Roman & Récit du XVIII° au XXI°

Abbé Prévost, L’Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut ,1731

 « Je ne suis pas étonné que ce roman, dont le héros est un fripon et l’héroïne une catin […] plaise, parce que toutes les mauvaises actions du héros […] ont pour motif l’amour, qui est toujours un motif noble, quoique la conduite soit basse.» Montesquieu

 

 

 

 

PLAN

DU

COURS 

1. ŒUVRE INTEGRALE :
• Abbé Prévost, Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, 1731

 • Les contextes
      o Le contexte historique et social
      o Le contexte littéraire et culturel
      o Les grands mouvements du XVIII°
      o Le roman au XVIII°  
• L’auteur
• L’œuvre
      o Un roman d’amour
      o Un roman de mœurs
      o Les personnages principaux
      o Le résumé de l’œuvre

• Les lectures linéaires
– Lecture n°1
– Lecture n°2
– Lecture n°3
– Lecture n°4
– Lecture n°5

• Du côté de la langue…
      o La valeur des temps

2. LE PARCOURS
• Corpus
     o La femme dans le roman du XVIII° : entre couvent et libertinage…

• Arts & Lettres :
     o Portraits de femmes au XVIII°
        – Diderot, La Religieuse
         – Laclos, Les Liaisons dangereuses
       – Mme de Graffigny, Lettres d’une péruvienne

• Lectures cursives :
      o Balzac, Le Chef d’œuvre inconnu, (XIX°)
      o P. Modiano, Dora Bruder, (20°)

• Filmographie :
      o S. Frears, Les liaisons dangereuses

I. L’OEUVRE INTEGRALE

1.1 LES CONTEXTES

1.1.1 CONTEXTE HISTORIQUE ET SOCIAL

Louis XIV, incarnation du monarque absolue de droit divin, meurt en 1715.  Sous son règne, le plus long de l’Histoire de France, la liberté est un mot qui n’a guère de sens :on obéit à Dieu et à son roi…

Le mouvement dominant est le classicisme même si le baroque est très présent.  En architecture, en littérature, on cherche à  atteindre la perfection par la pureté de la forme, mais c’est aussi un hymne à la grandeur royale. (Voir Versailles qui est baroque à l’intérieur et classique à l’extérieur).

La littérature se donne comme fonction de « plaire et instruire »,de purger les hommes de leurs passions mauvaises…

Le grand genre est la tragédie portée par Corneille et surtout Racine.

La comédie, grâce à Molière, et parce qu’elle plait au roi (du moins jusque vers 1670) trouve ses lettres de noblesse. Mais la censure est puissante ; censure politique et religieuse car l’Eglise chrétienne est alors très puissante.

 

Philippe d'Orléans, Régent 1715-1723

Avec la Régence (1715-1723), les choses changent.

Louis XIV meurt en 1715.  Louis XV, son arrière petit fils est trop jeune pour régner; il n’a que cinq ans. C’est donc Philippe d’Orléans qui devient Régent. La fin du règne du Roi Soleil avait été austère. Avec la Régence débute une période plus libre à bien des égards.

 C’est entre autre, une période de plus grande liberté d’expression. Tous ceux qui avaient été muselés sous le règne de Louis XIV vont s’exprimer. 

L’Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut se déroule sous la Régence, c ‘est à dire entre 1715 et 1723.

Des idées nouvelles remettent en cause la religion, les croyances…

On commence à réclamer le bonheur terrestre et pas seulement la promesse du Paradis.

Refus des  dogmes, de l’obscurantisme religieux, de la tyrannie (despotisme), principes moraux, sociaux, politiques sont remis en cause.

On a foi en l’homme et dans le progrès qu’on considère comme source de bonheur.

Que la Fête commence, Tavernier, 1975 ( film en entier )

 

En 1721paraissent Les Lettres persanesde Montesquieu, roman épistolaire qui permet à l’auteur de faire une critique puissante du système monarchique.

 En 1723 commence officiellement le règne de Louis XV« le Bien aimé ». Il règnera jusqu’en 1774. Et cette période verra le développement d’une littérature d’idées qui porte la pensée des Lumières :la littérature   sera le ferment de la grande révolution politique et sociale de la fin du siècle “la Révolution française”.

Prise de la Bastille, 14 juillet 1789

On fait confiance à la raison contre les dogmes(rationalisme) : c’est le siècle des Lumières et “la lumière désigne le passage de l’obscurité à la connaissance ».

Le salon de Mme Geoffrin

 

Les écrivains philosophes luttent contre l’obscurantisme, l’intolérance religieuse, les inégalités… Ils se battent pour  la liberté, la raison, la tolérance, l’égalité, le progrès et la séparation des pouvoirs. L’Angleterre avec sa monarchie constitutionnelle sert de modèle.

Les Lumières se caractérisent selon le philosophe allemand Emmanuel Kant (18°) comme   une rupture avec ce qui était encore vrai hier, une sortie d’un état de minoritéen s’émancipant de toute autorité d’autrui: « Les Lumières, c’est la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui- même responsable. L’état de tutelle est l’incapacité de se servir de son entendement sans la conduite d’un autre”.  Afin de sortir de cette soumission, dont l’homme est responsable par son antérieure attente passive, l’homme doit avoir le courage de se servir de son propre entendement, avoir l’audace du savoir : « Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement! »Cette devise des Lumières suppose l’autonomie de la raisonqui devient une faculté d’émancipation en permettant à l’homme son épanouissement et la construction de son savoir. Il est considéré un être raisonnable, suffisamment audacieux pour se servir de sa raison dans tous les domaines de l’existence.  

Les Lumières selon E. Kant

Philosophe allemand du XVIII°

1.1.2 CONTEXTE LITTERAIRE & CULTUREL

Au XVIIIe siècle, le roman se développe de plus en plus, bien qu’il soit encore considéré   comme un genre mineur, plutôt niais et réservé aux femmes !

Le premier roman considéré comme « moderne »  est  La Princesse de Clèves(1678)  de Mme de La Fayette ( 1634-1693). On y trouve les premières analyses psychologiques des personnages.  C’est aussi le cas chez Prévost qui analyse avec finesse les sentiments des   personnages, ainsi que leur évolution. 

Au XVIII°, le roman-mémoires est à la mode c’est le cas  de Marivaux (  1688-1763) avec  La Vie de Marianne, 1731,  ou Le Paysan parvenu, 1734,  de Denis Diderot ( 1713-1784) avec La Religieuse, 1796 etc

Les romans, depuis le XVII°, s’ancrent dans le réalisme.  les romanciers donnent plus volontiers un cadre contemporain à leurs œuvres et critiquent les travers des différentes couches de la société.

L’œuvre de l’abbé Prévost s’inscrit également dans cette tendance réaliste qui caractérise largement le roman de mœurs, attaché à la représentation des comportements et des conduites des hommes dans leur milieu et leur époque.  

Dans Manon Lescaut, le romancier place la rencontre entre Des Grieux et Renoncour entre 1715 et 1720. L’auteur choisit de situer son histoire dans un cadre historiquement exact.  Voir sur le site Histoire du Romanhttps://philofrancais.fr/histoire-du-roman

1.2 Les grands mouvements du XVIII°

1.3 L’AUTEUR

Antoine François Prévost (1697-1763)

Abbé Prevost.  

Homme d’église formé chez les jésuites et romancier français  qui sans doute n’aurait pu imaginer la pérennité du succès d’une de ses oeuvres : L’Histoire du chevalier des Grieux et Manon Lescaut.

En 1721, il entre chez les bénédictins de l’abbaye de Saint-Wandrille en Normandie.

En même temps, il rédige les deux premiers tomes de Mémoires et aventures d’un homme de qualité qui s’est retiré tu monde.

En 1728, il quitte   son monastère sans autorisation, et fuit à Londres.

Un an plus tard, Prévost part pour la Hollande.

Il publie L’Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut   en 1731  à Amsterdam. En France, l’ouvrage est jugé « immoral » et condamné par la censure.

Il s’agit en réalité du tome VII d’un ensemble romanesque commencé en 1728, Mémoires et aventures d’un homme de qualité.

Quelques années plus tard, il retourne en Angleterre très endetté. Il fonde le Pour et le contre, journal principalement consacré à la culture anglaise qu’il continuera d’éditer jusqu’en 1740.

Il finit par négocier son retour chez les bénédictins, au monastère de La-Croix-Saint-Leufroy avant de devenir l’aumônier du prince de Conti, près d’Évreu

Il écrit encore de nombreuses œuvres, puis passera la fin de sa vie à Paris. Prévost meurt le 25 novembre 1763.

 

L’auteur est, certes, un abbé : il fut ordonné prêtre en 1726  mais il eut une vie très aventurière : il voyagea beaucoup, eu des maîtresses, des dettes, fit de la prison, dut s’exiler, et écrivit une œuvre importante dont la postérité ne gardera que Manon Lescaut.)

Le roman est constitué de deux grandes parties correspondant aux moments que Des Grieux rapporte à Renoncour.

 

1.4.1 LES THEMES

Un roman d’amour…

 

 

Manon Lescaut est un roman d’amour…

Face à un homme qui ment, triche, va jusqu’à tuer, et une femme qui vend son corps, le lecteur éprouve cependant pour eux de la sympathie :  Ils sont jeunes et inconscients, ils s’aiment. On leur pardonne. Et ils changent aussi au cours du roman : des Grieux abandonne tout, position sociale, richesse, famille, réputation, Manon devient vertueuse.  

Dans Manon Lescaut, on assiste à la chute d’ un jeune noble qui par amour va tout abandonner   pour fuir avec une femme du peuple. 

Des Grieux décrit sa passion dans les moindres détails et cherche à excuser ses actes par la force et la pureté de ses sentiments.

Tout ce qu’il a pu faire de répréhensible, il ne l’a fait qu’au nom de l’amour. C’est son excuse. 

Chez Des Grieux, la passion se manifeste de façon physique, avec des réactions souvent extrêmes : par exemple, il s’évanouit en apprenant l’infidélité de Manon et tombe malade de chagrin durant presque un an. Cela en, fait un personnage romantique avant l’heure.

Son amour le conduit à abandonner à la fois la bienséance, la morale, la religion, sa famille et son rang. Par la suite, il tombe dans l’illégalité pour rester avec Manon et va jusqu’à commettre des actes violents, lorsqu’il est désespéré : il agresse le vieux G… M… en apprenant que Manon est à l’Hôpital de la Salpêtrière, il veut tuer tout le monde quand il découvre qu’elle va être déportée, il attaque les autorités pour tenter de la libérer et envisage encore le suicide à plusieurs reprises. En d’autres termes, dans Manon Lescaut, la passion rime souvent avec une torture de l’âme et du corps.

 

La Salpêtrière

 

 

C’est vrai que cette histoire d’amour a une dimension tragique.

Le récit tout entier vient introduire et expliquer rétrospectivement la perte de son amante.

Dans l’œuvre de l’abbé Prévost, Des Grieux passe son temps à perdre Manon, ou à craindre sa perte. Cependant, les deux amants se retrouvent toujours : ni l’infidélité ni l’enfermement ne peuvent les séparer, même lorsqu’ils ignorent où est l’autre.

Ainsi, quoique deux ans se soient écoulés entre leur première séparation et l’arrivée de Manon à Saint-Sulpice, tous deux se retrouvent et fuient ensemble. Il n’y a donc guère que la mort qui puisse les désunir et causer le désespoir du narrateur.

Même cette mort  est  une preuve d’amour, le témoignage ultime de l’attachement de Manon pour Des Grieux. En effet, épuisée, elle insiste néanmoins pour le soigner « avant que de penser à sa propre conservation ». Plus tard, elle exprime encore son amour au jeune homme jusqu’à son dernier soupir. 

Sa soudaine disparition vient mettre un terme à une histoire d’amour passionnelle et à l’apprentissage d’un jeune homme. Dévasté, Des Grieux peut néanmoins retrouver son pays et son rang.

Un roman de moeurs…

Manon Lescaut peut être qualifié de roman de mœurs. En effet l’œuvre décrit de façon réaliste l’attitude, le comportement des personnages dans cette société du XVIII°. 

Le contexte est « vrai » au sens où il reflète la réalité de l’époque. Notamment la difficulté pour un fils cadet de choisir son avenir, l’internement des jeunes « débauchés » sur simple dénonciation, la déportation de prisonniers en Amérique…

On a part ailleurs une peinture très juste de la société à travers ses  divertissements  , son système judiciaire, ses pratiques religieuses.

On perçoit aussi assez bien le paradoxe entre des discours moraux et ce qui se passe dans la réalité.

Il y a la façade sociale, le discours et la réalité des actions…c’est unne hypocrisie sociale qu’on retrouve par exemple chez M. de G… M…, qui s’offusque de la malhonnêteté des jeunes gens, alors qu’il est prêt à entretenir de jeunes femmes.

 

C’est de cette hypocrisie -que Des grieux tente de convaincre son père pour lui montrer qu’il n’est pas pire que d’autres : « Je vis avec une maîtresse, lui disais-je, sans être lié par les cérémonies du mariage : M. le duc de… en entretient deux, aux yeux de tout Paris […]. J’ai usé de quelque supercherie au jeu : M. le marquis de… et le comte de… n’ont point d’autres revenus […]. »

L’abbé Prévost est lui-même un défroqué et quand le personnage de Tiberge sermonne Des Grieux celui-ci lui rappelle  « qu’un grand nombre d’évêques et autres prêtres […] savent accorder fort bien une maîtresse avec un bénéfice »

L’argent occupe également une place essentielle : l’infidélité de Manon est causée non par un manque d’amour pour son amant mais en raison de son amour de l’argent. Il est d’ailleurs la cause principale de leur chute.

En même temps, le jeune couple n’a parfois pas le choix et ils font ce que d’autres font autour d’eux. En ce sens, Prévost ne juge pas, ne moralise pas. Il fait le tableau réaliste des comportements humains.

Jeu de trictrac

Une société hiérarchisée

Si M. de Renoncour s’intéresse au chevalier, lors de leur première rencontre à Pacy, c’est parce qu’il reconnait en lui un membre de sa caste : l’aristocratie. Des Grieux est lui aussi un aristocrate. Issu d’une vieille famille de la noblesse, il en a adopté les codes et les valeurs. Parmi celles-ci, un très fort sentiment de supériorité par rapport au commun des mortels  explique en effet combien sa noblesse se manifeste, en dépit des circonstances :

« Il était mis fort simplement ; mais on distingue, au premier coup d’œil, un homme qui a de la naissance et de l’éducation. Je m’approchai de lui. Il se leva ; et je découvris dans ses yeux, dans sa figure et dans tous ses mouvements, un air si fin et si noble, que je me sentis porté naturellement à lui vouloir du bien. » (p. 53)

Les trois ordres

 Ce n’est pas tant la beauté de Manon et le « sentiment de modestie »   qu’elle exprime, que  l’air noble de Des Grieux qui  pousse Renoncour à aider les amants. Il sait qu’ils appartiennent à la même classe.

Lorsque DG est menacé par le vieux GM de la potence,   Des Grieux réplique avec vivacité : « Infâme ! Ce sont tes pareils qu’il faut chercher au gibet. Apprends que je suis d’un sang plus noble et plus pur que le tien » parce que

  la famille de G… M… est  d’une noblesse récemment acquise, bien qu’elle soit beaucoup plus riche que celle de Des Grieux. 

Or à cette époque, les nobles ne sont pas pendus mais décapités. Et bien qu’en position de faiblesse, le jeune aristocrate garde donc toujours son sentiment de supériorité.

Mariage au XVIII°

De même, le mariage avec Manon créerait une mésalliance que le père refuserait sans doute puisqu’elle n’est pas de son rang. (mésalliance : mariage avec une personne de condition inférieure).    Plus tard, lorsque le père de Des Grieux fait envoyer Manon en Amérique, il affirme durement au chevalier : « J’aime mieux te savoir sans vie que sans sagesse et sans honneur. »(p. 191) Le héros serait ainsi « déshonoré » par une telle mésalliance, davantage même que pour avoir fui le domicile parental et vécu avec une femme hors mariage.

Ce sont donc les personnes de   son rang qui s’opposent le plus à l’amour de DG pour Manon

Ainsi   ceux dont le chevalier se sent le plus proche, ses pairs – et parmi eux son père – sont aussi ceux qui le font enfermer et qui envoient Manon en Amérique. Ainsi, dans Manon Lescaut, le chevalier Des Grieux est sans cesse tiraillé entre son sang et son amour.

La déportation

L’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, évoque le peuplement de la Louisiane française par des prostituées déportées de force. Dans ce roman, l’auteur s’inspire de la déportation, en 1719, de 180 filles de la prison Saint-Martin et de la Salpêtrière pour mendicité, vagabondage, prostitution ou crimes vers La Nouvelle-Orléans. Et particulièrement de l’une d’entre elles,  nommée Marie-Anne Lescau, a   inspiré l’héroïne de l’abbé Prévost.  

 

Déportation des filles de joie

Néanmoins dès  1663, quand le Canada est transformé en province royale, on compte six colons en âge de se marier pour une seule femme blanche. En vue de réduire ce déséquilibre et d’assurer le peuplement de la colonie, Louis XIV subventionne, entre 1663 et 1673, le passage en Nouvelle-France de près de 770 jeunes femmes. Quand les finances le permettent, il leur accorde une dot de 50 livres destinée à faciliter leur mariage et leur établissement.

 

Ces filles, contrairement à une légende tenace, ne sont pas forcément des prostituées, mais bien souvent des orphelines élevées à l’Hôpital général de Paris. Une fois débarquées au Canada, elles se marient dans les mois qui suivent avec l’un des nombreux prétendants que compte la colonie.

En Louisiane, on fait aussi appel aux Filles du roi – ou ” filles à la cassette “, comme on les y appelle – à l’époque de la Compagnie d’Occident : 120 jeunes femmes volontaires sont ainsi transportées entre 1719 et 1721.

Louisiane au XVIII°

En Louisiane, on fait aussi appel aux Filles du roi – ou ” filles à la cassette “, comme on les y appelle – à l’époque de la Compagnie d’Occident : 120 jeunes femmes volontaires sont ainsi transportées entre 1719 et 1721.

La place de la religion

Les personnages ne sont pas toujours trés probes (honnêtes) et fidèles à leur foi et à leurs paroles mais la religion n’est pas toujours tendre avec eux …

 Au XVIII° la religion est omniprésente et toute puissante dans la vie publique comme dans la vie privée. C’est elle qui décide de ce qui se fait, ne se fait pas…Et c’est elle souvent qui décide du destin : Manon est conduite au couvent contre son gré ;   Des Grieux, parce qu’il n’est pas l’aîné,est destiné à devenir chevalier de Malte ; Si Tiberge prend l’habit religieux, au départ,  ce n’est pas par foi mais parce qu’il vient d’une famille peu fortunée et que c’est le seul d’obtenir une bonne place…(Comme Julien Sorel, au XIX° dans Le Rouge et le Noir)

En outre, s’il entend les conseils et reproches de son ami Tiberge, il n’en tient pas compte avant la mort de Manon. Il se rallie seulement aux arguments du jeune prêtre, dès lors qu’il n’a plus rien à quoi se raccrocher. Tant qu’il est avec son amante, c’est elle qui lui tient lieu de divinité pour qui il accomplit tout.  

 

Pourtant, les véritables représentants de la religion – sincères et vertueux – que sont Tiberge et le Supérieur de Saint-Lazare, soutiennent Des Grieux en dépit de ses fautes. Certes, ils le sermonnent et lui font la morale, mais Tiberge supporte l’ingratitude de son ami jusqu’à la fin, allant jusqu’à traverser l’Atlantique pour le retrouver.

1.4.2 LES PERSONNAGES

MANON

Personnage central du roman. D’ailleurs, le titre original qui était Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut,est finalement devenu Manon Lescaut. Ce personnage a bien plus fasciné les lecteurs depuis trois siècles que son amant. 

Manon est issue d’un milieu modeste et au moment où elle rencontre Des Grieux, elle est en route pour le couvent.

Dans ce roman, il y a deux narrateurs. Mais nous  connaissons Manon essentiellement à travers ce que nous en dit Des Grieux   même si nous avons quelques informations par le 1ernarrateur, monsieur de  Renoncour au début du roman.

En effet, très vite,le récit est pris en charge par le chevalier. Il ne nous dit rien de la vie de Manon avant leur rencontre. Tout se focalise sur le temps de leur passion destructrice.

Un seul point de vue sur le personnage, donc ! Et de surcroit à travers les yeux d’un personnage fou d’amour…Certes Renoncour au début nous vante la beauté de cette femme et nous la voyons au cours du roman  être courtisée par de nnombreux hommes M. de B…, M. de G… M… et son fils, le prince italien, Synnelet, etc.

Mais c’est bien le point de vue de Des Grieux seul qui le persuade que son père et son ami Tiberge seront séduits par Manon.

Qui est vraiment Manon ?

Pour Montesquieu, elle était une « catin », autrement dit une prostituée puisqu’elle se donne contre de l’argent. Mais cela ne se produit que 3 fois dans le roman. Son attachement, son amour pour Des Grieux semble sincère puisque bien qu’elle ait à plusieurs reprises l’occasion de le quitter pour vivre plus agréablement, elle ne le fait pas. mais ils n’ont pas la même vision de la fidélité et pour Manon, le cœur et le corps ne sont pas forcément liés : « La fidélité que je souhaite de vous est celle du cœur. » (p. 169) Et pour elle, ce qui compte est du côté du sentiment «  les plaisirs du corps et les nuits[…]   sont sans rapport avec les élans du cœur »

Manon utilise ce qu’elle a… à savoir sa jeunesse et son charme pour tenter d’obtenir la vie qu’elle souhaite. Mais la société du XVIII° et l’incompréhension de Des Grieux la conduiront à sa perte.

Il n’y a pas véritablement de portait de l’héroine. Nous ne connaissons ni la couleur de ses yeux, ni celle de ses cheveux. Nous ne savons pas si elle est petite ou grande…Elle peut-être toutes les femmes et c’est peut-être ce qui l’a rendu atemporelle. Sur le plan moral et/ou psychologique, le chevalier présente le plus souvent Manon sous ses aspects les plus positifs, mais en fait la responsable de leur échec. Et tout ce qu’il nous raconte, il nous le raconte au regard de cet échec et le portrait de la jeune femme  en pâtit

Manon aime des Grieux mais elle aime aussi l’argent et ce sera la cause de son infidélité. Cet attrait pour l’argent que Des Grieux ne dissimule pas nous fait découvrir la face noire de Manon :  intéressée, menteuse..

DES GRIEUX

Des Grieux est issu d’une famille aristocratique ;  bien éduqué , le jeune homme a également un père qui se soucie de son bonheur, ce qui est plutôt rare à cette époque.  Compréhensif, il est   prêt à accepter que Des Grieux renonce à sa carrière religieuse pour se marier

Mais Des Grieux refuse de se conformer au rôle que son père et une partie de la société attendent de lui.  Et pour ne pas abandonner Manon, il est prêt à tous les sacrifices. Il montre d’ailleurs peu de reconnaissance envers son père et n’envisage de se   réconcilier avec lui, c’est seulement par interêt, avec l’idée de lui réclamer de l’argent ou sa protection

 Le lecteur assiste donc ici à la transformation d’un jeune[…]« bien élevé en un rebelle prêt à commettre tous les excès.  

À la fois personnage et narrateur, nous le voyons évoluer : d’abord jeune homme naïf et ignorant – il est âgé d’à peine 17 ans –, il découvre la vie et le monde au fil de ses nombreuses aventures..  (Caractéristique du roman d’apprentissage où d’initiation) :  

Depuis le XVIIe siècle, on trouve deux formes de romans d’initiation :

– le conte moral dans lequel le jeune héros découvre des valeurs telles que le courage, la patience, ou encore des vertus chrétiennes,

le roman libertin, ou le jeune héros perd sa naïveté et découvre des domaines comme l’athéisme ou la sexualité.

Des Grieux connait les deux voies. Elevé dans le respect de la morale et de la religion, il se libère de cette éducation pour se lancer dans l’amour clandestin, la triche au jeu, l’escroquerie et d’autres inconduites qui le mènent jusqu’au meurtre et à la limite du proxénétisme.

 

Néanmoins, le jeune homme ne cesse de vouloir se racheter et d’espérer se lancer dans une vie plus rangée. Il évolue avec Manon au fil du roman : ainsi, par exemple, avant de rencontrer le jeune G… M…, les amants se font plus discrets et gèrent mieux leur argent, signe qu’ils ont appris de leurs erreurs passées.  Cependant, ils se laissent à nouveau entraîner dans leurs excès, ce qui les conduit à la catastrophe finale.

L’initiation de  Des Grieux s’achève donc avec la mort de Manon. Cette tragédie finale lui donne sa dernière « leçon » et fait de lui un narrateur capable d’envisager sa propre histoire avec un certain recul et une certaine maturité : il sait à présent que  « les passions peuvent être destructrices. Une fois l’aventure terminée, il peut reprendre sa place dans la société. Ainsi, après la mort de Manon, et passés les premiers temps du désespoir, le jeune homme n’a plus de raison de s’opposer à l’autorité paternelle. Il est donc disposé à se réconcilier, mais il est déjà trop tard : après la perte de Manon, celle de son père vient encore mettre un terme douloureux à son initiation. Dès lors, Des Grieux commence sa vie d’homme.

TIBERGE

Tiberge , ami de Des Grieux, joue un rôle important même s’il n’apparait qu’épisodiquement .

Particulièrement fidèle et dévoué, il incarne la constance et il est le seul à ne jamais abandonner son ami. Pourtant, il désapprouve la conduite de Des Grieux, mais il continue toujours à lui apporter son aide, qu’elle soit financière, spirituelle – en lui offrant le secours de la religion au début du roman – ou amicale par sa simple présence, lorsqu’il vient le retrouver à La Nouvelle Orléans. En ce sens, il apparaît un peu comme le pendant antinomique de Manon : alors que Des Grieux perd sans cesse son amante, il retrouve toujours Tiberge.

Il incarne la morale et   la religion dans le roman.  C’est un modèle de vertu chrétienne et d’amitié, puisqu’il continue d’aider son ami envers et contre tout, alors même que Des Grieux ne l’appelle que lorsqu’il a besoin de lui.  

RENONCOUR

Personnage-narrateur du récit cadre. Ce marquis très respecté sera celui qui va retranscrire « presque aussitôt après l’avoir rencontré » ce que le chevalier Des Grieux lui aura dit de ses aventures avec Manon

Autres personnages

Autres personnages

  • Le père du chevalier
  • M de B.
  • Le frère aîné du chevalier
  • M le lieutenant de police
  • M de G.M père
  • M de G.M fils
  • Le prince
  • M de T. fils
  • Marcel
  • Le garde du corps
  • Le gouverneur
  • Synnelet

 

1.4.3 RESUME

1.5 LES LECTURES LINEAIRES

 

 

Sujets de réflexion autour du roman

 

  • En quoi ce roman propose-t-il une vision de l’homme et du monde à travers ses personnages ?
  • Comment expliquez-vous le succès de ce roman depuis 300 ans ?
  • En quoi le roman de Prévost est-il une oeuvre des Lumières ?
  • En quoi ce roman annonce-t-il le romantisme qui triomphera au XIX° ?
  • En quoi le roman peut-il révéler la société à travers ses personnages ? .

 

1.7 DU CÔTE DE LA LANGUE

Les valeurs des temps

 

 

 

EXERCICES EN LIGNE

 

 

 

Vers le PARCOURS