L.A 3 Duras, L’Amant

Situation du passage

Problématiques possibles

Texte

L.A 3  M. Duras, L’Amant,  L’image

 

 

C’était à quelques mois de notre séparation définitive, c’était à Saïgon, tard le soir, nous étions sur la grande terrasse de la maison de la rue Testard. Il y avait Dô[1]. J’ai regardé ma mère. Je l’ai mal reconnue. Et puis, dans une sorte d’effacement soudain, de chute, brutalement je ne l’ai plus reconnue du tout. Il y a eu tout à coup là, près de moi, une personne assise à la place de ma mère. Elle avait un air légèrement hébété, elle regardait vers le parc, un certain point du parc, elle guettait semble-t-il l’imminence d’un événement dont je ne percevais rien. Il y avait en elle une jeunesse des traits, du regard, un bonheur qu’elle réprimait en raison d’une pudeur dont elle devait être coutumière. Elle était belle. Dô était à côté d’elle. Dô paraissait ne s’  être aperçu de rien. L’épouvante ne tenait pas à ce que je dis d’elle,  de ses traits, de son air de bonheur, de sa beauté,  elle venait de ce qu’elle était assise la même ou était assise ma mère lorsque la substitution s’était produite ,  que je savais que personne   d’autre n’était là à sa place qu’elle-même, mais que justement cette identité qui n’était remplaçable par aucune autre avait disparu et que j’étais sans aucun moyen de faire qu’elle revienne, qu’elle commence à revenir.

 Rien ne se proposait plus pour habiter l’image.  Je suis devenue folle en pleine raison. Le temps de crier. J’ai crié. Un cri faible, un appel à l’aide pour que craque cette glace dans laquelle se figeait mortellement toute la scène. Ma mère s’est retournée.

 

Marguerite DURAS, L’Amant (1984)

[1] la servante de sa mère qui lui sera fidèle jusqu’à sa mort

Correction de la L.A 3

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