GRANDS MYTHES

Dom Juan

Il est à la fois :

Le séducteur : celui qui, pour une raison particulière ou par un charme spécial, sait plaire … 

Le profanateur : celui qui défie Dieu/les dieux pour assumer sa liberté et son humanité.  

 Don Juan est un mythe parce que  son histoire ne peut prétendre être morale (même si elle fut écrite pour cela au départ), mais elle résume une tendance de l’esprit humain, la révolte contre l’ordre du monde et la volonté de lui lancer un défi. Elle se rapproche en cela du mythe de Prométhée, qui vola le feu aux dieux et en fit cadeau à l’humanité. On peut dire que ces deux mythes symbolisent la civilisation européenne, qui cherche à s’affranchir de l’ordre naturel/divin.

Origine :

 En Espagne quelques pièces annoncent Dom Juan. Mais c’est avec  Le Trompeur de Séville de Tirso de Molina, vers 1630, que  nait le D.J moderne : Don Juan,   séducteur libertin, tue un Commandeur, père d’une fille qu’il a séduite; il est ensuite entraîné en Enfer par la statue de ce Commandeur.

Tirso invente également le couple maître-serviteur (Don Juan et Catalinón, qui deviendra Sganarelle chez Molière).  

 Les  2 pièces les plus célèbres qui suivront  sont :

 – Molière (1622-1673), dont la pièce, Dom Juan ou le festin de Pierre,  date de 1665.

W. A. Mozart (1756-1791), qui écrit, avec le librettiste italien Lorenzo da Ponte l’opéra Il dissoluto punito ossia il Don Giovanni(1786). Cette œuvre présente Don Juan comme un homme assoiffé de plaisir, que son énergie vitale débridée entraînera à sa perte.

 Suivront Alexandre Dumas père, Prosper Mérimée, Baudelaire, Edmond Rostand …Lord Byron, E. T. A. Hoffmann,  Pouchkine, etc.

Joseph Losey a porté à l’écran l’opéra de Mozart (1979), Martin Veyron a écrit une bande dessinée (Donc Jean) dont l’action se déroule dans les milieux de l’art.

Les invariants :

Comme tous les mythes, celui de Don Juan repose sur un certain nombre d’invariants.

• Un homme nommé Don Juan (ou différentes variantes du prénom “Jean” dans des versions plus récentes) membre de la classe dominante de la société.   

Il est doté d’une grande vitalité, d’un certain narcissisme et assez sadique et séduit une multitude de femmes de toutes les classes sociales : des femmes du peuple sont toujours concernées (Charlotte et Mathurine chez Molière, Zerlina chez Mozart).

Il les séduit par son charme et la fascination qu’il exerce, par le mariage (il est polygame) ou la promesse, par le viol, par exemple en se faisant passer, dans l’obscurité, pour un fiancé (Dona Anna chez Mozart, Isabelle chez Tirso  ).

Il voyage beaucoup (il est en Sicile chez Molière, revient d’exil chez Pouchkine…) .

Il est accompagné d’un personnage au nom presque toujours différent, au rôle flou, qui est plus son double que son serviteur et qui tient un catalogue des conquêtes de son maître (pas chez Tirso, mais dès les années 1650 ; cette liste est évoquée chez Molière ).

• La séduction est pour Don Juan moins un plaisir qu’une forme de révolte contre l’ordre socialet/ou divin :

« Je ne veux plus souffrir de père ni de maître

Et si les dieux voulaient m’imposer une loi

Je ne voudrais ni Dieu, père, maître, ni roi » (Villiers, 1659).

Il  a tué un Commandeur, père d’une de ses conquêtes  et défie une statue placée sur la tombe de ce dernier, l’invite à dîner, elle accepte d’un signe de tête ;  elle se rend au dîner et invite à son tour Don Juan ; puis vient le chercher pour l’entraîner en enfer.

Don Juan fait face à la damnation et meurt sans se repentir.

 Don Juan est un mythe parce que son histoire ne peut prétendre être morale (même si elle fut écrite pour cela au départ), mais elle résume une tendance de l’esprit humain, la révolte contre l’ordre du monde et la volonté de lui lancer un défi.

Elle se rapproche en cela du mythe de Prométhée, qui vola le feu aux dieux et en fit cadeau à l’humanité.

On peut dire que ces deux mythes symbolisent la civilisation européenne, qui cherche à s’affranchir de l’ordre naturel et / ou divin.

Casanova , la figure réelle de Don Juan

Sisyphe

Coupable d’avoir osé défier les dieux, Sisyphe est condamné à faire rouler un rocher jusqu’au sommet d’une montagne. La tâche étant impossible à accomplir (le rocher finit toujours, tôt ou tard, par rouler au bas de la montagne), Sisyphe effectue un travail éternel et sans espoir.

G.Garcin, Sisyphe,photographie

Chez Camus, au XX° siècle,  Sisyphe, condamné par les dieux à rouler éternellement aux enfers un énorme rocher au sommet d’une montagne et à le voir redescendre la pente à l’instant même où il parvient au sommet, est le symbole de la condition humaine, enfermée dans une éternelle répétition des cycles de transports, travail, repas, sommeil.

Oedipe

Oedipe est le fils de Laïos et de Jocaste, roi  et reine de Thèbes. Quelques temps avant la naissance d’Œdipe, l’oracle annonce à Laïos  qu’Oedipe tuera  son père et épousera sa mère. Laios décide alors d’abandonner son fils dans la montagne. Il  lui attache les pieds et les perce. Mais le serviteur chargé de la besogne est ému par les cris du nouveau-né. Il prend l’enfant et le confie à des bergers du roi de Corinthe. Celui-ci l’adopte et lui donne comme nom  Oedipe : «  celui qui a les pieds enflés » . Il l’élève comme son propre fils. 

Œdipe apprenant un jour la malédiction dont il est l’objet, quitte Corinthe pour ne pas que la prédiction se réalise. En chemin,  comme l’oracle l’avait prédit, il croise un vieillard sur un char, se querelle avec lui et le tue. Il ne le sait pas mais c’est  son père Laïos.

Œdipe arrive à Thèbes, affronte le Sphinx, lion à tête de femme . La créature bloquait les routes menant à la ville, tuant et dévorant les voyageurs qui ne pouvaient résoudre l’énigme fameuse qu’elle leur proposait : ” Quel est l’animal qui le matin marche sur quatre pieds, à midi sur deux et le soir sur trois ?”. Œdipe répond sans hésiter que c’est l’homme, qui au matin de sa vie marche à quatre pattes, va sur ses deux jambes à l’âge adulte et s’aide d’une canne pour soutenir sa vieillesse. Le Sphinx, vexé, se suicide. Œdipe s’attire les faveurs de la ville pour avoir libéré Thèbes du Sphinx. En remerciement, les Thébains le font roi et lui donnent comme épouse la veuve de Laïos, Jocaste. Pendant de nombreuses années, le couple vit heureux, ne sachant pas qu’ils sont en réalité mère et fils. La seconde partie de l’oracle est accomplie.

Les années passent, des enfants naissent du couple incestueux, deux garçons (Etéocle et Polynice) et deux filles, Antigone et Ismène. Les dieux, qui ont longtemps favorisé le règne d’Œdipe, s’aperçoivent soudain, dans un spectaculaire accès de mauvaise foi, que ce roi est un meurtrier.  La peste ravage alors le pays. Œdipe  envoie son oncle Créon à Delphes, et l’oracle de Delphes proclame que le meurtre de Laïos doit être puni et que la maladie ravagera  la cité tant que son meurtre ne sera pas vengé. Œdipe prononce alors contre le meurtrier une malédiction  et consulte le devin Tirésias pour connaître le nom du coupable. Tirésias esquive, feinte, suscite même contre lui des soupçons. Finalement, excédé, il conseille à Œdipe de consulter ses serviteurs. L’un d’eux  est ce même esclave qui autrefois a “perdu” l’enfant sur le Mont Cithéron. La vérité est dévoilée :  Jocaste   se tue et Œdipe se crève les yeux. Il quitte Thèbes, conduit par sa fille, Antigone, et vient chercher refuge dans l’Attique. 
Plus tard, ses deux fils, Etéocle et Polynice, se disputèrent le trône de Thèbes et se tuèrent l’un l’autre. Créon, devenu roi, fit ensevelir Etéocle, mais interdit qu’on rendît les honneurs funèbres à Polynice.
Antigone ne put supporter l’idée que l’un de ses frères restât sans sépulture et elle désobéit à l’ordre de Créon au prix de sa vie.

C’est en  cherchant à se soustraire à son Destin qu’Œdipe accomplit la prédiction de l’oracle de Thèbes.  Qu’aurait-il fallu qu’il fasse, alors ?

Selon le fatalisme, il existerait donc une nécessité qui  s’imposerait à l’homme et qui ne lui laisserait aucune liberté.   

La seule sagesse serait alors de l’accepter et à vouloir que les choses soient comme elles sont.

Prométhée

Prométhée   a volé le feu aux Dieux pour le donner aux hommes. Il sera puni par Zeus, il sera enchaîné à un rocher, un vautour viendra lui dévorer le foie chaque jour.

Mais grâce à son geste, les hommes auront « l’intelligence qui s’applique aux besoins de la vie » : c’est-à-dire la technique. 

Par elle, il s’émancipe , et se pense et se vit comme différent du reste de la nature, seul à être doté d’une puissance créatrice et destructrice.

Prométhée est un personnage ambivalent : habile audacieux, bienfaisant envers les hommes mais en même temps son orgueil et son audace lui valent le châtiment divin. Une figure qui finalement ressemble à l’homme lui-même lorsqu’il veut devenir l’égal du dieu créateur.

Prométhée enchainé

Protée

Proteus, le «Vieux de la mer», est un devin infaillible, mais il ne révèle la destinée qu’à qui sait le surprendre et le capturer. Il possède le pouvoir de se métamorphoser à volonté et peut prendre toutes les formes qui se voient sur la terre : lion, dragon, panthère, sanglier, arbre, eau, feu… Mais, chaque jour, à l’heure de midi, il sort des flots, et va se reposer dans une vaste grotte, entouré de son troupeau de phoques. C’est le moment où on peut le saisir. Telle est la plus ancienne version du mythe.

Pygmalion

Le mythe illustre, de façon radicale, la question du rapport particulier qu’entretient l’artiste avec son œuvre. Il traite également de la question de l’amour dans sa forme absolue et dans sa dimension fondamentalement narcissique.

 

Pygmalion, roi et sculpteur de talent, célibataire détestant les femmes, sculpte dans l’ivoire une femme d’une extraordinaire beauté. Si belle qu’il tombe follement amoureux de cette statue née de ses mains. Alors, il souffre de ce que la statue reste insensible à ses caresses et à ses baisers; et il ne peut se résoudre à ce que son œuvre ne soit pas de chair. Se rendant aux grandes fêtes d’Aphrodite à Chypre, il prie la déesse de l’amour que son épouse ne soit autre que la femme d’ivoire. Aphrodite exauce le vœu de Pygmalion. De retour chez lui, frappé de stupeur, il éprouve une joie mêlée d’appréhension en constatant que la statue est devenue vivante. Il prend alors son amour dans ses bras. La femme est appelée Galatée. Pygmalion l’épouse et de cette union naquit une fille nommée Paphos, du nom du lieu où était célébré le culte d’Aphrodite

Ce mythe a inspiré de très nombreux auteurs et artistes, notamment au XVIIIe siècle.

Rodin réalisa en 1889 une œuvre en marbre intitulée « Pygmalion et Galatée ». Voltaire, Balzac, Cyrano de Bergerac l’ont repris également. Plus proche de nous, l’écrivain et dramaturge irlandais George-Bernard Shaw s’en est inspiré dans une pièce de 1913 dont fut tirée en 1956 la comédie musicale « My fair lady » de Lerner et Loewe.

 

Faust

La légende du docteur Faust apparaît au XVIe siècle en Occident ; elle se fonde sur les événements qui furent plus ou moins ceux qui composèrent la vie de l’authentique « docteur Faust », un astrologue allemand , à l’époque de la Réforme luthérienne . On prétendit que Faust s’adonnait à la magie noire et accomplissait des prodiges, qu’il avait conclu un pacte avec le diable, lui vendant son âme en échange de la connaissance, de la gloire et de la richesse… mais ces événements ne sont qu’un support qui permettra la réactivation d’un mythe essentiel pour l’homme occidental: celui de Prométhée et du surhomme.

Faust, dès lors, apparaît comme le drame de la connaissance.

 

La boite de Pandore

Après que Prométhée est fait l’erreur de donner aux hommes le feu sans l’autorisation de Zeus, celui-ci décide de donner une bonne leçon aux hommes. Ainsi il créa la toute première femme : Pandore. Et tous les Dieux se mirent à la tâche pour créer la créature la plus parfaite et belle qui soit. Héphaïstos la sculpta dans de l’argile, Athéna lui donna la vie et l’habileté, Aphrodite lui légua la beauté, Héra la curiosité et la jalousie, Hermès le mensonge et la persuasion et enfin Apollon le talent musical. Ainsi créée, Zeus donna à Pandore une mystérieuse boîte qu’elle devait protéger mais en aucun cas  ouvrir. Puis il offrit cette merveilleuse jeune femme à Epiméthée qui l’épousa. Quelques temps plus tard, Pandore fut piquée par la curiosité à tel point qu’elle ouvrit la boite interdite. Ce fut le geste fatal   puisque de cette boîte s’échappèrent la maladie, la vieillesse, la guerre, la folie, le vice, la famine, la misère, la tromperie, la passion . Paniquée Pandore tenta de refermer la boîte tant bien que mal mais il était trop tard, tout les maux de l’humanité s’abattirent sur les hommes. Seule l’espérance resta au fond de cette boite.

Orphée

Orphée , fils du roi Œagre et de la muse Calliope.

Ce mythe illustre le pouvoir du chant et de la poésie.

Orphée avait reçu de sa mère le don de la musique et les dieux lui avaient offert une lyre… Il rencontra Eurydice, en tomba éperdument amoureux et l’épousa. Mais celle-ci fut mordue par un serpent et mourut le jour même de ses noces. Orphée inconsolable décida de descendre aux Enfers où Hadès régnait sur le Royaume des morts. Avec sa lyre, Orphée charma Cerbère le chien à trois têtes qui gardait la porte des Enfers.

Charmés à leur tour par la lyre d’Orphée, Hadès et son épouse Perséphone consentirent à laisser partir Eurydice. Mais ils y mirent une condition : tant qu’il serait dans le Royaume des morts, Orphée ne chercherait pas à voir celle qu’il était venu chercher. Orphée accepta et se mit en marche, suivi de sa jeune épouse.

Tandis qu’il songeait au bonheur qui les attendait, le jeune homme oublia sa promesse et se retourna pour contempler sa bien-aimée… La jeune fille retomba aussitôt dans les abîmes. Le poète se retira alors dans un lieu isolé où il chanta sa peine. Et il resta inconsolable…

L’emploi du mot « lyrisme » pour qualifier une poésie dans laquelle s’exprime des sentiments personnelsvient de ce mythe.

Si Orphée symbolise le pouvoir du poète, il incarne aussi ce que doit être la poésie : une exploration du monde au-delà du visible, du connu. Rimbaud, au XIX° ne dira pas autre chose en s’exclamant que le « poète doit se faire voyant ».