Racine, Phèdre,(1677) Acte I, sc 3

                                              Situation du passage :

Acte I :

Scène 1 : Début in medias res, la scène d’exposition se prolongera jusqu’à la Scène 3. (Voir texte 1)

Scène 2 : Oenone (nourrice et confidente de Phèdre) vient annoncer l’arrivée de Phèdre et demande à ce qu’on les laisse seules.

Scène 3 : Phèdre apparaît mourante et ne veut dire l’origine de son mal.  Oenone, effrayée de voir sa maîtresse rongée par un mal secret , la conjure de parler. Phèdre qui souffre depuis des années   –se laisse ici peu à peu entraîner à l’aveu.   Ce premier aveu va permettre à Oenone de jouer par la suite un rôle actif dans les décisions de la reine.

Acte I,sc 3

 PHEDRE

Puisque Vénus le veut, de ce sang déplorable


Je péris la dernière, et la plus misérable.


 

OENONE

Aimez-vous ?


 

PHEDRE

De l’amour j’ai toutes les fureurs.


 

OENONE

Pour qui ?
`

 

PHEDRE

Tu vas ouïr le comble des horreurs.
J’aime… A ce nom fatal, je tremble, je frissonne.
J’aime…


 

OENONE

Qui ?


 

PHEDRE

Tu connais ce fils de l’Amazone,


Ce prince si longtemps par moi-même opprimé ?

OENONE

Hippolyte ! Grands Dieux !


 

PHEDRE

C’est toi qui l’as nommé.


OENONE

Juste ciel ! tout mon sang dans mes veines se glace.


O désespoir ! ô crime ! ô déplorable race !


Voyage infortuné ! Rivage malheureux,


Fallait-il approcher de tes bords dangereux ?


PHEDRE

Mon mal vient de plus loin.

A peine au fils d’Egée


Sous les lois de l’hymen je m’étais engagée,


Mon repos, mon bonheur semblait s’être affermi,


Athènes me montra mon superbe ennemi.


Mariage avec Thésée

Athènes me montra mon superbe ennemi.


Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;


Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;


Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;


Je sentis tout mon corps et transir et brûler.


Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,


D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables

Coup de foudre pour Hippolyte, Malédiction de Vénus

Par des voeux assidus je crus les détourner :


Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner ;


De victimes moi-même à toute heure entourée,


Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée,


D’un incurable amour remèdes impuissants !


En vain sur les autels ma main brûlait l’encens :


Quand ma bouche implorait le nom de la Déesse,


Tentatives inutiles pour échapper à la passion . 5Les exclamatives marquent le désespoir de Phèdre)

J’adorais Hippolyte ; et le voyant sans cesse,


Même au pied des autels que je faisais fumer,


J’offrais tout à ce Dieu que je n’osais nommer.


Je l’évitais partout. O comble de misère !


Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.


Contre moi-même enfin j’osai me révolter :


J’excitai mon courage à le persécuter.


Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolâtre,


J’affectai les chagrins d’une injuste marâtre ;


Je pressai son exil, et mes cris éternels


L’arrachèrent du sein et des bras paternels.


Je respirais OEnone, et depuis son absence,


Mes jours moins agités coulaient dans l’innocence.


Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,


De son fatal hymen je cultivais les fruits.


Vaine précautions ! Cruelle destinée !


Par mon époux lui-même à Trézène amenée,


J’ai revu l’ennemi que j’avais éloigné :


Ma blessure trop vive a aussitôt saigné,


Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée :


C’est Vénus tout entière à sa proie attachée.


J’ai conçu pour mon crime une juste terreur ;


J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur.


Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire;,


Et dérober au jour une flamme si noire :


Je n’ai pu soutenir tes larmes, tes combats ;


Je t’ai tout avoué ; je ne m’en repens pas,


Pourvu que de ma mort respectant les approches,


Tu ne m’affliges plus par d’injustes reproches,


Et que tes vains secours cessent de rappeler


Un reste de chaleur tout prêt à s’exhaler.

Devoir maison

Transformez cette tirade en texte narratif.

Vous ferez ce récit à la 1° personne. C’est Oenone, qui bien longtemps après, fait le récit de ce moment terrible.

 

Vous commencerez votre texte par : « Phèdre était la fille de Minos et de Pasiphaé   et avait épousé Thésée, roi d’Athènes. Celui-ci avait un fils, Hippolyte, né d’un précédent mariage. J’étais sa suivante lorsque se produisirent de terribles évènements. Depuis des mois, Phèdre dépérissait…