O.I MONTAIGNE, ESSAIS, Des Cannibales, Livre I, Ch. XXXI

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L’AUTEUR

Michel de Montaigne est né en Dordogne en 1533 dans une famille de riches commerçants bordelais récemment anoblis, les Eyquem.

Son père soigne l’éducation du jeune Michel : son précepteur ne doit s’adresser à lui qu’en latin, si bien qu’à six ans Montaigne maîtrise cette langue et le parle mieux que le français ! Il poursuit ses études à Bordeaux, au collège de Guyenne, puis embrasse une carrière juridique.

Chateau de Montaigne

A 22 ans, il succède à son père au parlement de Bordeaux. Mais le grand évènement de la vie de Montaigne, c’est sa rencontre e 1557, avec Etienne de la Boétie, lui aussi magistrat au parlement de Bordeaux. Une forte amitié liera les deux jeunes gens. Malheureusement La Boétie meurt en 1567, probablement de la peste. Cette amitié est résumée par Montaigne en ces mots fameux « Parce que c’était lui, parce que c’était moi ».

Depuis 1562, la France est ravagée par les guerres de religion qui ne s’achèveront qu’ en 1598 avec les l’Édit de Nantes (Henri IV)

Etienne de La Boétie
Tour de Montaigne

Marié en 1565, il perd sa fille en 1568 et son père. Il démissionne alors de la vie politique et se retire sur ses terres. Il traduit alors l’œuvre de Raymond Sebond et publie les œuvres de son ami La Boétie : Discours de la servitude volontaire

Son héritage lui permet de vivre de ses rentes. Néanmoins, il continue à jouer ponctuellement un rôle de négociateur ou fait la guerre lorsque le Roi fait appel à lui. Mais pour l’essentiel, il se consacre à l’administration de son domaine. Il décide alors d’aménager une bibliothèque dans une tour de son château. C’est là, dans cette célèbre tour-bibliothèque qu’il lit, étudie et commence à rédiger les Essais, dès 1572, année du massacre de la Saint-Barthélemy. Il a alors trente-neuf ans, et ce travail ne s’achèvera qu’à sa mort vingt ans plus tard, en 1592.

Les deux premiers livres des Essais sont publiés en 1580 puis de 1580 à 1581 il effectue un voyage de plusieurs mois en Europe : Suisse, Allemagne, Italie mais, élu maire de Bordeaux, il rentre sur l’ordre du roi.

Il restera maire de Bordeaux de 1581 à 1585

En 1586, il fuit devant la peste qui gagne toute la région. Voici ce qu’en dit l’écrivain S. Zweig :

“En 1585, le deuxième mandat de Montaigne comme maire de Bordeaux aurait dû toucher à sa fin, et il aurait dû prendre glorieusement congé, avec discours et honneurs. Mais le destin ne veut pas pour lui d’une si belle issue. Il a tenu bon, avec énergie et courage, aussi longtemps que la ville était menacée par la guerre civile, qu’avaient rallumée les huguenots et les ligues. Il a organisé l’armement de la ville, veillé jour et même nuit avec les soldats et préparé la défense. Mais c’est devant un autre ennemi, la peste, qui atteint Bordeaux cette année-là, qu’il prend la fuite et abandonne la ville. Pour sa nature égocentrique, la santé passe avant tout. Il n’est pas un héros, et ne s’est jamais prétendu tel. Nous ne pouvons plus nous représenter ce que signifiait la peste à cette époque. Nous savons seulement qu’elle était partout le signal de la fuite, pour Erasme comme pour tant d’autres. Dans la ville de Bordeaux, dix-sept mille personnes meurent en moins de six mois, la moitié de la population. Qui a une voiture, un cheval, prend la fuite, seul reste le menu peuple. La peste apparaît même dans la maison de Montaigne. Il se décide donc à l’abandonner. Tous se mettent en chemin, sa vieille mère Antonietta de Louppes, sa femme et sa fille.”

Tenue médecin contre la peste

Il retrouve son chateau dévasté par les pillards et la maladie. Il consacre ses dernières années à achever et perfectionner les Essais, qui rencontrent un grand succès du vivant même de son auteur.

Et voici que l’incroyable arrive. Une jeune fille à peine plus âgée que la plus jeune de ses filles, qu’il vient de marier, Marie de Gournay, issue d’une des plus grandes familles de France, se prend de passion pour les livres de Montaigne. Elle l’aime, elle l’idolâtre, elle trouve son idéal en lui. Dans quelle mesure cet amour n’est pas allé seulement à l’écrivain, mais aussi à l’homme, voilà qui reste difficile à établir, comme toujours en pareil cas. Mais Montaigne va souvent la retrouver, séjourne quelques mois auprès d’elle, dans le château familial aux environs de Paris, elle devient sa “fille d’alliance”, et il lui confie son plus précieux héritage: l’édition de ses Essais après sa mort.”(S. Zweig)

Il meurt à cinquante-neuf ans dans son château en Dordogne, en 1592.

Mort de Montaigne

Les Essais (généralités)

Il faut lire les Essais comme Montaigne les a écrits : dans un joyeux désordre !

Le titre est un pluriel qui signale l’indépendance des chapitres entre eux. Ils n’ont la plupart du temps rien à voir avec le précédent ou le suivant et comme l’écrivait Montaigne lui-même, les Essais sont faits de « sauts et gambades ».

C’est un livre discontinu parce qu’il est le reflet d’une pensée en mouvement, qui ne se contraint pas mais au contraire laisse libre cours aux associations, aux digressions.

De ce fait la composition des Essais est difficile à définir. Montaigne laisse venir à lui les sujets et les traitent au fil des chapitres en fonction de l’intérêt qu’il leur trouve. Il n’y a donc pas à proprement parler de structure.

Montaigne aborde des sujets très divers qui vont les plus quotidiens et des plus simples comme le cheval…. Au plus complexes avec souvent une dimension philosophique, comme la mort, l’éducation ou la relativité des coutumes.

Par ailleurs, du vivant de Montaigne il y a eu plusieurs éditions des Essais (dont la rédaction a duré près de 20 ans) et à chaque fois, l’auteur revenait sur ce qu’il avait déjà écrit, l’annotait, le complétait.

Le livre dans son époque

Montaigne écrit les essais pendant le siècle de la Renaissance. Ce siècle est fortement influencé par la redécouverte de l’Antiquité et ses grands auteurs. La littérature de l’époque fait sans cesse référence à ces auteurs et les citent. Montaigne ne fait pas exception. Si son texte est novateur à bien des égards et qu’il se détache des contraintes de l’époque, l’influence antique par contre est très présente.

Et de la renaissance est aussi celui de l’humanisme. Or depuis Copernic, on sait que c’est la terre qui tourne autour du soleil et non l’inverse ; cette découverte modifie la vision que l’homme a de lui dans le cosmos. La révolution copernicienne est aussi une révolution de la place de l’homme.

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Cette découverte remet en cause les dogmes de l’église et pousse les intellectuels à douter, à s’interroger. Un nouveau sujet apparaît dans les préoccupations humanistes : l’homme.

Et c’est bien sur lui que Montaigne s’interroge dans les Essais à travers sa propre personne et sa propre expérience. Il dit qu’il veut se peindre lui-même et qu’il est lui-même « la matière de son livre » : c’est bien l’homme qui est au centre des Essais

La Genèse des Essais

Après la traduction de Raimond Sebond et la publication des œuvres de son défunt ami La Boétie, Montaigne se « trouve vide » et il papillonne sans but précis. Il cherche l’ordre mais en même temps il ne peut ni ne désire renoncer à son goût de la dispersion, à son vagabondage parmi les livres et les idées.

C’est de cette tension entre des exigences différentes liées à sa nature profonde qu’est née la forme de l’essai, conciliation de divergences.

L’écriture des Essais durera une vingtaine d’années (1572-1592). Il invente un genre. En effet, c’est Montaigne qui a donné le nom d’Essais à son livre. Il a choisi une métaphore juste car il n’a pas voulu classer son œuvre dans des formes existantes. L’essai est né avec Montaigne et atteint sa perfection dès le début. « Le genre est né à son sommet », ce qui est exceptionnel en littérature. Montaigne vit à une époque où la littérature est une littérature d’imitation, il faut toujours un texte d’inspiration. Or Montaigne va instituer une œuvre de penseur-lecteur. C’est donc un livre hétérogène où se mêlent pensées personnelles et notes de lecture. A propos de ses Essais, Montaigne parle de « marqueterie mal jointe »

Montaigne accompagne la technique de l’essai, de l’adjectif « naturel » : L’essai n’est pas une forme empruntée (même si Sénèque, Plutarque, et bien d’autres l’ont nourri,) c’est une forme qui convient à la nature psychologique profonde de son auteur : « Mes conceptions et mon jugement ne marche qu’à tastons, chancelant, bronchant et chopant […] Et entreprenant de parler indifféremment de tout ce qui se présente à ma fantaisie et n’y employant que mes propres et naturels moyens »(…) (I, 26). Dans un style « à sauts et à gambades » Montaigne s’éloigne du modèle rhétorique Cicéronien avec de grandes phrases et donne une parole vive, et moderne.

Dans la courte introduction qu’il adresse Au lecteur, Montaigne nous dit : « C’est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t’avertit dès l’entrée que je ne m’y suis proposé aucune fin, que domestique et privée… Je veux qu’on m’y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans étude et artifice : car c’est moi que je peins… Je suis moi-même la matière de mon livre... »

Et au chapitre XVII du livre II,: « Le monde regarde toujours vis-à-vis ; moi, je renverse ma vue au dedans : Je la plante, je l’amuse là. Chacun regarde devant soi ; moi je regarde dedans moi. Je n’ai affaire qu’à moi. Je me considère sans cesse, je me contrôle, je me goûte… Moi, je me roule en moi-même. » c’est sans doute le 1er pacte de lecture de la littérature

Mais ce projet de se peindre serait un sot projet, pour employer l’expression de Pascal, si Montaigne avait prétendu nous intéresser uniquement lui-même. Ce qui fera écrire à Voltaire « Le charmant projet qu’il a eu de se peindre, car en se peignant, il a peint la nature humaine !

En effet, la forme ouverte des essais permet à Montaigne d’examiner les incertitudes et les contradictions de la société dans laquelle il vit ainsi que ses propres incertitudes intimes. C’est un questionnement incessant. « Essayer », c’est « peser » et le mot « essai » que Montaigne choisit vient du latin exagium qui désigne la balance qui renvoie à la notion d’équilibre entre expérience du monde et de soi et réflexion.

Genre et postérité des Essais

Aujourd’hui, l’essai est une forme si répandue, qu’il ressemble à une catégorie fourre-tout dans laquelle on peut trouver aussi bien des critiques historiques, économiques, politiques, des autobiographies, des vulgarisations … Difficile de s’y retrouver.

Pourtant l’essai est une forme souple qui permet justement de se détacher des contraintes d’un genre.

Dans l’essai, l’énonciation c’est le « je » mais un « je » complexe. : le pacte autobiographique n’est pas celui de l’autobiographie ni de la fiction.

L’essai est un espace de liberté qui interroge la relation entre littérature et pensée et qui échappe aux cadres. Il est donc plus difficile de le définir qu’un autre genre…

L’essai (et tout particulièrement celui de Montaigne) relie à chaque instant l’intime et l’universel : au sujet du corps vieillissant, de l’amitié…ou l’altérité.

Le XVIIIe siècle verra dans l’essai la forme idéale pour combiner le savoir et la pensée. C’est par exemple le Traité sur la Tolérance de Voltaire.

La définition qu’en donne Marivaux au XVIIIe siècle dans Le Cabinet du philosophe est à ce titre intéressante : « il ne s’agit pas ici d’ouvrage suivi : ce sont la plupart des morceaux détachés, des fragments de penser sur une infinité de sujets, et dans toutes sortes de tournures : réflexion gaie, sérieuse, morale, chrétienne… Quelques fois des aventures, des dialogues, des lettres, des mémoires, des jugements sur différents auteurs, et partout en esprit de philosophie : mais d’un philosophe dont les réflexions ce sentent des différents âges où il a passé »

Rousseau aussi revendiquera la filiation avec Montaigne mais l’inclinera vers un genre nouveau : l’autobiographie.

Au 20e et au 21° l’essai prend une place très importante. Il sera une voie privilégiée pour questionner notre monde, nos espoirs et nos peurs. Des noms prestigieux comme Valéry, Gide, Barthes…sont associés à l’essai.

Un auteur comme Maylis de Kerangal dans son essai À ce stade de la nuit(2016) accumule des réflexions fragmentaires sur le mot Lampedusa mélangeant images de films, événements personnels, réflexions. Le texte est très personnel mais débouche pourtant sur la question très actuelle des migrants et le regard engagé de l’écrivaine sur ce sujet.

Une définition de l’essai par G. Lucaks

“L’essai est une mise en forme des grandes questions de la vie: l’amour, la mort, la justification de l’existence, le pouvoir, l’autre, la vie en société… Autant de thèmes qui apparaissent dans les innombrables essais qui sont édités, et qui justifient le succès de ce type de texte. Comment expliquer autrement l’importance de titres et des tirages de ces ouvrages qui ne sont pas toujours d’accès facile? Il y a sans doute le goût du public pour l’autobiographie, dont certains essais sont proches, mais aussi la volonté de trouver des réponses aux problèmes existentiels que se pose tout un chacun. Cela permettrait d’ailleurs d’expliquer le succès actuel des essais, dans une période qualifiée de “post-moderne”, où l’absence de repères sûrs et d’idéologies cohérentes justifie la quête de nouvelles réponses, voire de nouveaux maîtres à penser. Ce serait d’ailleurs le risque contemporain de l’essai: être perçu comme un lieu de réponse alors qu’il n’est qu’un moment de questionnement.”

5 critères pour caractériser l’essai

1. L’essai est l’expression d’une subjectivité.

2. L’essai est destiné à produire un effet.

3. L’essai propose une discussion d’idées.

4. L’essai aborde le sujet sous plusieurs points de vue

5. L’essai s’interroge sur un problème existentiel

Les leçons des Essais

Source : scienceshumaines.com

Des Essais , on retient en général le message humaniste, une conception interrogative et ouverte du savoir « Que sais-je ? » , un projet éducatif « Mieux vaut tête bien faite que tête bien pleine » , une vision lucide et pessimiste de la nature humaine, de l’inconstance de nos actions et de nos pensées.

Et puis il y a l’hymne à la tolérance. De ce point de vue, 
Montaigne représente le parfait chic type. Lui qui vit une époque agitée par les querelles de religions se comporte en sage. Il a fait graver sur une poutre de sa bibliothèque cette sentence : « À tout discours, s’oppose un discours de force égale. » Les vérités contraires s’opposent et font couler le sang.

En Amérique, alors qu’au nom de Dieu on extermine sans scrupule les Indiens, lui prend leur défense : « Nous les pouvons donc bien appeler barbares, eu égard aux règles de la raison, mais non pas eu égard à nous, qui les surpassons en toute sorte de barbarie. » (« Des cannibales »)

Anthropologue avant l’heure, il a compris combien nos valeurs et nos jugements sont relatifs à notre milieu. En matière pénale, il sera l’un des rares de son époque à s’opposer à la torture. 
Il y a aussi sa philosophie du bonheur. Elle se résume, dit-il, à un art de mourir « Que philosopher c’est apprendre à mourir » . Sur ce point, il ne se distingue guère des philosophes antiques dont il est nourri : une pincée de stoïcisme, une autre d’Épicure. Stoïcien, il l’est par son refus de la vanité et son courage d’affronter la mort en face ; épicurien, par son goût des choses simples et le culte de l’amitié. Sceptique aussi par son sens aigu de la relativité des pensées.

Des Cannibales, livre I, Ch. XXXI

L’autre, miroir de soi

Dans les Essais, la connaissance de soi se fait de manière indirecte, par la découverte d’autrui. L’autre devient le miroir dans lequel chacun observe son propre reflet.

Autrement dit, les jeux de perspective obligent le regard à établir les analogies « entre identité et différence, unité et multiplicité » .

Les Essais aident le lecteur à reconnaître sa propre identité dans la figure de l’altérité. c’est ce qu’il se passe avec les Cannibales : Par exemple, l’évocation de la coutume anthropophage cède progressivement sa place à la question de la cruauté des Colons. Inopinément, le regard glisse de l’étranger à l’observateur, établissant entre les deux un rapport d’analogie.

L’écriture de Montaigne oblige le lecteur à « regarder sa propre société à travers les yeux d’un observateur étranger, afin d’en découvrir d’un œil neuf les défauts et les vices » .

L’épisode final de l’essai I, 31, en est emblématique. Jusqu’ici observés pour leur exotisme, les Indiens deviennent soudainement les spectateurs ébahis de la cour de France – étonnés des habillements, des disparités de richesse, de la domination d’un enfant, etc. Aussi est-ce toujours au détour de l’étranger que surgit soudainement la figure du lecteur, désormais aussi étrange. La permutation du point de vue oblige alors à se regarder avec l’étonnement jadis éprouvé pour les sociétés indiennes.

Dans le chapitre XXI, Des Cannibales, Montaigne présente les Tupinamba du Brésil comme “encore fort proches de la nature originelle”.

L’auteur, après un inventaire de leurs moeurs quotidiennes explique ce qui les conduit à la guerre.

Leur cannibalisme est alors décrit comme un processus de vengeance très élaboré et qui suit un rituel très précis.

Si l’exécution s’avère violente, la “dévoration” du prisonnier est elle beaucoup plus conviviale. (cf article ici)

Dans la fin du texte, c’est à travers le regard des Tupi rencontrés à Rouen, que Montaigne montre leur grande clairvoyance politique.

Il se produit une inversion des valeurs : cet éloge paradoxal d’une peuple cannibale, présenté comme de paix sociale, agit comme un miroir inversé, et montre aux européens les qualités qu’ils ‘nont pas ou plus.

L’européen chrétien et blanc se croit supérieur socialement et moralement mais la conclusion à laquelle aboutit Montaigne a de quoi ébranler ses certitudes puisque nous “ les surpassons en toute sorte de barbarie”

La civilisation dénaturerait-elle l’homme ? C’est l’idée qu’on retrouvera chez Rousseau au XVIII°. Et faudrait-il voir dans le nouveau monde un modèle préservé d’une vie harmonieuse avec la Nature et “fort peu abatardie” par les “lois” des blancs ?

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