Le personnage de roman

« Personnage » vient du latin « persona » qui signifiait « masque ».
Le personnage de roman est un « être de papier » inventé par un auteur, qui lui, est un être de chair.

Evolution du personnage

 « A travers la construction des personnages, le roman exprime une vision du monde qui varie selon les époques et les auteurs et dépend d’un contexte littéraire, historique et culturel, en même temps qu’elle le reflète, voire le détermine ».

Le personnage, même s’il est un être de papier, reste le moyen privilégié par lequel, dans le roman, se manifeste une vision du monde et une manière d’être au monde.

Jusqu’au XVII°, et au célèbre roman de Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves, le personnage n’a pas vraiment d’épaisseur psychologique :

Voir et lire un extrait de                           La Princesse de Clèves

Extrait du roman, la rencontre.

Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l’on doit croire que c’était une beauté parfaite, puisqu’elle donna de l’admiration dans un lieu où l’on était si accoutumé à voir de belles personnes. Elle était de la même maison que le vidame de Chartres, et une des plus grandes héritières de France. Son père était mort jeune, et l’avait laissée sous la conduite de madame de Chartres, sa femme, dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires. Après avoir perdu son mari, elle avait passé plusieurs années sans revenir à la cour. Pendant cette absence, elle avait donné ses soins à l’éducation de sa fille ; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté ; elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable. La plupart des mères s’imaginent qu’il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour les en éloigner. Madame de Chartres avait une opinion opposée ; elle faisait souvent à sa fille des peintures de l’amour ; elle lui montrait ce qu’il a d’agréable pour la persuader plus aisément sur ce qu’elle lui en apprenait de dangereux ; elle lui contait le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité, les malheurs domestiques où plongent les engagements ; et elle lui faisait voir, d’un autre côté, quelle tranquillité suivait la vie d’une honnête femme, et combien la vertu donnait d’éclat et d’élévation à une personne qui avait de la beauté et de la naissance. Mais elle lui faisait voir aussi combien il était difficile de conserver cette vertu, que par une extrême défiance de soi-même, et par un grand soin de s’attacher à ce qui seul peut faire le bonheur d’une femme, qui est d’aimer son mari et d’en être aimée.

HAUT DE PAGE

Antiquité

(IV° siècle av. JC à V° siècle prés JC):

L’Iliade et l’Odyssée

Achille et Hector

Le héros est doté de qualités exceptionnelles.
Il a toujours une ascendance divine.

Ainsi Achille est un demi-dieu, fils d’une déesse de la mer, Thétis . Quant à Ulysse, il est décrit comme habile, ingénieux, rusé… Il possède une grande intelligence pratique (la mètis), qui lui permet de s’adapter aux situations, prendre l’avantage et tirer profit des circonstances.
Les personnages et leurs actions permettent de poser les grandes questions sur l’homme et son rapport au monde.

Voir exposition BNF

Exposition sur les Héros (BNF)
HAUT DE PAGE

Moyen âge

(V° au XV° siècle)

Les grands genres romanesques du moyen âge sont l’épopée et le roman de chevalerie.
L’univers est fabuleux.
Les héros sont en quête d’un idéal et sont dotés de qualités comme le courage, la fidélité… Et ils accomplissent des actions remarquables, exceptionnelles.
Mais il est trop parfait pour être humain…

Lancelot est un exemple très représentatif du héros du moyen âge : « Jamais on ne vit un être rayonnant de tant de beauté, de valeurs et de quête » : Lancelot descend d’une grande lignée  . Elevé par la Dame du Lac, il devient « le fils de la fée », le « beau trouvé ». La fée Viviane éduque donc Lancelot dans le but d’en faire le chevalier parfait, lui enseignant l’art du combat mais aussi la courtoisie et la noblesse d’esprit. De plus, il apprend les sciences, la poésie, la musique ou encore la peinture. Lancelot est le profil type du chevalier parfait, étant prêt à laisser son honneur de côté pour sa reine.

 

 

Roman de Chevalerie de Chrétien de Troyes (XII° siècle):

  • Lancelot ou le chevalier de la charrette

  • Yvain ou le chevalier au lion

Yvain
HAUT DE PAGE

XVI°-XVII°


  1. Au XV°/XVII°, le personnage est encore très idéalisé, assez éloigné de la réalité. Même dans un roman comme La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette, qui pourtant marque le début du roman moderne, les descriptions physiques sont hyerboliques mais sans précision. La cour est décrite comme un lieu parfait… L’identification est donc difficile et surtout l’illusion romanesque n’est pas facilitée puisque les descriptions sont très abstraites.

     

  1. C’est aussi l’époque des romans satiriques ou parodiques qui mettent en scène des personnages plutôt marginaux qui ne se préoccupent pas beaucoup des valeurs chevaleresques du moyen-âge.

    Dégourdis, malins, plein de tours, ils amusent le lecteur. Issus des « basses classes » sociales, ils ne se préoccupent pas de réaliser les grands idéaux des chevaliers ! En fait, ces personnages plus populaires vont faire entrer le roman dans une dimension plus réaliste, plus individuelle.

    C’est le cas du Roman Comique de Scarron qui raconte les aventures et mésaventures d’une troupe de théâtre. (1657).

     

HAUT DE PAGE

XVIII°

  1. Le personnage commence à s’individualiser.
    Il est souvent issu du peuple (Bourgeois, domestique…).

    Le personnage, par ses paroles, ses actes commence à remettre en cause la société à laquelle il appartient.
    Le réalisme est plus présent. (Le lecteur doit pouvoir reconnaître le monde dans lequel évolue le personnage).

    Et le personnage devient un héros ordinaire qui tente de se libérer de ses conflits avec la société… Il évolue sous les yeux du lecteur.

Diderot, Jacques Le Fataliste

Denis Diderot
  1. Le personnage est associé au personnage-philosophe qui remet en cause par ses propos, ses actions, le monde dans lequel il vit, la société à laquelle il appartient. Il y a donc plus de « réalisme » et le personnage évolue au cours de l’œuvre.

  1. Manon Lescaut (1731) de l’abbé Prévost

    Le roman montre l’évolution d’un personnage à travers les aléas de la vie, les obstacles et les douleurs qu’il doit surmonter.  

  1.  Au XVIII°, le roman se fait miroir des comportements humains et des travers d’une société comme par exemple dans les Liaisons dangereuses de Laclos.

     

Les Liaisons dangereuses
HAUT DE PAGE

XIX°

Au XIX°, le roman prend ses lettres de noblesse. Le personnage devient de plus en plus « réaliste ». Et le roman et le personnage doivent donner l’illusion du réel.
C’est le temps du réalisme et du naturalisme.

Du côté du réalisme, Balzac avec sa Comédie humaine veut « concurrencer l’Etat civil ». C’est-à-dire que les personnages doivent être le plus proche possible de la réalité (Même si c’est une réalité reconstruite comme l’explique Maupassant dans la préface de Pierre et Jean)
Les écrivains passent des heures à observer, noter des comportements, des langages, des attitudes observées chez des personnes réelles pour construire leurs personnages. Ils donnent beaucoup d’informations sur son apparence physique, son comportement, son langage. On connait son passé, son milieu, et son hérédité, ce qui permet d’expliquer ses comportements.

Le personnage de Vautrin (Balzac)

Du côté du naturalisme, Zola cherche à appliquer les théories scientifiques de son époque pour expliquer l’évolution de l’individu et donc du personnage.

Le personnage est le représentant d’une classe sociale et il permet d’ en donner une image réaliste à travers des descriptions, des explications…
Tous les héros de Zola, ou presque, fonctionnent sur ce schéma.
Le héros naturaliste (ou l’héroïne car il y a beaucoup de personnages féminins comme Nana, Gervaise…) doit se battre pour survivre.

Le personnage devient le représentant d’une catégorie sociale : ouvrier, mineur, bourgeois…

 N.B : Lorsque le nom du personnage principal devient le titre de l’œuvre, on parle alors de personnage éponyme.

 

Gervaise (Zola)
HAUT DE PAGE

XX°

Dès la fin du XIX° , le personnage prend une place différente :
Certains personnages deviennent plus « authentiques », plus vulnérables et montrent leur fragilité, voire même leur lâcheté, leur petitesse. Ce sont des êtres comme tout le monde qui affrontent comme ils peuvent les aléas du quotidien et qui semblent souvent dépassés par ce qui leur arrive.
Le personnage incarne des sentiments et un parcours qui pourraient être ceux des lecteurs.

Marcel Proust

 

Marcel Proust initie une révolution profonde dans l’histoire du roman. L’originalité des sept volumes qui constituent A la recherche du temps perdu (1913-1927) tient à l’abandon de l’intrigue comme fil conducteur.
La réalité est progressivement découverte au fil du temps par un « je » qui se constitue lui-même comme écrivain. L’univers le plus quotidien redevient un mystère à déchiffrer.  

Le héros de roman n’est plus un demi-dieu doté de qualités exceptionnelles,  il porte désormais les  différentes conceptions de l’homme, selon les époques.

Bien sûr le héros peut faire preuve de courage, avoir et défendre des valeurs fortes (Solidarité, courage, générosité, sens du devoir…) comme dans les romans de Saint Exupéry par exemple ou dans La Peste de Camus : Rieux incarne la lutte contre le fléau, le courage, le sens du devoir, la solidarité.

Mais ils peuvent tout aussi bien être des héros « médiocres ».

Enfermés dans leur condition sociale ou familiale, ils ne sont pas armés pour lutter ou manquent de grandeur. Bardamu dans Voyage au bout de la nuit de Céline. Ou Meursault dans L’Etranger de Camus.

 

Bardamu par Tardi

Ces personnages sont alors nommés « anti-héros » – et les romanciers peuvent à travers eux exprimer toute une veine satirique, effectuer parfois une véritable charge contre la société.
L’anti héros peut être :

  • un personnage « sans qualités », l’être ordinaire vivant une vie ordinaire dans un cadre ordinaire ;

  • un héros négatif, porteur de valeurs anti-héroïques et en général antisociales, mais sans qualités « héroïques »  

  • un héros décevant, un personnage ayant potentiellement des qualités héroïques mais qui n’en fait pas usage ou les utilise mal ou à mauvais escient, ou qui tend à perdre ces qualités, ou enfin qui se trouve dans un cadre où ces qualités ne sont plus appréciées ou admises ;

  • un héros « décalé », un personnage ordinaire, sans qualités, qui par les circonstances se trouve plongé dans une situation extraordinaire.

Milieu du XX° :

La mort du personnage ?
Les contextes historiques de la 1° moitié du XX° ont fait douter des capacités de l’homme à maitriser le monde et ses démons. Ainsi, loin d’être un surhomme, ou même un homme ordinaire, certains héros des romans du xxe siècle se délite et se décompose.

Certains écrivains notamment ceux qui appartiennent au Nouveau roman (années 50-60) parlent de « la mort du personnage ».

Pour eux, le roman n’est pas un moyen de connaissance. Il est avant tout (et peut-être seulement) une écriture. Le personnage n’est plus qu’une conscience sans certitudes – il est presque englouti.

Robbe-Grillet dans Pour un nouveau roman, en 1957 à propos du personnage : « Nous en a-t-on assez parlé du « personnage » ! Et ça ne semble, hélas, pas près de finir. Cinquante années de maladie, le constat de son décès enregistré à maintes reprises par les plus sérieux essayistes, rien n’a encore réussi à le faire tomber du piédestal où l’avait placé le XIXe siècle. C’est une momie à présent, mais qui trône toujours avec la même majesté – quoique postiche – au milieu des valeurs que révère la critique traditionnelle. C’est même là qu’elle reconnaît le « vrai » romancier : « il crée des personnages »…

A partir des années 80

Milan Kundera « Le personnage n’est pas une simulation d’un être vivant. C’est un être
Kundera dit : « Les personnages de mon roman sont mes propres possibilités qui ne se sont pas réalisées. C’est ce qui fait que je les aime tous et que tous m’effraient pareillement. Ils ont, les uns et les autres, franchi une frontière que je n’ai fait que contourner. »
Les personnages jouent le rôle « d’ego imaginaires ».

Pour Kundera, le roman permet une « méditation sur l’existence vue au travers de personnages imaginaires. »

Kundera

On retrouve cette vision dans les romans de la fin du XX°
Dans Désert (1980), de Le Clezio alternent deux récits : l’un sur l’errance tragique des hommes bleus (Touareg) chassés par le colonisateur français ; l’autre sur la vie de Lalla, exilée à Marseille, habitée par  la foi et la beauté du désert.

Le Clézio sur son roman Désert (Apostrophes)

Avec L’Amant, (1984) Marguerite Duras(1914-1996), qui avait été une figure du Nouveau Roman, écrit une autofiction (mélange d’éléments autobiographiques et fictifs) dans laquelle elle raconte l’histoire d’une jeune fille de 15 ans et demi qui prend un riche amant chinois et se trouve confrontée à l’hostilité de sa famille et de la société coloniale européenne. Elle revisite son enfance et nous interroge sur le temps, la mémoire, l’amour, la colonisation…

L'Amant

Fin des années 90 :

Des auteurs comme Michel Houellebecq propose notamment avec Les Particules élémentaires(1998) une réflexion très personnelle à travers le personnage de Bruno qui par la poursuite effrénée du plaisir a détruit les liens humains et entraîné des frustrations insurmontables.

Sylvie Germain publie en 2005, Magnus(Albin Michel, prix Goncourt des lycéens) Roman construit en brefs fragments, ce livre recompose le parcours d’un orphelin de la guerre, d’un “homme à la mémoire lacunaire, longtemps plombée de mensonges puis gauchie par le temps, hantée d’incertitudes”, dont le destin épouse celui d’un siècle de carnage.

 

En 2009, un auteur comme Marie NDiaye obtient le prix Goncourt, en 2009, pour Trois femmes puissantes : Composé de trois récits centrés autour de trois figures de femmes africaines, ce livre à l’écriture précise et très introspective proposait une méditation autour de la conscience de soi et du combat contre le mal. Comme tous les textes de Marie NDiaye, il faisait la part belle au doute et à l’étrangeté.

 

HAUT DE PAGE

Personnage et vision du monde

Le personnage est porteur d’une vision du monde

Le personnage de roman est « plus que lui-même ». Même s’il est un héros banal, le « premier homme qui passe », le héros peut , dans le roman, transmettre une conception du monde :
• Il peut devenir le symbole d’une qualité (positive ou non) : il incarne une vertu ou un vice, ou une façon de se positionner par rapport au monde. Certains héros deviennent ainsi des « types », au point que leur nom peut donner naissance à un terme désignant un comportement ou une vision du monde. On parlera par exemple du « bovarysme ».

• Un héros romanesque peut également révéler une vision du monde, il est à l’image de celui de tout un groupe. Lantier, dans Germinal, représente ainsi les mineurs, la classe ouvrière : son mode d’existence, son combat offrent au lecteur la possibilité de considérer la société selon un angle particulier, celui des opprimés.

• Le personnage peut également être le symbole d’une cause à défendre. Il rassemble alors des hommes autour de lui, réunis par une même vision du monde, et s’oppose éventuellement à ceux pour qui cette vision est inopérante. Dans La Peste de Camus, le docteur Rieux estime qu’il n’y a qu’une seule attitude possible : lutter contre la maladie, soulager la souffrance et combattre la mort. Il est rejoint par un certain nombre de personnages, tandis que d’autres préfèrent se replier sur eux-mêmes : deux visions du monde se dessinent ainsi.

Le personnage, à la croisée de plusieurs visions du monde :

Le personnage est rarement seul dans un roman. Donc le roman ne délivre pas un « message » simpliste et univoque, mais permet au contraire une confrontation de perspectives. • L’exemple de La Peste de Camus est à cet égard éclairant : Rieux, incarnant la lutte contre le fléau, rencontre un journaliste qui, lui, est prêt à tout pour quitter la ville où la peste s’est déclarée, et rejoindre sa bien-aimée. Pour ce jeune homme, l’amour est plus important que la solidarité avec les habitants. Mais Rieux ne le condamne pas. Les deux perspectives sont ainsi données au lecteur, comme deux choix personnels, engageant deux modes de comportement et deux visions du monde.

• De plus, chaque personnage est un « composé », il possède de multiples facettes : si le romancier ne se contente pas de caricatures, mais qu’il construit au contraire un personnage riche, celui-ci sera sensible aux situations différentes qu’il rencontrera, ses réactions ne seront pas toujours prévisibles. Certes, on peut considérer Rastignac, le personnage de Balzac, comme un ambitieux, désireux de s’élever dans l’échelle sociale, mais il est aussi l’être compatissant qui consacre du temps au Père Goriot.

Dans Les Misérables, Jean Valjean est celui qui lutte contre les préjugés et vient en aide aux plus démunis, le père rêvé pour Cosette, mais il est également celui qui ne supporte pas d’être « dépossédé » de sa fille adoptive lorsque celle-ci tombe amoureuse : son amour paternel est à la fois admirable et abusif. •

En outre, cette complexité est encore amplifiée par le « duo » que forment le romancier avec ses personnages. Ni le narrateur, ni le romancier, ne sont forcément en accord avec les visions du monde portées par les personnages : l’ironie de Flaubert, dans L’Éducation sentimentale, fait éclater aux yeux du lecteur l’aspect illusoire de la conception du monde de Frédéric Moreau.

 

Le romancier peut également critiquer la société dans laquelle il place ses personnages : dans Une Vie, de Maupassant, l’héroïne (anti-héroïne) Jeanne se trouve confrontée à la violence de son mari, à la cruauté d’une société de classes, sans pouvoir trouver d’autre « remède » que sa maternité. L’auteur, ici, ne juge pas forcément son personnage – mais il délivre une vision du monde pessimiste en décrivant « objectivement » une vie ordinaire.

HAUT DE PAGE

Roman et vision du monde


Les visions du monde qui s’expriment à travers un roman sont aussi  portées par tous les motifs entrecroisés dans une œuvre littéraire : le roman existe par les mots et la réflexion autant que par ses personnages.

• Le roman peut interroger les modes de connaissance et les croyances d’une époque.

À la fin du xixe siècle, Zola (et tout le mouvement naturaliste) s’inspire de la biologie et des sciences expérimentales : tout en critiquant la société, il montre par là qu’il est en accord avec une vision « scientifique » et progressiste du monde.


À l’inverse, la littérature romanesque du début du xxe siècle met en doute cette notion de progrès.

Céline s’inscrit en faux contre la vision du monde selon laquelle l’homme serait capable de maîtriser ses inventions et ses connaissances.

Emile Zola

• L’œuvre peut également être porteuse d’une réflexion philosophique, débouchant soit sur un constat lucide (et parfois pessimiste) soit sur une révolte.

Toute l’œuvre romanesque de Maupassant est ainsi porteuse d’une philosophie pessimiste, qui voit en l’homme un prédateur égoïste.

À l’inverse, Malraux, dans L’Espoir comme dans La Condition humaine, révèle la faculté d’union et de solidarité des hommes. Il ne nie pas le malheur ni la souffrance, mais considère que des liens fraternels peuvent lier des individus pourtant uniques et différents les uns des autres.Dans La Peste de Camus aussi.

Enfin, le roman peut être une vision du monde, non pas au sens politique ou philosophique, mais au sens esthétique du terme.

Une œuvre est faite de mots autant que de personnages, de rythmes et de sons, autant que de thèmes. Cet entrecroisement des motifs et de l’écriture permet de transmettre au lecteur un autre regard sur le monde. Certains romans laissent ainsi une empreinte en nous par leurs descriptions, ou par l’imaginaire qu’ils nous offrent :

Le Grand Meaulnes (Alain-Fournier), Aurélia (Gérard de Nerval),
La Recherche du temps perdu (Marcel Proust) sont autant d’exemples d’œuvres dans lesquelles le monde est transformé par un regard. Le lecteur est invité à se déplacer légèrement, à faire un pas de côté pour considérer, plus qu’une « vision du monde », un monde re-vu.

HAUT DE PAGE

RECAPITULATIF

SiècleType de personnageCaractéristiquesExemples
XVIIe  Le héros précieuxRaffiné, marqué par les modèles antiques, idéalisé

Mle de Scudéry, Clélie

 

 

Le personnage des romans comiques

Joyeux, réaliste,   sans foi ni loiCharles Sorel, L’Histoire comique de Francion
 Le personnage  classiqueParfait, sobre, vraisemblable

Mme de La Fayette, `

 La princesse de Clèves

XVIIIeLe personnage de la tendance réalisteEntreprenant, faisant sa place dans la sociétéMarivaux, La Vie de Marianne
 

Le libertin

Hédoniste, libre penseur, indépendant

 

Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses
 

Le personnage des Lumières

Philosophe, satiriqueDenis Diderot, Jacques le Fataliste et son maître
 Le personnage préromantiqueSensible, lyrique, passionnéJean-Jacques Rousseau, La nouvelle Héloïse
XIXe

Le personnage romantique

Symbolique, épique, idéalisé

 

Victor Hugo, Les Misérables

 

Le personnage réaliste

Reflet de la réalité, « type humain »

 

 

Honoré de Balzac, La Comédie humaine

 Le personnage naturalisteExpérimental, influencé par son milieu, représentant une réalité généraleEmile Zola, Les Rougon-Macquart
XXeLe personnage des romans psychologiquesComplexe, subtil, « éparpillé »Marcel Proust, A la recherche du temps perdu
 Le personnage engagéFort, aux prises avec l’histoire, en quête de sensMalraux, La condition humaine
 Le personnage du nouveau romanRemis en question, « notion périmée » : on parle de la mort du personnageNathalie Sarraute, Tropismes

 

HAUT DE PAGE