Voltaire, “Femmes soyez soumises à vos maris” (corrigé rédigé)
INTRODUCTION (proposition)
Le XVIII° remet en question la monarchie absolue, lutte contre l’obscurantisme, l’injustice. Ce siècle qui a confiance dans la raison et le progrès et cherche à donner accès à la connaissance (L’Encyclopédie de Diderot) se pose aussi la question de la condition des femmes.Voltaire (1694-1778) est une figure majeure des Lumières. Cet écrivain-philosophe, auteur notamment de contes philosophiques comme Candide ou Zadig, a combattu toute sa vie contre l’obscurantisme et les injustices … (Affaire Calas). Dans ce texte extrait de Mélanges, il dénonce de façon originale la situation des femmes dans la société, et l’inégalité dont elles sont victimes. Le récit est rendu vivant par un dialogue très polémique qui laisse la parole aux idées de La Maréchale de Grancey. Une fois encore, par l ’argumentation indirecte, Voltaire parvient à faire passer ses idées de façon légère et efficace.
La maréchale a lu dans les Épîtres de saint Paul : « Femmes, soyez soumises à vos maris. » Elle rencontre alors un abbé et lui fait part de sa désapprobation.
Nous analyserons comment Voltaire parvient, à travers les propos de son personnage, à défendre la condition des femmes. Tout d’abord nous nous intéresserons au réquisitoire que celle-ci dresse contre les hommes puis nous verrons qu’il s’agit aussi et surtout d’un plaidoyer en faveur de l’égalité homme-femme.
- Portrait d’une révoltée
Une volonté d’accéder au savoir (comme mme de Merteuil) : « J’ai ouvert…un livre qui traînait dans mon cabinet »
Un caractère “bien trempé” : emploi de mots forts , qui marquent nettement sa désapprobation : “rouge de colère”; “j’ai jeté le livre”;”il ne m’importe de qui”;”l’auteur est trés impoli”; je lui aurait fait voir du pays”;
Le tempérament de la maréchale apparait également à travers la forme et la structure des phrases, anaphores, parallélisme de construction, interrogatives, exclamatives… “N’est-ce pas assez …? x2/ “Ne suffit-il pas.. ?”Mais voilà une plaisante raison pour que j’aie un maître ! Quoi !
Un langage cru pour parler de sa vie de femme : la grossesse = « une maladie de neuf mois », l’accouchement et ses « grandes douleurs », les règles =« des incommodités très désagréables », « ces douze maladies par an ».
Une femme libre : (Libertinage)
Elle a des amants, et accepte aussi les infidélités de son mari : « je n’ai pas trop gardé ma parole ni lui la sienne”;(euphémisme)
Elle parle avec irrespect de la religion : “la femme d’un pareil homme”; ,”je suis persuadée que votre saint Paul était un homme très difficile à vivre”
Elle utilise l’ironie et un langage imagé et satirique pour défendre ses points de vue : hommes au « menton couvert d’un vilain poil rude », « les muscles plus forts » et qui « peuvent donner un coup de poing mieux appliqué »
- UN REQUISITOIRE BIEN MENÉ (Une femme des LUMIÈRES)
Elle attaque avec véhémence la thèse adversaire (celle de St Paul) et dénonce la tradition religieuse qu’il incarne. Elle le fait avec irrespect puisque les Epitres, textes sacrés pour l’Eglise catholique sont rabaissées au rang de : “livre qui trainait”et de « quelque recueil de lettres »
D’ailleurs la réaction de l’abbé montre à quel point ces propos le choque : « Comment, Madame, savez-vous bien que ce sont les Epîtres de saint Paul ? »
Cela ne l’arrête pas. Elle qualifie l’âpotre « d’homme trés difficile à vivre”. Par ailleurs le “votre St Paul” est plein de mépris et d’ajouter : »l’auteur est très impoli ». “un homme pareil”…”je lui aurais fait voir du pays”
Par cette remarque “je lui aurai fait voir du pays” elle remet le Saint à une place quotidienne et le compare à son mari, qui semble doté de bien meilleures qualité.
A partir de là, son argumentation va toucher à 2 points :
- refuse l’idée d’une infériorité de la femme
Rejette l’éducation donnée aux femmes dans les couvents ou on leur apprend uniquement à obeir. Montre que l’Eglise fait tout pour maintenir la femme dans son état d’infériorité : “élevée dans un couvent par des imbéciles qui nous apprennent ce qu’il faut ignorer, et qui nous laissent ignorer ce qu’il faut apprendre” (CHIASME)
- Refus d’une infériorité physique naturelle de la femme
Rejette l’argument d’une supériorité physique de l’homme en le ridiculisant : elle cite les propos d’Arnolphe dans l’Ecole des femmes : “« Du côté de la barbe est la toute-puissance ». En mettant l’accent sur ce seul détail physique, elle rapproche l’homme de l’animal, ce qui ridiculise sa supériorité : « parce qu’un homme a le menton couvert d’un vilain poil rude, qu’il est obligé de tondre de fort près, et que mon menton est né rasé, il faudra que je lui obéisse ? »
Elle utilise également l’ironie : antiphrase exclamative « Mais voilà une plaisante raison pour que j’aie un maître ! »,
L’interjection « Quoi ! »
L’interrogation oratoire: “Parce qu’un homme a le menton couvert d’un vilain poil rude, … il faudra que je lui obéisse très humblement ?”
Même usage de l’ironie avec la force physique; l’argument se détruit de lui-même… « les les muscles plus forts que les nôtres (…) peuvent donner un coup de poing mieux appliqué : j’ai peur que ce ne soit là l’origine de leur supériorité ».
Fait apparaitre les hommes comme violents et juste bons à utiliser leur supériorité physique pour maintenir de force les femmes dans l’obéissance
- UN PLAIDOYER
A travers ses propos, la maréchale veut défendre les femmes et leurs droits. L’indignation est d’abord personnelle puis s’étend au collectif : passage au pluriel dans les interrogations oratoires, et le choix du pronom « nous » :« et pourquoi soumises, s’il vous plaît ? », « Sommes-nous donc des esclaves ? »
- Les femmes sont des victimes de la nature
Victimes de la maternité, vue comme trés négative, assimilée à une maladie (a l’époque , ce n’est pas faux !) : “ait le droit de me donner une maladie de neuf mois, qui quelquefois est mortelle ? “; “je mette au jour avec de très grandes douleurs un enfant “
Victimes des menstruations : « sujette[s] tous les mois à des incommodités très désagréables »
- Les femmes sont victimes de la société
Sur le plan juridique, la femme n’a pas de droit. Elle ne peut pas gérer ses biens, ou garder un héritage : ses enfants mâles peuvent la dépouiller de tout sans qu’elle puisse se défendre et donc la « plaider quand il sera majeur »
- Plaidoyer pour une égalité
Elle plaide pour une égalité entre homme et femme par une double argumentation :
Idée d’une complémentarité vient remplacer celle d’une différence :”la nature ne l’a pas dit ; elle nous a fait des organes différents de ceux des hommes ; mais en nous rendant nécessaires les uns aux autres, elle n’a pas prétendu que l’union formât un esclavage”
Idée d’une égalité intellectuelle : Les hommes “prétendent” avoir une supériorité intellectuelles sur les femmes qui leur donnent le pouvoir de gouverner : “Ils prétendent avoir aussi la tête mieux organisée, et, en conséquence, ils se vantent d’être plus capables de gouverner”
Elle leur oppose la personnalité d’une souveraine éclairée, crainte et respectée, Catherine II de Russie : “princesse allemande” … “travailler à rendre ses sujets heureux”, qui dirige toutes les affaires, répond à toutes les lettres, encourage tous les arts, et qui répand autant de bienfaits qu’elle a de lumières.”
On notera l’énumération élogieuse, renforcée pr l ’emploi répété de « toutes/tous ». C’est le monarque « éclairé », idéal du siècle des Lumières, incarnée par une femme. Femme qui réussit dans tous les domaines
Cela lui permet d’arriver à sa conclusion :
Si on ne laissait pas volontairement les femmes dans l’ignorance, elle pourrait être l’égal des hommes ! Elles ne le sont pas parce qu’elles sont “élevée dans un couvent par des imbéciles qui nous apprennent ce qu’il faut ignorer, et qui nous laissent ignorer ce qu’il faut apprendre”
Leurs soi-disant insuffisances ne sont pas dues à la nature mais aux lois des hommes ! Toutes les femmes le pourraient : “moi, si j’avais un État à gouverner, je me sens capable d’oser suivre ce modèle”.
CONCLUSION
Ce texte illustre bien l’esprit des Lumières et les questions qui animent l’époque. Voltaire se fait ici le porte parole des revendications des premières féministes, il dénonce les inégalités et les injustices faites aux femmes.
Au XVIII°, beaucoup de penseurs, écrivains… insistent sur la nécessité de donner une éducation aux filles. Mais les mentalités mettront longtemps à changer et aujourd’hui encore, dans le monde, les petites filles n’ont pas toutes accès à l’éducation !
Lien avec le texte des liaisons dangereuses par exemple.