L’auteur :
Jean Racine (1639 – 1699) Siècle de Louis XIV; Classicisme. Education janséniste (courant chrétien qui désapprouve le théâtre) . Auteur de tragédies (comme Corneille). Les thèmes raciniens sont souvent très psychologiques, il fait une fine analyse des sentiments, des passions, des folies des hommes Il présente des personnages dans toute leur fragilité (là où Corneille nous peint plutôt des héros).
L’œuvre :
Faire agir les ressorts de la tragédie grecque que sont la terreur et la pitié devant la violence des affrontements politico-passionnels, l’émergence de la monstruosité du personnage principal, et I’inéluctabilité du sort funeste des autres personnages. Racine restait ainsi fidèle à l’esprit de la tragédie grecque (la pièce rappelle I’histoire des Atrides, et le sort de Junie reproduit celui de Daphné) et fidèle aussi à sa propre conception de la tragédie : les personnages sont saisis dans une crise proche de son dénouement, car les passions, poussées à leur paroxysme, exigent une solution rapide ; ainsi est créée une tension dramatique extrême qui fait de la tragédie un jour fatal ; ainsi est représenté, conformément au modèle aristotélicien, le moment crucial, I’instant critique, où le héros oscille entre le bien et le mal.(Source France Inter)
- Toute la tension dramatique de Britannicus nait de la rencontre entre trois conflits qui structurent la pièce et en s’additionnant, créent tout le tragique de la situation : , le premier, concerne l’histoire politique, l’avènement de Néron au sommet de Rome et sa transformation en progressive en tyran ;
- le second, c’est la nature des sentiments des personnages qui vont avoir un impact politique réel : c’est en tombant amoureux de Junie qu’il va faire le premier pas vers la tyrannie,
- Le troisième, celui qui nous est donné à entendre dès le début de la pièce, à savoir les relations entre Agripine et Néron.
Britannicus est une tragédie en cinq actes et en vers (1 768 alexandrins) de Jean Racine, représentée pour la première fois le 13 décembre 1669 à l’Hôtel de Bourgogne. L’épître dédicatoire est adressée au duc de Chevreuse.
Britannicus est la deuxième grande tragédie de Racine. Pour la première fois, l’auteur prend son sujet dans l’histoire romaine. L’empereur Claude a eu un fils, Britannicus, avant d’épouser Agrippine et d’adopter Néron, fils qu’Agrippine a eu d’un précédent mariage. Néron a succédé à Claude. Il gouverne l’Empire avec sagesse au moment où débute la tragédie. Racine raconte l’instant précis où la vraie nature de Néron se révèle : sa passion subite pour Junie, fiancée de Britannicus, le pousse à se libérer de la domination d’Agrippine et à assassiner son frère adoptif.
Agrippine est une mère possessive qui ne supporte pas de perdre le contrôle de son fils et de l’Empire. Quant à Britannicus, il donne son nom à la pièce mais son personnage paraît un peu en retrait par rapport à ces deux figures.
Le genre/ Le courant/Mouvement :
– Théâtre classique: règle de la bienséance (interdiction de représenter une mort violente sur la scène) ; règle de simplicité: théâtre édifiant, dont on doit tirer un enseignement moral clair et consensuel (cf. ducere et placere = plaire et instruire). Théâtre qui se penche volontiers sur la question du pouvoir.
Racine, Britannicus, 1669 (Acte IV sc.3 Vers 1313-1336)
Néron est l’homme de l’alternative ; deux voies s’ouvrent devant lui : se faire aimer ou se faire craindre , le Bien ou le Mal. On voit que la journée tragique est ici véritablement active : elle va séparer le Bien du Mal, l’ombre va se distinguer de la lumière ; comme un colorant tout d’un coup empourpre ou assombrit la substance-témoin qu’il touche, dans Néron, le Mal va se fixer. Et plus encore que sa direction, c’est ce virement même qui est ici important : Néron se fait, Britannicus est une naissance. Sans doute c’est la naissance d’un monstre; mais ce monstre va vivre et c’est peut-être pour vivre qu’il se fait monstre. […]
Roland Barthes, extrait de : Sur Racine aux éditions du Seuil, 1963.
Extrait de la Préface de Racine :
. » Pour commencer par Néron, il faut se souvenir qu’il est ici dans les premières années de son règne, qui ont été heureuses, comme l’on sait. Ainsi il ne m’a pas été permis de le représenter aussi méchant qu’il a été depuis. Je ne le représente pas non plus comme un homme vertueux ; car il ne l’a jamais été. Il n’a pas encore tué sa mère, sa femme, ses gouverneurs ; mais il a en lui les semences de tous ces crimes. Il commence à vouloir secouer le joug. Il les hait les uns et les autres, et il leur cache sa haine sous de fausses caresses : factus natura velare odium fallacibus blanditiis. En un mot, c’est ici un monstre naissant, mais qui n’ose encore se déclarer, et qui cherche des couleurs à ses méchantes actions : hactenus Nero flagitiis et ceteribus velamenta quaesivit ».
(…). J’ai choisi Burrhus pour opposer un honnête homme à cette peste de cour (Narcisse) ; et je l’ai choisi plutôt que Sénèque. En voici la raison. Ils étaient tous deux gouverneurs de la jeunesse de Néron, l’un pour les armes, l’autre pour les lettres ; et ils étaient fameux, Burrhus pour son expérience dans les armes et pour la sévérité de ses moeurs, militaribus curis et severitate morum ; Sénèque pour son éloquence et le tour agréable de son esprit, Seneca praeceptis eloquentiae et comitate honesta. Burrhus, après sa mort, fut extrêmement regretté à cause de sa vertu
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Situation : Dans l’acte IV, Néron avait confié à Burrhus que sa modération n’était qu’une ruse…
Son but réel, jusqu’alors caché est, afin qu’Agrippine ne puisse plus jamais menacer de rétablir Britannicus dans ses droits, d’éliminer ce dernier. Et il ne recherche plus la faveur du peuple. Son conseiller tente de le raisonner, de le rappeler à la vertu ; le conjure de revenir sur cette décision néfaste, car, s’il s’engage sur cette voie, il devra aller de crime en crime, soulevant tout le monde contre lui.
Mise en bouche…
[La scène se passe à Rome au Ier siècle ; Néron est empereur car il a été porté au pouvoir par sa mère Agrippine. Cette dernière s’est pourtant rapprochée de Britannicus, demi-frère de Néron et héritier légitime du trône, pour empêcher son fils de prendre trop d’indépendance. Il s’adresse ici à son confident Burrhus.]
NÉRON
Elle1 se hâte trop, Burrhus, de triompher : (1313)
J’embrasse mon rival2, mais c’est pour l’étouffer.
BURRHUS
Quoi, Seigneur !
NÉRON
C’en est trop : il faut que sa ruine
Me délivre à jamais des fureurs d’ Agrippine.
Tant qu’il respirera je ne vis qu’à demi.
Elle m’a fatigué de ce nom ennemi ;
Et je ne prétends pas que sa coupable audace
Une seconde fois lui promette ma place.
BURRHUS
Elle va donc bientôt pleurer Britannicus ?
NÉRON
Avant la fin du jour je ne le craindrai plus.
BURRHUS
Et qui de ce dessein vous inspire l’envie3 ?
NÉRON
Ma gloire, mon amour, ma sûreté, ma vie.
BURRHUS
Non, quoi que vous disiez, cet horrible dessein
Ne fut jamais, Seigneur, conçu dans votre sein.
NÉRON
Burrhus !
BURRHUS
De votre bouche, ô ciel ! puis-je l’apprendre ?
Vous-même sans frémir, avez-vous pu l’entendre ?
Songez-vous dans quel sang vous allez vous baigner ?
Néron dans tous les coeurs est-il las de régner !
Que dira-t-on de vous ? Quelle est votre pensée ?
NÉRON
Quoi ! toujours enchaîné de ma gloire passée,
J’aurai devant les yeux je ne sais quel amour
Que le hasard nous donne et nous ôte en un jour ?
Soumis à tous leurs voeux, à mes désirs contraires,
Suis-je leur empereur seulement pour leur plaire ?
BURRHUS
Et ne suffit-il pas, Seigneur à vos souhaits
Que le bonheur public soit un de vos bienfaits ?
C’est à vous à choisir, vous êtes encore maître.
Vertueux jusqu’ici, vous pouvez toujours l’être :
Le chemin est tracé, rien ne vous retient plus ;
Vous n’avez qu’à marcher de vertus en vertus.
Mais, si de vos flatteurs, vous suivez la maxime,
Il vous faudra, Seigneur, courir de crime en crime,
Soutenir vos rigueurs par d’autres cruautés,
Et laver dans le sang vos bras ensanglantés.
Britannicus mourant excitera le zèle
De ses amis, tout prêts à prendre sa querelle.
Ces vengeurs trouveront de nouveaux défenseurs,
Qui, même après leur mort, auront des successeurs :
Vous allumez un feu qui ne pourra s’éteindre.
Craint de tout l’univers, il vous faudra tout craindre,
Toujours punir, toujours trembler dans vos projets,
Et pour vos ennemis compter tous vos sujets.
Mais Néron est engagé sur le chemin du crime… Burrhus vient annoncer à Agrippine la mort de son fils.
le texte de la lecture analytique
LECTURE DU TEXTE par Théâtre Off Marseille
Acte V, scène 5
Agrippine, Burrhus
Agrippine
Quel attentat, Burrhus !
Burrhus
Je n’y pourrai survivre, Madame : il faut quitter la cour et l’empereur.
Agrippine
Quoi ? du sang de son frère il n’a point eu d’horreur ?
Burrhus
Ce dessein s’est conduit avec plus de mystère.
A peine l’empereur a vu venir son frère,
Il se lève, il l’embrasse, on se tait, et soudain
César1 prend le premier une coupe à la main :
« Pour achever ce jour sous de meilleurs auspices,
« Ma main de cette coupe épanche les prémices2,
Dit-il ; « dieux, que j’appelle à cette effusion3,
« Venez favoriser notre réunion. »
Par les mêmes serments Britannicus se lie.
La coupe dans ses mains par Narcisse est remplie,
Mais ses lèvres à peine en ont touché les bords…
Le fer ne produit point de si puissants efforts4,
Madame : la lumière à ses yeux est ravie,
Il tombe sur son lit sans chaleur et sans vie.
Jugez combien ce coup frappe tous les esprits :
La moitié s’épouvante et sort avec des cris,
Mais ceux qui de la cour ont un plus long usage
Sur les yeux de César composent leur visage.
Cependant sur son lit il demeure penché ;
D’aucun étonnement il ne paraît touché :
« Ce mal5, dont vous craignez, dit-il, la violence
« A souvent, sans péril, attaqué son enfance. »
Narcisse veut en vain affecter6 quelque ennui7,
Et sa perfide joie éclate malgré lui.
Pour moi, dût l’empereur punir ma hardiesse,
D’une odieuse cour j’ai traversé la presse8,
Et j’allais, accablé de cet assassinat,
Pleurer Britannicus, César et tout l’Etat.
Agrippine
Le voici. Vous verrez si c’est moi qui l’inspire9.
(Racine, Théâtre Complet, Édition de Jacques Morel et Alain Viala, Paris, 2010)
HYPOTYPOSE
Figure de style consistant à décrire une scène de manière si frappante, qu’on croit la vivre.
Théâtre et représentation: mise en scène Martinelli
Comment l’acteur rencontre-t-il son personage et se l’approprie-t-il ?
- Agrippine https://www.youtube.com/watch?v=U2_lP4Vll0w
- Burrhus et Narcisse ; https://www.youtube.com/watch?v=cr775gOfW0c
- Britannicus (Personnage) https://www.youtube.com/watch?v=ia5UcPIR4vM
- Néron https://www.youtube.com/watch?v=tC5JNklk4mE Pour voir la pièce en entier
Britannicus pièce 1969 http://www.inamediapro.com/notice/notice/key/3246079234/id/n:CPF86617789