
Bougainville est à la fois un militaire, un homme de salon, type parfait de l’homme des Lumières. Il connaît les philosophes, a lu les anciens, s’intéresse aux sciences et mène par ailleurs une vie libertine.
Bougainville rêve de fonder de nouvelles colonies .Le secrétaire d’État à la Marine accepte de le laisser explorer ce qu’on appelle alors “ le Grand Océan ” (le Pacifique).Bougainville embarque avec des navigateurs confirmés, mais aussi des membres de l’Académie des sciences, en particulier le naturaliste Commerson.
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Parti de Brest le 15 novembre 1766, à bord du navire La Boudeuse, Bougainville gagne les Malouines, puis Montevideo, passe le détroit de Magellan et, de là, se dirige franchement vers l’Ouest. Tahiti est jointe au début d’avril 1768. Bougainville et ses hommes vont y rester neuf jours.
Le 15 mai 1771, paraissent à Paris les premiers volumes de son Voyage autour du Monde . Il s’agit de la relation d’une expédition faite au nom du roi de 1766 à 1769 à laquelle est lié l’accomplissement d’un certain nombre de missions: il s’agit tout d’abord de remettre entre les mains des Espagnols les îles Malouines, puis de faire route vers la Chine par la mer du Sud ; ceci pour reconnaître dans l’Océan Pacifique “les côtes gisantes entre les Indes et la côte occidentale de l’Amérique”. Il faudra ensuite profiter de l’absence totale d’établissement d’autres nations dans une contrée encore mal connue, pour envisager la possibilité de prise de possession française (“…aussitôt que le sieur de Bougainville aura atterri dans ces lieux inconnus, il aura soin de faire planter en différents endroits des poteaux aux armes de France et d’en dresser des actes de prise de possession au nom de sa Majesté…”). C’est au cours de cette expédition que les Français vont faire escale à Tahiti. Bougainville a d’ailleurs ramené avec lui un Tahitien qui va exciter la curiosité des Parisiens jusqu’à son départ en 1770 et susciter des débats sur la question centrale de l”‘homme naturel”, de l”‘homme sauvage”.
Découverte de Tahiti
J’ai plusieurs fois été me promener dans l’intérieur. Je me croyais transporté dans le jardin d’Éden : nous parcourions une plaine de gazon, couverte de beaux arbres fruitiers et coupée de petites rivières qui entretiennent une fraîcheur délicieuse, sans aucun des inconvénients qu’entraîne l’humidité. Un peuple nombreux y jouit des trésors que la nature verse à pleines mains sur lui. Nous trouvions des troupes d’hommes et de femmes assises à l’ombre des vergers ; tous nous saluaient avec amitié ; ceux que nous rencontrions dans les chemins se rangeaient à côté pour nous laisser passer ; partout nous voyions régner l’hospitalité, le repos, une joie douce et toutes les appa- rences du bonheur.
Je fis présent au chef du canton où nous étions d’un couple de dindes et de canards mâles et femelles ; c’était le dernier de la veuve. Je lui proposai aussi de faire un jardin à notre manière et d’y semer différentes graines, proposition qui fut reçue avec joie. En peu de temps Ereti (1) fit préparer et entourer de palissades le terrain qu’avaient choisi nos jardi- niers. Je le fis bêcher ; ils admiraient nos outils de jardinage. Ils ont bien aussi autour de leurs maisons des espèces de potagers garnis de girau- mons, de patates, d’ignames et d’autres racines. Nous leur avons semé du blé, de l’orge, de l’avoine, du riz, du maïs, des oignons et des graines potagères de toute espèce. Nous avons lieu de croire que ces plantations seront bien soignées, car ce peuple nous a paru aimer l’agriculture, et je crois qu’on l’accoutumerait facilement à tirer parti du sol le plus fertile de l’univers.
Les premiers jours de notre arrivée, j’eus la visite du chef d’un canton voisin, qui vint à bord avec un présent de fruits, de cochons, de poules et d’étoffes. Ce seigneur, nommé Toutaa, est d’une belle figure et d’une taille extraordinaire. Il était accompagné de quelques-uns de ses parents, presque tous hommes de six pieds(2) . Je leur fis présent de clous, d’outils, de perles fausses et d’étoffes de soie. Il fallut lui rendre sa visite chez lui ; nous fûmes bien accueillis, et l’honnête Toutaa m’offrit une de ses femmes fort jeune et assez jolie. L’assemblée était nombreuse, et les musiciens avaient déjà entonné les chants de l’hyménée(3). Telle est la manière de recevoir les visites de cérémonie.
Bougainville, Voyage autour du monde (1771)
(1)Chef de la tribu indigène rencontrée par Bougainville à Tahiti.
(2)un pied = 30 cm environ.
(3)chants d’hyménée : chants qui accompagnent normalement une cérémonie de mariage.
Une équipe de scientifiques ( cartographes, astronomes, botanistes) accompagne l’expédition de Bougainville. Philibert Commerson, médecin naturaliste du voyage, découvre sur cette côte brésilienne, un arbrisseau à la floraison éblouissante. Il le nomme Bougainvillea en l’honneur du chef de l’expédition.