Corrigé L.A 5 Duras L’amant

 L.A 5 L’AMANT, L’excipit

 

Introduction

  De son vrai nom Marguerite Donnadieu, Marguerite Duras (nom de plume) est aujourd’hui reconnue comme un des auteurs majeurs du 20e siècle. Elle est née en 1914 à Saïgon, alors en Indochine française, d’une mère institutrice et d’un père professeur qui meurt en 1921. L’Indochine et la vie difficile qu’elle y connait nourrira plusieurs de ses livres.

 Elle revient en France en 1932 et publie son premier roman, Les Impudents, en 1943, sous le pseudonyme de Marguerite Duras.

Résistante pendant la guerre, communiste jusqu’en 1950, participante active à Mai 68, c’est une femme profondément engagée dans les combats de son temps, passionnée et volontiers provocante. .
Elle est un temps proche du Nouveau Roman, même si son écriture demeure très particulière, inclassable.   Les thèmes récurrents de ses romans se dégagent très tôt : l’attente, l’amour, l’écriture, la folie, la sexualité féminine, l’alcool, notamment dans Moderato cantabile (1958) ou Le Ravissement de Lol V. Stein (1964) … Elle écrit aussi pour le théâtre et pour le cinéma, notamment   «Hiroshima, mon amour», réalisé par Alain Resnais, en 1959. Dans tous ces domaines c’est une  novatrice .

Elle rencontre assez tardivement un immense succès mondial, qui fait d’elle l’un des écrivains vivants les plus lus, avec L’Amant, Prix Goncourt en 1984.

L’Amant est l’histoire  de sa rencontre avec un chinois de 17 ans son ainé. Il est difficile de classer ce roman à teneur autobiographique dans un genre. D’ailleurs elle dira que c’est au lecteur de décider s’il s’agit ou non d’un roman. Pour elle, « Ce qu’il y a dans les livres est plus véritable que ce que l’auteur a vécu». Et cette rencontre avec le Chinois se retrouvera sous des formes différentes dans trois de ces œuvres : Un Barrage contre le Pacifique en 1950, L’Amant en 1984 et L’Amant de la Chine du Nord en 1991.

 L’amant a pour cadre cette Indochine coloniale et pour fil conducteur la relation amoureuse    avec un amant plus âgé ; il est Chinois et riche, alors qu’elle est blanche et pauvre. Mais c’est aussi –et encore- l’histoire de sa famille, d’une mère ambiguë, la violence exercée par le frère aîné, la mort du petit frère, la mort de la mère, la déchéance du grand-frère, collabo pendant la guerre ; son alcoolisme à elle. 

L’extrait que nous devons analyser se situe…(situation du passage)

Nous nous interrogerons …(problématique) en analysant d’abord…(axe 1) puis … (axe 2)

 

Spécificité du texte

Ici excipit après une ellipse de plusieurs dizaines d’années.

Cet excipit rend impossible la fin de l’histoire …

Il donne la mesure de la force de cet amour resté si longtemps silencieux.

Il devient « amour légendaire », amour absolu de par son impossibilité même.

 

  1. Une fin paradoxale

Un excipit a pour fonction de clore le récit. Là, ce n’est pas le cas.

Dans   l’ excipit   de   L’Amant ,   le   Chinois,   des   années   après   avoir   quitté   la   petite   fille   blanche,   alors   qu’il   se   trouve   de   passage   à   Paris,   ne   cherche   pas   à   revoir   la   femme   qu’elle   est   devenue   ;   il   se   contente   de   lui   téléphoner   :   «   Et   puis   il   le   lui   avait   dit.   Il   lui   avait   dit   que   c’était   comme   avant,   qu’il   l’aimait   encore,   qu’il   ne   pourrait   jamais   cesser   de   l’aimer,   qu’il   l’aimerait   jusqu’à   sa   mort   »  .   Cet   amour   est   inaltérable.   Mais   pour   qu’il   en   soit   ainsi,   il   ne   doit   pas   la   revoir.   C’est   à   cette   seule   condition   que   l’image   pourra   demeurer   intacte,   que   l’absolu   sera   préservé.   

 

  1. Les thèmes du récit

On retrouve dans l’excipit les principaux thèmes du récit à travers les propos du Chinois :

  • Les lieux : sa voix évoque l’Indochine : « elle avait retrouvé l’accent de la Chine »
  • La vocation littéraire : « Il savait qu’elle avait commencé à écrire des livres »
  • L’omniprésence de la mère : « il l’avait su par la mère qu’il avait revue à Saigon ». 
  • Le petit frère: « Et aussi pour le petit frère, qu’il avait été triste pour elle ». 

Malgré le passage du temps, quelque chose est resté intact.  

 

La 1° phrase  avec son énumération où sont utilisés des pluriels « les mariages/Les enfants/les divorces/les livres » et l’emploi successifs des deux adverbes  de temps « après » marquent le cheminement, la multitude d’évènements qui se sont passés. Ils donnent l’impression que depuis le départ de Saigon, elle a vécu plusieurs vies. (et pourtant…)

La longue énumération jusqu’à la virgule s’oppose par sa longueur à « il était venu à Paris avec sa femme » : le déséquilibre montre le temps passé et le surgissement d’un évènement qui bouleverse cet écoulement du temps.

 

Par ailleurs, il y a encore transgression puisque le Chinois, alors qu’il est avec sa femme, vient lui avouer son amour « il était venu à Paris avec sa femme. » ; « il le lui avait dit… »

 

  1. C’est donc une fin sans fin

Alors que le chapitre précédent s’était clôt sur le départ définitif, l’excipit ouvre sur une non fin, une absence de fin.

 

Le récit est donc encadré par 2 scènes  ou la narratrice est âgée.

C’est une structure en boucle qui marque l’impossibilité à finir cette histoire. (d’ailleurs Duras le dira elle-même puisqu’elle compte écrire encore sur cette histoire et le fera avec L’Amant de la Chine du nord en 1991.)

 

La scène fait écho à la rencontre :

  • Même intimidation du Chinois mais cette fois c’est la voix qui tremble et non la main : « Il était intimidé » ; « peur comme avant ». Sa voix tremblait » « le tremblement »,
  • Le dialogue (comme dans la rencontre) joue sur différents types de discours et montre la maladresse du chinois :
  • . « Il avait dit: je voulais seulement entendre votre voix ». (direct)
  • « Il savait qu’elle avait commencé à écrire des livres, il l’avait su par la mère qu’il avait revue à Saigon. Et aussi pour le petit frère, qu’il avait été triste pour elle ».  (indirect)
  • Et puis il n’avait plus su quoi lui dire.
  • Tout se passe « comme avant ».

Mais la déclaration ouvre sur l’éternité, la légende. Un amour impossible et donc absolu.

 

 

  1. LES RETROUVAILLES

 

Cette fois donc la rencontre a lieu par la voix et non par le regard. Cette déclaration, jamais dite, scelle à jamais leur histoire.

  1. Le contact/Le dialogue :

C’est lui qui l’induit en appelant mais  on repère l’échange au jeu des pronoms « il »/ »elle ». Par ailleurs on retrouve un jeu sur les types de discours.

La narratrice focalise toute l’attention sur la voix et elle constate que l’état dans lequel il se trouve est « comme avant » : ….

Malgré le temps passé, il est toujours aussi impressionné. C’est par la voix qu’on sent cette gêne : « Il était intimidé, il avait peur comme avant.  Sa voix tremblait tout à coup. »Etat durable (imparfait)

mais comme la première fois, c’est lui qui va vers elle. « Il lui avait téléphoné »

 

 

  1. Eloge de la voix :

La voix, seule lien ici, retient toute l’attention de la narratrice. D’ailleurs le Chinois appelle pour entendre sa voix.

Elle, elle entend « l’accent de la Chine »

La Chine envahit l’appartement parisien.

Source de souvenir involontaire (Proust) renait un monde qu’on croyait perdu.

 

A nouveau un jeu sur les discours :

Direct :  « C’est moi. »/ je voulais seulement entendre votre voix.  Elle avait dit: c’est moi,  bonjour.  

Indirect : « Il savait qu’elle avait commencé à écrire des livres, il l’avait su par la mère qu’il avait revue à Saigon.  Et aussi pour le petit frère, qu’il avait été triste pour elle. / Il lui avait dit que c’était comme avant, qu’il l’aimait encore, qu’il ne pourrait jamais cesser de l’aimer, qu’il l’aimerait jusqu’à sa mort ».

Comme dans l’ensemble du roman, c’est le discours qui domine marquant l’importance de la parole –et  d’autant  plus ici)

 

Répétition de « tout à coup ».

La narratrice reste sans voix : les derniers mots sont ceux du Chinois .

La déclaration est retardée par le dialogue banale quand on retrouve qqn qu’on n’a pas vu depuis très longtemps. Mais  l’instant de cet aveu est encore retardé par l’emploi répété de « et puis » et la répétition du verbe « dire » marque l’attente (de la narratrice et du lecteur) « Et puis il n’avait plus su quoi lui dire.  Et puis il le lui avait dit.  Il lui avait dit »/

Après le silence « il n’avait plus su quoi dire » qui annonce en qqsorte le moment attendu de la révélation, une étrange phrase ou le complément « le » ne renvoie à rien de ce qui a été dit précédemment « il LE lui avait dit ». C’est une façon à la fois d’intensifier l’attente , de montrer l’importance de ce qui va suivre, de solliciter l’attention du lecteur qui est prêt lui aussi à entendre la déclaration.

 

Le dire est une  délivrance du besoin de dire l’amour  pour lui/  …

C’est  la vie entière qui prend sens. Avec une gradation dans la  force du sentiment : « l’aimait encore »/(passé)/ Ne pourrait jamais cesser (l’avenir)/ et jusqu’à la mort (futur)»

 

 

 

  1. Un histoire légendaire/ un amour absolu

Cet amour tient sa force de la transgression initiale et de son impossibilité (les histoires impossibles sont souvent des histoires sans fin !)

La maladresse du Chinois prépare la déclaration(force des émotions)

« Et puis il lui avait dit » : C’est comme si elle l’avait toujours attendu cette phrase.

En même temps c’est une phrase énigmatique. Met le lecteur en attente.

« Et puis » manifeste l’émotion des amants

Dernière phrase au discours indirect avec répétition d’un verbe à des personnes, des temps différents. ((Polyptote)- verbe aimer.

« Il lui avait dit que c’était comme avant, qu’il l’aimait encore, qu’il ne pourrait jamais cesser de l’aimer, qu’il l’aimerait jusqu’à sa mort ».

 

 

Cela inscrit la relation dans  un absolu et signale la passion du Chinois.

Amour à mort, amour jusqu’à la mort.

 

 

Conclusion

Donc derniers lignes = rebondissement qui ouvre l’œuvre sur un avenir légendaire.

L’amour devient objet même de l’écriture.

Recréation de soi et de l’ histoire

Excipit paradoxal qui justifie le titre et le récit.