Texte officiel
L’écriture d’invention prend appui sur un ou des textes du corpus : l’exercice impose donc une lecture approfondie de ces textes.
Les sujets d’invention proposent en effet un certain nombre de contraintes.
Le candidat doit rédiger un texte qui obéisse à une situation de communication où il se voit imposer :
– un énonciateur (scripteur) dont on précise le plus souvent quelques caractéristiques (il aime
ou il n’aime pas la poésie ; il partage tel point de vue ; il est enthousiaste ou indigné) ;
– un destinataire souvent identifié ;
– un support et/ou une forme liée à un genre : article de journal, journal intime, lettre de
lecteur, lettre intime, scène d’exposition, dialogue…;
– un objet ou thème de réflexion, lié à l’objet d’étude ;
Types de sujet du travail d’écriture d’invention :
Le sujet
Le sujet a un rapport avec l’objet d’étude sur lequel porte le corpus de textes.
Bien identifier les consignes implicites et explicites du sujet.
Se demander quel est le lien entre le sujet et les textes du corpus.`
Types de sujet du travail d’écriture d’invention :
Exemples de sujets :
O.E Théâtre
Un metteur en scène doit choisir dans le texte A ou le texte B un passage pour faire jouer à ses comédiens une scène de conflit. Il leur explique son choix et les idées de mise en scène que ce passage lui inspire. L’un des comédiens propose le choix d’un autre passage du texte A ou du texte B et le justifie par les possibilités de mise en scène qu’il offre. Vous rédigerez leur discussion en quelques répliques de dialogue. Vous veillerez à ce que ces répliques soient suffisamment développées (de trois à six environ) pour la totalité du dialogue.
O.E Roman
Dans le texte de Marc Dugain (texte D), le héros ne s’est pas encore vu car les miroirs ont été retirés de la salle où il est soigné. Un matin, il se voit dans le reflet d’une fenêtre.
Imaginez la scène, ce qu’il découvre, les émotions qu’il ressent et les pensées qui l’assaillent au fur et à mesure d’une telle révélation. Votre texte, rédigé à la première personne, comportera au moins une quarantaine de lignes.
O.E Poésie
À la manière des auteurs du corpus mais sans pour autant faire des vers, vous choisirez de décrire un objet du quotidien ou une chose habituellement considérée comme banale. Votre description aura pour but de lui donner une dimension poétique. Vous insisterez sur ses caractéristiques capables de susciter la rêverie.
Vous veillerez, si vous choisissez un lieu, à ne pas en permettre l’identification précise.
Vous veillerez également à ce que votre texte ait une longueur suffisante.
O.E Argumentation
Vous êtes un objet cher à votre propriétaire. Après vous être présenté, vous dénoncez la manière dont il vous traite et vous utilise.
Votre texte sera structuré autour d’arguments précis et illustrés qui ouvriront sur une réflexion de portée générale (maxime, sentence, morale…).
Tous les mots du sujet sont importants. Lisez-le plusieurs fois et soulignez les mots-clés.
Vous devez pouvoir répondre clairement aux questions ci-dessous :
- Que me demande-t-on de faire ?
- Quel type de texte faut-il produire ?
- Qui est l’émetteur et qui est le destinataire ?
- Quel est le thème ?
- Quel est le problème qui se pose par rapport à ce thème ?
- Quel registre doit apparaître ?
- Quel est l’effet à produire ?
Si vous choisissez le sujet d’invention, vous devez :
- Connaître les codes du texte qu’on vous demande de produire. (Monologue, article, journal…)
Identifier la situation d’énonciation (Qui parle à qui ?) - Identifier et utiliser le registre demandé (Tragique, satirique, comique…)
- Etre capable de rédiger dans une langue soignée tant sur le plan de la syntaxe que de l’orthographe
- Adapter votre vocabulaire et le niveau de langue (langue soutenue, courante ou familière) au sujet.
Soigner votre mise en page
- Le travail d’écriture proprement dit
- Élaborez un plan détaillé
- Ne rédigez la totalité de votre devoir au brouillon, vous perdriez trop de temps.
- Elaborez un schéma détaillé au brouillon, en indiquant ce que chaque partie devra contenir.
Sujet d’entrainement :
Objet d’étude : Le théâtre : texte et représentation.
Corpus :
Texte 1 : Molière, Dom Juan, acte V, scènes 5 et 6 (1665).
Texte 2 : Victor Hugo, Hernani, acte V, scène 6 (1830).
Texte 3 : Jean Anouilh, Antigone, 1946.
- Invention :
Dans le texte C, la confrontation entre Hémon et Créon au pied du cadavre d’Antigone est l’objet d’un récit.
Ecrivez la scène qui correspond à ce récit.
Vous composerez un texte théâtral incluant des didascalies susceptibles d’éclairer sa mise en scène avec précision. Vous soulignerez vos didascalies pour les différencier du reste du texte.
Vous ne signerez pas votre texte.
Texte 1 : Molière, Dom Juan, acte V, scènes 5 et 6 (1665).
[ Don Juan, séducteur sans scrupules, accompagné de son va/et Sganarelle, n’a tenu aucun compte des avertissements répétés le mettant en garde contre un châtiment du Ciel visant à le punir de sa conduite scandaleuse. A la fin de la pièce, un spectre lui apparaît ainsi que la statue du Commandeur, homme respectable que Don Juan a tué.]
SCENE V
DOM JUAN, UN SPECTRE en femme voilée, SGANARELLE
LE SPECTRE, en femme voilée: Dom Juan n’a plus qu’un moment à pouvoir profiter de la miséricorde du Ciel; et s’il ne se repent ici, sa perte est résolue.
SGANARELLE : Entendez-vous, Monsieur ?
DOM JUAN : Qui ose tenir ces paroles? Je crois connaître cette voix.
SGANARELLE : Ah ! Monsieur, c’est un spectre: je le reconnais au marcher.
DOM JUAN : Spectre, fantôme, ou diable, je veux voir ce que c’est. Le Spectre change de figure, et représente le temps avec sa faux à la main.
SGANARELLE : O Ciel ! voyez-vous, Monsieur, ce changement de figure ?
DOM JUAN : Non, non, rien n’est capable de m’imprimer de la terreur, et je veux éprouver avec mon épée si c’est un corps ou un esprit.
Le Spectre s’envole dans le temps que Dom Juan le veut frapper.
SGANARELLE : Ah ! Monsieur, rendez-vous à tant de preuves, et jetez-vous vite dans le repentir.
DOM JUAN : Non, non, il ne sera pas dit, quoi qu’il arrive, que je sois capable de me repentir. Allons, suis-moi.
SCENE VI
LA STATUE, DOM JUAN, SGANARELLE.
LA STATUE : Arrêtez, Dom Juan: vous m’avez hier donné parole de venir manger avec moi.
DOM JUAN : Oui. Où faut-il aller ?
LA STATUE : Donnez-moi la main.
DOM JUAN : La voilà.
LA STATUE : Dom Juan, l’endurcissement au péché traîne1une mort funeste, et les grâces du Ciel que l’on renvoie ouvrent un chemin à sa foudre.
DOM JUAN : O Ciel! que sens-je ? Un feu invisible me brûle, je n’en puis plus, et tout mon corps devient un brasier ardent. Ah !
Le tonnerre tombe avec un grand bruit et de grands éclairs sur Dom Juan; la terre s’ouvre et l’abîme; et il sort de grands feux de l’endroit où il est tombé.
SGANARELLE : Voilà par sa mort un chacun satisfait: Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est content. Il n’y a que moi seul de malheureux, qui, après tant d’années de service, n’ai point d’autre récompense que de voir à mes yeux l’impiété de mon maître punie par le plus épouvantable châtiment du monde.
- entraîne.
Texte 2 : Victor Hugo, Hernani, acte V, scène 6 (1830).
[Le héros de ce drame romantique, Hernani, est amoureux de la noble Dona Sol, convoitée également par un riche vieillard, Don Ruy Gomez. Mais les deux rivaux concluent un pacte dans le but de soustraire la jeune femme à l’emprise du roi Don Carlos qui a enlevé Dona Sol. A l’acte IV, Hernani a découvert qu’il était d’ascendance noble et que son véritable nom était Jean d’Aragon, mais le terrible pacte le lie toujours à Don Ruy Gomez, agent de son destin. A la fin de la pièce, le vieillard ordonne à Hernani de se donner la mort, mais Dona Sol, ayant deviné ce que son amant s’apprêtait à faire, boit avant lui la fiole de poison.]
HERNANI Hélas ! qu’as-tu fait, malheureuse ?
DOÑA SOL C’est toi qui l’as voulu.
HERNANI C’est une mort affreuse !
DOÑA SOL Non. Pourquoi donc ?
HERNANI Ce philtre au sépulcre conduit.
DOÑA SOL Devions-nous pas dormir ensemble cette nuit ? Qu’importe dans quel lit ?
HERNANI Mon père, tu te venges
Sur moi qui l’oubliais ! [Il porte la fiole à sa bouche.]
DOÑA SOL, se jetant sur lui. Ciel ! des douleurs étranges !…
Ah ! jette loin de toi ce philtre ! – Ma raison
S’égare. Arrête ! Hélas ! mon don Juan1, ce poison
Est vivant ! ce poison dans le cœur fait éclore
Une hydre2à mille dents qui ronge et qui dévore !
Oh ! je ne savais pas qu’on souffrît à ce point !
Qu’est-ce donc que cela ? c’est du feu ! Ne bois point !
Oh ! tu souffrirais trop !
HERNANI, à don Ruy. Oh ! ton âme est cruelle !
Pouvais-tu pas choisir d’autre poison pour elle ?[Il boit et jette la fiole].
DOÑA SOL Que fais-tu ?
HERNANI Qu’as-tu fait ?
DOÑA SOL Viens, ô mon jeune amant,
Dans mes bras. [Ils s’asseyent l’un près de l’autre.]Est-ce pas qu’on souffre horriblement ?
HERNANI Non.
DOÑA SOL Voilà notre nuit de noces commencée !
Je suis bien pâle, dis, pour une fiancée ?
HERNANI Ah !
DON RUY GOMEZ La fatalité s’accomplit.
HERNANI Désespoir !
O tourment ! doña Sol souffrir, et moi le voir !
DOÑA SOL Calme-toi. Je suis mieux. – Vers des clartés nouvelles
Nous allons tout à l’heure ensemble ouvrir nos ailes.
Partons d’un vol égal vers un monde meilleur.
Un baiser seulement, un baiser ! [Ils s’embrassent.]
DON RUY GOMEZ O douleur !
HERNANI, d’une voix affaiblie. Oh ! béni soit le ciel qui m’a fait une vie
D’abîmes entourée et de spectres suivie,
Mais qui permet que, las d’un si rude chemin,
Je puisse m’endormir ma bouche sur ta main !
DON RUY GOMEZ Qu’ils sont heureux !
HERNANI, d’une voix de plus en plus faible. Viens, viens… doña Sol… tout est sombre…
Souffres-tu ?
DOÑA SOL,d’une voix également éteinte.Rien, plus rien.
HERNANI Vois-tu des feux dans l’ombre ?
DOÑA SOL Pas encor.
HERNANI, avec un soupir.Voici…[Il tombe.]
DON RUY GOMEZ,soulevant sa tête qui retombe. Mort !
DOÑA SOL,échevelée, et se dressant à demi sur son séant. Mort ! non pas ! nous dormons.
Il dort. C’est mon époux, vois-tu. Nous nous aimons.
Nous sommes couchés là. C’est notre nuit de noce. [D’une voix qui s’éteint.]
Ne le réveillez pas, seigneur duc de Mendoce.
Il est las. [Elle retourne la figure d’Hernani.]Mon amour, tiens-toi vers moi tourné…
Plus près… plus près encor… [Elle retombe.]
DON RUY GOMEZ Morte ! – Oh ! je suis damné.[Il se tue.]
1.Don Juan est Jean d’Aragon, titre de noblesse d’Hernani.
2. Animal fabuleux aux multiples têtes, monstre tué par Hercule dans la mythologie.
Texte 3 : Jean Anouilh,Antigone, 1946.
[Antigone est une jeune fille qui osa braver l’interdit de la cité de Thèbes pour donner les honneurs funèbres à son frère Polynice. En effet, ce dernier, considéré comme un renégat, puisqu’il s’était dressé contre sa propre cité avec des alliés armés, devait, une fois mort, voir son cadavre pourrir au soleil, selon l’ordre du roi Créon. Le geste courageux d’Antigone sera suivi d’un châtiment exemplaire : Créon ordonne que la jeune fille soit emmurée vivante. A la fin de la pièce, le Messager annonce la mort d’Antigone.]
LE MESSAGER – Une terrible nouvelle. On venait de jeter Antigone dans son trou. On n’avait pas encore fini de rouler les derniers blocs de pierre lorsque Créon et tous ceux qui l’entourent entendent des plaintes qui sortent soudain du tombeau. Chacun se tait et écoute, car ce n’est pas la voix d’Antigone. C’est une plainte nouvelle qui sort des profondeurs du trou… Tous regardent Créon, et lui qui a deviné le premier, lui qui sait déjà avant tous les autres, hurle soudain comme un fou : « Enlevez les pierres ! Enlevez les pierres ! » Les esclaves se jettent sur les blocs entassés et, parmi eux, le roi suant, dont les mains saignent. Les pierres bougent enfin et le plus mince se glisse dans l’ouverture. Antigone est au fond de la tombe pendue aux fils de sa ceinture, des fils bleus, des fils verts, des fils rouges qui lui font comme un collier d’enfant, et Hémon1à genoux qui la tient dans ses bras et gémit, le visage enfoui dans sa robe. On bouge un bloc encore et Créon peut enfin descendre. On voit ses cheveux blancs dans l’ombre, au fond du trou. Il essaie de relever Hémon, il le supplie. Hémon ne l’entend pas. Puis soudain il se dresse, les yeux noirs, et il n’a jamais tant ressemblé au petit garçon d’autrefois, il regarde son père sans rien dire, une minute, et, tout à coup, il lui crache au visage, et tire son épée. Créon a bondi hors de portée. Alors Hémon le regarde avec ses yeux d’enfant, lourds de mépris, et Créon ne peut pas éviter ce regard comme la lame. Hémon regarde ce vieil homme tremblant à l’autre bout de la caverne et, sans rien dire, il se plonge l’épée dans le ventre et il s’étend contre Antigone, l’embrassant dans une immense flaque rouge.
- Hémon est le fils de Créon et le fiancé d’Antigone.
I- Vous répondrez aux deux questions suivantes (6 points) :
- Par quels procédés théâtraux la mort du héros est-elle présentée dans chacune de ces trois pièces ? (3 points).
Dans ces extraits, Don Juan, le couple Hernani/Dona Sol et Hémon sont confrontés à la mort. Ce face-à-face révèle certaines caractéristiques de ces personnages. Lesquelles? (3 points).
II- Vous traiterez ensuite, au choix, l’un des sujets suivants (14 points) :
- Commentaire :
Vous commenterez le texte de Victor Hugo (texte B) extrait de la pièce Hernani. Vous montrerez :
– comment l’auteur parvient, à travers ce dialogue, à émouvoir le spectateur ;
– comment la mort d’Hernani et de Dona Sol est présentée davantage comme une victoire que comme un échec.
- Dissertation :
La représentation de la mort au théâtre a longtemps été interdite et continue de faire débat. Qu’en pensez-vous ?
- Invention :
Dans le texte C, la confrontation entre Hémon et Créon au pied du cadavre d’Antigone est l’objet d’un récit.
Ecrivez la scène qui correspond à ce récit.
Vous composerez un texte théâtral incluant des didascalies susceptibles d’éclairer sa mise en scène avec précision. Vous soulignerez vos didascalies pour les différencier du reste du texte.
Vous ne signerez pas votre texte.