes (1887), Mon coeur mis à nu)
BAUDELAIRE, CORRESPONDANCES (SYNESTHESIES)
L’imagination ordonne la nature selon des règles, des liaisons que seul le poète est capable de voir. Il est un « traducteur », un « déchiffreur de l’universelle analogie ».Il est l’inventeur des métaphores mais les métaphores sont « exactes » ; elles rapprochent ce qui doit être rapproché, elles ont des révélations. Et ce sont les Correspondances…
« La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers »
Les correspondances horizontales (synesthésiques) : analogie entre les sensations
Elles font correspondre une sensation à une autre
C’est l’idée que le monde qui nous entoure, malgré son apparent désordre et son chaos, possèderait une profonde unité. Ces correspondances horizontales se traduisent concrètement chez Baudelaire par le mélange des sensations qui semblent se fondre, fusionner entre elles. cf. le poème Correspondances
« les parfums, les couleurs et les sons se répondent… »
Mais cela est possible parce qu’il y a correspondance du sensible au spirituel. Les correspondances révèlent le monde comme unité.
Les correspondances verticales :
Les correspondances verticales relient une sensation à une idée, un sentiment.
Pour Baudelaire, la réalité qui l’entoure est composée de« symboles » que seul le poète peut déchiffrer et qui lui permettent d’entrevoir le monde invisible et immatériel de l’Idéal. Il existerait ainsi une communication secrète entre le monde matériel visible et le monde invisible de L’idéal, ce sont les correspondances verticales. (en quelque sorte vers le monde intelligible) Voir les Fonctions de la poésie
Par exemple le vers final, véritable “chute” du poème :
“Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.”
La sensation initiale est toujours la même, il s’agit du bruit que font les bûches, mais la comparaison débouche maintenant sur une notion abstraite, un “départ” qui suggère, dans le contexte bien connu du spleen baudelairien, l’idée angoissante de la mort.
BAUDELAIRE & LA MODERNITE
Baudelaire est le poète de la modernité : « celui-là seul sera le peintre, le vrai peintre, qui saura arracher à la vie actuelle son côté épique (héroique) ».
La poésie de Baudelaire ne se sépare jamais de l’expérience vécue. Il est avant tout un être de sensualité et la vie seule donne la sensation.(cf. Pessoa)
S’il cherche un ailleurs, donc l’évasion ce n’est pas parce que la vie n’a pour lui aucune couleur, aucun son, c’est qu’elle le déçoit parce qu’il en espère énormément. C’est le monde de l’ici et maintenant qui le passionne, qui fait battre son cœur avec violence. Et c’est sans doute pour cela qu’il nous bouleverse encore. Les Fleurs du Mal sont avant tout le livre d’une confession, d’un cœur mis à nu. Et il le dit lui-même : « faut-il vous dire, à vous qui ne l’avait pas plus deviné que les autres, que dans ce livre atroce, j’ai mis tout mon cœur, toute ma tendresse, toute ma religion (travestie), toute ma haine ? Il est vrai que j’écrirais le contraire, que je jurerais les grands dieux que c’est un livre d’art pur, de singeries, de jonglerie et je mentirais comme un arracheur de dents… »
Baudelaire invente la modernité dans la mesure où il trouve un entre-deux pour associer l’émotion romantique au souci formel du Parnasse.
Cette modernité, il la reconnaît dans les oeuvres d’artistes tels que Delacroix, Daumier, Manet, Cézanne et Wagner, dont il est un des premiers à percevoir la nouveauté et le génie.
Dans “Le Peintre de la vie moderne”, Baudelaire formule ainsi son ambition : “dégager de la mode ce qu’elle peut contenir de poétique dans l’historique, […] tirer l’éternel du transitoire.”
Ci-dessous, doc. complémentaire A LIRE pour l’oral : Baudelaire et la modernité

Pourquoi lit-on toujours Baudelaire
Walter Benjamin, le philosophe et historien d’art allemand du XXe siècle, disait que rien, dans l’œuvre de Baudelaire, « n’a vieilli ».En effet, son œuvre ne vieillit pas.Si bien qu’on peut toujours se référer à lui pour comprendre le monde.
Des générations d’écrivains se sont d’ailleurs réclamées de lui : Verlaine et Mallarmé, puis Valéry, Claudel et les surréalistes, jusqu’à Yves Bonnefoy. Plus près de nous, Michel Houellebecq est un grand lecteur de Baudelaire. On l’étudie en Chine, au Japon, au Brésil. Baudelaire, le poète parisien par excellence, a une audience mondiale.
Baudelaire n’a cessé de tourner autour de l’idée de modernité.C’est lui d’ailleurs qui a donné tout son sens à ce mot. Il est mort trop tôt pour voir naître l’école impressionniste, mais devant les aquarelles de Constantin Guys, il a cette formule : « La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable ».
Le concept n’est pas facile à expliquer. Pour lui, la modernité est le contrepoint positif du progrès : si l’art est éternel, il se nourrit aussi de tout ce qui nouveau – comme la photographie, que Baudelaire a vu naître.
La modernité, ce sont tous ces éléments fugitifs que l’art peut capter.
Baudelaire parle à des lecteurs venus de tous horizons, parfois très éloignés du monde de la littérature. À quatorze ans, on peut lire L’Albatros et vibrer à ses « ailes de géant » qui « l’empêchent de marcher ».
De même pour ses poèmes sur les foules ou sur les transformations des grandes métropoles, un des phénomènes de son époque qu’il a pu toucher concrètement. Il donne à réfléchir à tous ceux qui s’intéressent à la sociologie. Ces textes offrent un tableau social saisissant, malgré leurs ambivalences. Je pense par exemple aux Petites Vieilles : on navigue entre la charité et la cruauté chez Baudelaire, on est toujours dans l’indécidable.
Un homme qui penche plutôt vers la noirceur, ce qui n’est pas vraiment dans le ton aujourd’hui ?
Dans Le Voyage (dans la deuxième édition des Fleurs du Mal), des voyageurs courent le monde pour changer de climat. Mais à chaque étape, ils ne découvrent que « le spectacle ennuyeux de l’immortel péché ». Baudelaire détestait l’optimisme, c’est cela aussi qui le maintenait en mouvement. Il est une sentinelle contre la tentation de naïveté qui nous menace.Au passage, il faut souligner qu’il pourrait être aussi au cœur de débats théologiques. Il croyait au péché originel. Il était convaincu qu’il y avait une origine du mal et que l’homme était marqué à jamais.
Le titre Les Fleurs du Mal vient de cette conviction et Baudelaire voulait que le frontispice de son livre s’inspire d’une image de la Chute d’Adam et Eve. ♦
BAUDELAIRE PRECURSEUR
Tout ce qui compte partira de lui :
- Les premiers poèmes de Mallarmé sont baudelairiens
- Rimbaud le salue comme le premier et le seul « voyant »
- Les symbolistes le désigne comme le véritable précurseur
- Verlaine voit en lui le 1er des« poètes maudits».
Il annonce même ce qui succèdera au symbolisme. Ainsi avec Tableaux parisiens (et des poèmes en prose) Baudelaire influence la réaction réaliste et moderniste contre le symbolisme.
- Le surréalisme se réclamera de Baudelaire
En 1955, Yves Bonnefoy, grand poète contemporain écrit dans sa préface aux Fleurs du mal : « Voici le maitre livre de notre poésie ».
2° PARTIE
II. SPLEEN DE PARIS
Recueil posthume publié en 1869
Titre double Petits poèmes en prose ; Spleen de Paris (expression utilisée par Baudelaire de son vivant)
Le sous-titre Le Spleen de Paris informe sur la source de l’inspiration poétique, ce que confirme une lettre que Baudelaire adressait à Victor Hugo : ” […] J’ai essayé d’enfermer là-dedans toute l’amertume et toute la mauvaise humeur dont je suis plein”.
Par ailleurs, on sait que l’auteur préférait ce titre et qu’il l’utilisait beaucoup plus souvent que le précédent. Dans une lettre, en 1866,il écrivait :
” Je suis assez content de mon Spleen. En somme, c’est encore Les Fleurs du Mal mais avec beaucoup plus de liberté et de raillerie”
Le terme “spleen” fait directement référence à la première partie des Fleurs du Mal ( ” Spleen et Idéal”), et “de Paris” semble faire écho à la deuxième partie du recueil en vers : ” Tableaux parisiens”.
Composé de 50 pièces dont une quarantaine ont été publiées dans des journaux et revues du vivant de Baudelaire
THEMES
Grande diversité thématique (plus que dans les fleurs du mal)
· le portrait du poète (lire le Confiteor de l’artiste)
· L’évasion : le rêve,le voyage, l’ivresse
· la femme, l’amour
· les déshérités
· la ville, la foule
· le temps
Les registres..
- Lyrique: le plus fréquent ;la plupart des poèmes sont écrit à la première personne et expriment les sentiments, les pensées de Baudelaire.
- Pathétique:poèmes qui évoquent les pauvres, les délaissés, les mal-aimés
- Tragique:Homme prisonnier d’une réalité qui le dépasse ou l’impossibilité de l’homme à vaincre une force qui le surpasse et dont il est la victime comme dans le poème La Chambre Double, puissance tyrannique du temps sur l’homme.
Quelques poètes classés par courants