Oeuvre cursive : Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique

L’AUTEUR

Michel Tournier (1924-2016)

Vendredi  ou les limbes du Pacifique est le premier roman de Michel Tournier. Il a alors 42 ans.

Michel Tournier est un écrivain français né en 1924. Ses parents sont tous deux germanistes mais son père abandonne l’enseignement de l’Allemand pour se lancer  dans le commerce. C’est néanmois à Tübingen en Allemagne que Tournier entreprend des études de philosophie, dommaine qui le passionne depuis qu’a 16 ans,  il a eu comme professeur Gandillac, lui-même philosophe et historien. Après deux échecs successifs à l’agrégation, il commence à écrire et d’ailleurs   répétera souvent qu’il n’aurait pas écrit s’il avait été reçu à cet examen : « J’ai découvert la philosophie à seize ans, et j’ai abandonné toute ambition littéraire pour m’y consacrer. Mais à vingt-cinq ans, j’ai renoncé à la carrière universitaire, car, au lieu d’être reçu dans les premiers à l’agrégation de philosophie, comme j’y comptais bien, j’ai été rejeté dans les derniers ! »

Michel Tournier s’installe à Paris. Il fréquente les milieux culturels et intellectuels.   Pendant huit ans, il sera traducteur pour les éditions Plon, où il est directeur littéraire :« Puisque je ne pouvais pas être professeur, j’ai fait des “petits boulots” pour gagner ma vie… J’ai été ainsi producteur et réalisateur à la RTF, attaché de presse d’Europe 1, collaborateur à différents journaux. Et il m’a fallu dix-sept ans de tâtonnements et de recherches pour arriver à intégrer la philosophie dans une formule littéraire. » dira-t-il .

Michel Tournier publie en 1967, à quarante-deux ans, son premier roman Vendredi ou Les Limbes du Pacifique. Il rencontre vite le succès et l’estime du monde littéraire. Son roman est couronné par le grand prix du roman de l’Académie française.

En 1970, son deuxième roman, Le Roi des aulnes, marque les esprits et obtient à l’unanimité le Prix Goncourt.

Écrivain reconnu, Michel Tournier devient en 1972 membre de l’Académie Goncourt.

Il se consacre dès lors entièrement à la littérature avec en plus de ses romans et nouvelles, des textes pour la jeunesse (comme la reprise de son premier roman sous le titre de Vendredi ou La vie sauvage en 1971 ou Barbedor en 1980).

Il publie également des essais : Le Vent Paraclet (1978), autobiographie et réflexion littéraire et philosophique, Célébrations (1999).

 En 1957, il s’installe dans un ancien presbytère à Choisel dans la vallée de Chevreuse où il travaille dans la solitude, à l’écart de Paris et des dispersions du milieu littéraire. Il se montre très attentif à ses lecteurs qu’il aime rencontrer, tout particulièrement les collégiens auxquels il rend souvent visite8.

Il a aussi beaucoup voyagé pour la longue préparation de ses livres, comme il l’explique en juin 1991 : « J’ai fait quelquefois des voyages immenses. Pour Les Météores, j’ai fait le tour du monde, parce que l’un des jumeaux fuyait son frère, lequel lui courait après. J’ai traversé ainsi le Canada, de Vancouver à Montréal, en chemin de fer, pendant quarante-huit heures jour et nuit, pour un passage de ce livre. Il fallait l’avoir fait, ça ne s’invente pas ! Souvent, mon manuscrit me donne l’ordre de faire des choses extrêmement dures. Pour La Goutte d’or, j’ai été passer une matinée dans un abattoir. J’en ai beaucoup souffert. En ce moment, je m’intéresse au métro et au suicide. Il m’arrive de passer des nuits entières dans le métro parisien. C’est très dur, mais ça donne du piment à la vie… C’est extrêmement juteux, c’est très rentable. C’est la méthode Zola, qui allait au charbon – et doublement – quand il écrivait Germinal. Flaubert l’a aussi fait, il a été le premier à faire des enquêtes, et à aller sur le terrain. » 

Ses livres sont désormais traduits dans plusieurs dizaines de langues  

L’œuvre de Michel Tournier lui a valu la médaille Goethe en 1993, et le titre de docteur honoris causa de l’université de Londres en 1997.

Fin 2010, à 85 ans, il n’écrit plus mais continue à parler de ses œuvres. Il se confie, comme en mai 2010 en répondant à Marianne Payot, journaliste à Lire : « Je ne me suiciderai pas, mais je trouve que j’ai déjà beaucoup trop vécu. Je souffre de la vieillesse : je n’entreprends plus rien, je ne voyage plus. Je m’ennuie. »

 

Il meurt le 18 janvier 2016 à son domicile ,  à l’âge de 91 ans  

Il est inhumé dans le cimetière qui jouxte l’église et son presbytère, ayant lui-même choisi son épitaphe : « Je t’ai adorée, tu me l’as rendu au centuple, merci la vie ! ».(d’après vvikipedia)

 

LE GENRE

 

 Lorsque parait Vendredi ou les limbes du Pacifique en 1967, le Nouveau Roman* occupe la scène littéraire. Mais Michel Tournier fait le choix de revenir à une écriture traditionnelle du roman. Il choisit une forme classique : des personnages bien construits et un récit linéaire , le livre connait un immense succès.

La particularité du roman de Tournier tient à ce que contrairement au genre du roman d’aventures, son héros, Robinson , parce qu’il est immobilisé, que son voyage est interrompu, qu’il vit en quelque sorte dans un hors temps et un hors lieu, va pouvoir se métamorphoser. Prisonnier de son ile, condamné à une forme d’immobilité, il va accomplir une transformation intérieure.

ORIGINE (intertextualité )

Daniel Defoe (1661-1731) aventurier, commerçant et écrivain anglais  publie en 1719, Robinson Crusoé. Son roman s’inspirait d’un fait réel : un marin écossais, Alexander Selkirk avait été abandonné en 1705, sur une île déserte du pacifique au large du Chili. Quatre ans plus tard, une expédition le découvre et le ramène en Ecosse. Le Robinson de Defoe deviendra l’un des personnages les plus connus au monde.

C’est un roman d’aventures et un roman d’éducation. Ecrit à la 1° personne, il relate les aventures de Robinson, naufragé pendant 28 ans. Le roman connait un grand succès, ce sera l’un des livres les plus lus et les plus édités au monde.

Il donnera naissance à des « robinsonnades »1 notamment L’île mystérieuse de Jules Verne 1874, Sa majesté des mouches de William Golding 1954 …

 

Mais contrairement au Robinson de Defoë, celui de Michel Tournier évolue constamment. Certes vers le milieu du roman, il ressemble au Robinson primitif dans son exaltation du travail organisé et de la rigueur morale, mais il connaît ensuite une métamorphose radicale, sous l’influence de Vendredi, qui débouche sur une décision finale diamétralement opposée.

Par ailleurs,Tournier déplace l’histoire de Defoe cent ans plus tard (le naufrage de Virginie aurait eu lieu en 1759), ce qui lui permet d’accentuer davantage le thème colonial. Dans Le Vent paraclet, Tournier écrit : « Nous sommes à l’époque où les puritains anglais envahissent et colonisent, la Bible à la main, les terres vierges du Nouveau Monde ».

À partir de la fin du XVIIIe s., chaque pays voulut avoir son Robinson. Le plus célèbre est le Robinson suisse (1813) de J. D. Wyss, qui, à travers l’aventure d’une famille, exalte la communauté familiale et la nature.

Au XIXe,  un enfant seul, abandonné, luttant pour sa survie, devient un modèle pour les jeunes lecteurs. D’autres romans tendent à ne retenir que l’aventure sur une île déserte l’Île mystérieuse (1874) de Jules Verne, et surtout, l’Île au trésor(1882) de R. L. Stevenson.

Au XX : Images à Crusoé (1909) de Saint-John Perse, W. Golding  Sa Majesté des mouches, 1954, Giraudoux, Suzanne et le Pacifique, 1921 , Michel Tournier Vendredi ou les Limbes du Pacifique, 1967

 

Le Nouveau Roman refuse tout approche psychologique des personnages, il renonce à son statut de héros et ne se donne plus comme but de raconter une histoire : « le roman n’est plus l’écriture d’une aventure, mais l’aventure d’une écriture ». Jean Ricardou 

« Assez vite […] j’ai été frappé par l’opposition, l’incompatibilité même, qu’il y a entre la discontinuité du monde perçu et la continuité de l’écriture » explique Claude Simon en1972. 

LE TITRE

Vendredi ou les limbes du Pacifique

Vendredi : Vendredi (personnage éponyme = un personnage qui donne son titre au roman): finalement c’est par lui que Robinson change. Lorsque Vendredi arrive sur l’ile, Robinson y est depuis 20 ans et a tenté de reproduire le seul modèle de société qu’il connaissait. C’est « la faute » de Vendredi, lorsqu’il fume la pipe en cachette et fait exploser les installations qui va être le vrai moteur du changement. 

Les limbes du Pacifique : l’île de Speranza se trouve dans le Pacifique. Et les limbes du latin limbus, « marge, frange » désignait un état de l’au-delà situé aux marges de l’enfer. Par extension, ils signifient un état intermédiaire et flou. Les limbes que représente l’île déserte , les confins du voyage de Robinson : c’est un lieu hors espace et hors temps.  

THEMES

Le livre aborde de nombreux thèmes dont la portée est philosophique : 

o L’Autre (le rapport à autrui) et La solitude 

o Le temps 

o La sexualité/ le rapport au corps 

o La mort 

o Le rapport de l’homme à la nature 

o Le passage de la nature à la culture et le procédé inverse (dans le cas de Robinson) de la culture vers la nature 

o Et beaucoup d’autres… 

Experience de la solitude et rapport à l’autre

Robinson se retrouve hors de la société. Il n’a plus de rapports avec quiconque : l’île est déserte et ses compagnons sont morts. Pourtant, après l’espoir déçu de la fuite, Robinson va se mettre à vivre sur son île comme s’il était toujours en société, en recréant les institutions, en s’habillant pour le diner. Entretenir ces codes est pour lui un moyen d’éviter la folie à laquelle conduit la solitude absolue 

Voici ce qu’il en dit : « La solitude n’est pas une situation immuable où je me trouverais plongé depuis le naufrage de la Virginie. C’est un milieu corrosif qui agit sur moi lentement, mais sans relâche et dans un sens purement destructif. » 

Aristote, philosophe grec antique disait que « l’homme est un animal politique », signifiant par-là qu’il était naturellement fait pour vivre au milieu des autres hommes. Aristote va plus loin, celui qui ne vit pas au milieu des hommes n’est pas un homme : c’est soit un dieu, soit un être inhumain. La solitude déshumanise. 

Dans sa solitude, Robinson prend conscience de la valeur d’autrui, des effets de son absence. Sans l’autre, plus personne n’est là pour affirmer ou infirmer ma perception du monde. Il n’y a plus personne à qui parler et la peur viscérale de Robinson et de perdre l’usage de la parole, vecteur de l’échange avec l’autre : « Je mesure chaque jour ce que je lui devais en enregistrant de nouvelles fissures dans mon édifice personnel. Je sais ce que je risquerais en perdant l’usage de la parole, et je combats de toute l’ardeur de mon angoisse cette suprême déchéance ». 

Source

https://pedagogie.ac-reims.fr/index.php/philosophie-lycee/se-former-philosophie-lycee/item/4319-la-solitude-ou-l-experience-inversee-d-autrui 

LE TEMPS

a) La clepsydre 

Robinson au départ cherche à maîtriser le temps : c’est la fonction de la clepsydre2 qu’il confectionne: il s’avisa plus tard que le soleil n’était visible de l’intérieur de la villa qu’à certaines heures du jour et qu’il serait judicieux d’y installer une horloge ou une machine propre à mesurer le temps à tout moment. Après quelques tâtonnements, il choisit de confectionner une manière de clepsydre assez primitive. C’était simplement une bonbonne de verre transparent dont il avait percé le cul d’un petit trou par où l’eau fuyait goutte à goutte dans un bac de cuivre posé sur le sol. La bonbonne mettait exactement vingt-quatre heures à se vider dans le bac, et Robinson avait strié ses flancs de vingt-quatre cercles parallèles marqués chacun d’un chiffre romain. Ainsi le niveau du liquide donnait l’heure à tout moment. Cette clepsydre fut pour Robinson la source d’un immense réconfort. Lorsqu’il entendait – le jour ou la nuit – le bruit régulier des gouttes tombant dans le bassin, il avait le sentiment orgueilleux que le temps ne glissait plus malgré lui dans un abime obscur, mais qu’il se trouvait désormais régularisé, maîtrisé, bref domestiqué lui aussi, comme toute l’île allait le devenir, peu à peu, par la force d’âme d’un seul homme. 

b) L’écriture du logbook 

Elle permet la liaison entre les trois dimensions du temps : passé, présent et futur. 

c) L’argent 

Il permet de dominer le temps (accumulation de la richesse, thésaurisation). 

d) l’arrivée du whitebird 

Après la venue du whitebird, “Refus panique du tourbillon du temps, dégradant et mortel” 

Lorsqu’il refuse de partir avec l’équipage du Whitebird, il tourne le dos à la civilisation humaine en refusant de « choir dans un monde d’usure, de poussière et de ruines», mais refuse aussi de délaisser « cet éternel instant, posé en équilibre à la pointe d’un paroxysme de la perfection ». 

“S’il n’avait pas fait naufrage sur Spéranza, il serait presque quinquagénaire : ses cheveux seraient gris et ses articulations craqueraient ….En vérité, il était plus jeune aujourd’hui que le jeune pieux et avare qui s’était embarqué sur la Virginie. Car il n’était pas jeune d’une jeunesse biologique, putrescible …. Il était d’une jeunesse minérale, divine, solaire. Chaque matin était pour lui un premier commencement, le commencement absolu de l’histoire du monde. Sous le soleil-dieu, Spéranza vibrait dans un présent perpétuel, sans passé, ni avenir. Il n’allait pas s’arracher à cet éternel instant, posé en équilibre à la pointe d’un paroxysme de perfection, pour choir dans un monde d’usure, de poussière et de ruines” 

e) Opposition temps linéaire- temps cyclique 

Au chapitre X, le changement dans le rapport au temps est advenu : 

Temps linéaire : 

Le temps humain (en occident au moins) est une succession chronologique et linéaire, où chaque instant remplace le précédent et se tend vers le suivant. 

Cette course en avant du temps a deux conséquences essentielles : 

Si le temps est linéaire, il s’accompagne d’un désir de progression, de progrès. Il faut avancer vers le point suivant, en omettant le présent. 

Et si le temps est linéaire, il s’achève nécessairement par la mort. 

Temps cyclique 

Le temps cyclique est celui de la nature : saisons, phases de la lune, révolution de la terre, marées… 

Robinson dans son évolution passe d’une conception linéaire du temps à une conception cyclique. Il ne cherche plus à le maitriser, il le vit. 

Il découvre que ses « journées se sont redressées. Elles ne basculent plus les unes sur les autres » . Il a cessé de mesurer le temps. Il se trouve dans une sorte de présent éternel, comme si le même instant ne cessait de se répéter. 

Ce thème de l’éternel présent renvoie à la notion « d’éternel retour » de Nietzsche. 

Pour lui, l’homme devrait vivre dans une intensité et une affirmation telles que chaque moment de cette vie devrait supporter d’être indéfiniment répété, revécu. Il faudrait faire subir l’épreuve de l’éternel retour à chaque instant de notre vie, pour en mesurer la valeur. On peut supposer que Robinson et Vendredi sont parvenus, d’une certaine façon, à mettre en application l’idée de Nietzsche.(surhomme) 

Parce que Robinson à accédé à un état solaire il s’est glissé hors du temps humain, pour rejoindre le temps de la nature. 

« Elles (les journées) se tiennent debout, verticales, et s’affirment fièrement dans leur valeur intrinsèque. Et comme elles ne sont plus différenciées par les étapes successives d’un plan en voie d’exécution, elles se ressemblent au point qu’elles se superposent exactement dans ma mémoire et qu’il me semble revivre sans cesse la même journée. » 

Robinson aura donc trouvé cette « circularité du temps » mythique et constatera que « … désormais, le cycle s’est rétréci au point qu’il se confond avec l’instant. » 

L’importance du temps dans le roman est constamment soulignée et Robinson dira lui-même que « ce qui a le plus changé dans ma vie, c’est l’écoulement du temps ». 

Robinson se dira qu« au fond, tout le problème dans cette île pourrait se traduire en termes de temps » et, selon A. Bouloumié, « la métamorphose de Robinson est avant tout liée à la découverte du temps cyclique des mythes, clé de l’immortalité, puisque c’est la perception de l’éternité dans l’instant».

NATURE & CULTURE

L’île de Robinson rappelle aux premiers abords le monde originel, l’état édénique et paradisiaque de l’homme vivant en harmonie avec la nature, de l’homme avant sa chute. Le titre même de Vendredi ou les limbes du Pacifique évoque un lieu irréel, hors du monde et comme « suspendu entre ciel et enfers ». 

De plus, l’île sera fortement féminisée et prendra tour à tour les rôles de la femme, de la mère, puis enfin de l’épouse qui lui donnera une progéniture: les mandragores, une fleur blanche aux racines bulbeuses ressemblant à un foetus humain. 

Une relation particulièrement intime avec la nature est entretenue par Vendredi et se manifeste par son aisance authentique et familière à côtoyer les domaines du monde végétal, animal et divin. 

Sexualité 

Robinson constate que cette solitude transforme sa sexualité et qu’une voie nouvelle semble se profiler à l’horizon, détournée du désir lié à la femme et plutôt orientée vers les éléments de la nature. 

Certains aspects présentent parfois « une polysexualité étonnante, troublante, qui participe de la nature cosmique, sans craindre l’immoral ». 

En devenant le frère jumeau de Vendredi, Robinson commence à comprendre qu’il peut lui aussi devenir un être androgyne et bisexué. Vendredi prendra encore une fois le rôle de l’initiateur et en introduisant sans délai Robinson à une sexualité inhérente à l’androgyne, il évite d’éveiller entre-eux une quelconque tentation sodomite. Comme l’expliquera Robinson dans son log-book à propos de l’absence de désir homosexuel au sein de leur relation, tous deux semblent avoir atteint une sorte d’équilibre entre le masculin et le féminin dont le résultat est de les rendre autosuffisants. La sexualité circulaire et close sur elle-même annoncée par les cartes de Van Deyssel apparaît réalisée par Robinson comme le démontre l’extrait suivant: 

Or s’agissant de ma sexualité, je m’avise que pas une seule fois Vendredi n’a éveillé en moi une tentation sodomite. C’est d’abord qu’il est arrivé trop tard: ma sexualité était déjà devenue élémentaire, et c’était vers Sperenza qu’elle se tournait. [… ] En somme, je fécondais cette terre comme j’aurais fait une épouse. Vendredi m’a contraint à une conversion plus radicale. Le coup de volupté brutal qui transperce les reins de l’amant s’est transformé pour moi en une jubilation douce qui m’enveloppe et me transporte des pieds à la tête, aussi longtemps que le soleil-dieu me baigne de ses rayons. […] S’il fallait nécessairement traduire en termes humains ce coït solaire, c’est sous les espèces féminines, et comme l’épouse du ciel qu’il conviendrait de me définir. 

 

 

EVOLUTION DES PERSONNAGES

Robinson : homme nouveau

Lorsque Robinson quitte l’Angleterre pour aller faire fortune dans le Nouveau Monde, c’est un jeune homme avare, puritain qui est partisan de la philosophie de Benjamin Franklin pour qui le bien, c’est gagner de l’argent et le mal, c’est le dépenser. C’est une morale du travail pour le travail. C’est ce que fera Robinson incertain temps. (cultures, gestion, construction) 

Au début du roman, ce que vit Robinson, c’est le drame de la solitude. Sa 1° réaction va être de  tenter de la refuser. Aussi se tourne-t-il vers la mer. C’est une réaction de fuite qui lui fait ignorer l’ile. Il attend qu’on vienne le chercher, il pense que s’il s’installait cela diminuerait ses chances de quitter l’ile. (construction de l’Evasion, échec). 

Mais ce choix amène rapidement Robinson à la déchéance. Il se vautre dans la souille (sorte de marre putride) et devient une sorte de porc sauvage. Il revit son enfance, son passé à York et un jour il se rend compte que la folie le guette : il aperçoit un bateau, un galion, que ce type de navire n’est plus utilisé depuis près de 200 ans. Il y entend de la musique, voit des gens qui font la fête…et sa soeur, morte adolescente Il se rend compte qu’il hallucine, qu’il délire et va changer d’attitude. Ce passage dans la souille était pourtant une étape nécessaire à son évolution. 

A partir de là, il va se mettre administrer l’ile. ” Contre les effets dissolvants de l’absence d’autrui, construire, organiser et légiférer etaient des remédes souverains” 

Il institue un Code civil, un code pénal 

La Charte de l’île de Spéranza

Article 1 : Robinson nommé gouverneur de l’île 

Article 2 : S’exprimer à haute voix : “Il importe désormais que les discours intérieurs parviennent jusqu’à mes lèvres” 

Article 3 : “Interdit de faire ses besoins naturels ailleurs que dans les lieux prévus à cet effet” 

Article 4 : “Le 31 vendredi est jeûné” 

Article 5 : “Le dimanche est chômé” 

Article 6 : “Seul le Gouverneur est autorisé à pétuner” (fumer ou priser du tabac) 

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Code pénal de Spéranza 

Article 1 : Les peines de jeûne et de fosse pour manquements au règlement 

Article 2 : Tout séjour dans la souille est interdit 

C’est la vanité dérisoire des codes de “l’homme blanc”, mépris de l’altérité, certitude des valeurs occidentales 

Pressentiment de Robinson que “Cet échafaudage artificiel et extérieur n’avait pour raison d’être que de protéger la formation d’un homme nouveau qui ne serait viable que plus tard” 

Il construit des maisons. Il y en a même une pour le dimanche… Il se punit lui-même quand il se laisse aller dans la souille. 

Il décide d’écrire son log book et y consigner chaque jour ses méditations, l’évolution de sa vie intérieure ou encore les souvenirs : “Il lui semblait soudain à demi arraché de l’abime de bestialité où il avait sombré et faire sa rentrée dans le domaine de l’esprit en accomplissant cet acte sacré : écrire” 

Les livres au texte imprimé effacé par la mer sont utilisés “pour tenir son journal” L’encre rouge est fournie par les sécrétions d’un poisson ) 

Cette ile de la désolation, il la renomme Speranza : au nom de la religion qui fait du désespoir un péché et de l’espérance une des trois vertus essentielles et ce nom évoque aussi « le très profane souvenir d’une ardente italienne qu’il avait connue jadis” et puis la carte dessinee de l’ile figurait « le profil d’un corps feminin sans tête » . 

Robinson lutte alors entre la tentation du “vice” incarné par la souille et la vertu représentee par l’effort “de construire, organiser, ordonner” 

Il cherche aussi à maîtriser le temps : La clepsydre3 : “le temps ne glissait plus malgré lui dans un abime obscur mais il se trouvait regularisé, maitrisé, domestiqué 

 

Mais Robinson finit par douter du triomphe de l’effort et du combat pour domestiquer la nature, il ressent un sentiment de désespoir et de vanité : “Inutiles ces cultures, absurdes ces élevages, ses dépots une insulte au bon sens, ses silos une dérision et cette forteresse, ce Code pénal ? Pour nourrir qui? Pour protéger qui? Chacun de ses gestes, chacun de ses travaux était un appel lancé vers quelqu’un et demeuré sans reponse “ 

C’est là qu’apparait Vendredi (CH.VII) 

Robinson sauve (accidentellement) Vendredi du sacrifice rituel puisque c’est le chien Tenn qui détourne le coup de fusil 

En abattant l’un des poursuivants, il risquait d’ameuter toute la tribu contre lui. Au contraire en tuant le fuyard, il rétablissait l’ordre du sacrifice rituel, et peut-être son intervention serait-elle interprétée comme l’acte surnaturel d’une divinité outragée. Ayant à se ranger dans le camp de la victime ou dans celui des bourreaux – l’un et l’autre lui étant indifférents – la sagesse lui commandait de se faire l’allié des plus forts. Il visa au milieu de la poitrine le fugitif qui n’était plus qu’à trente pas de lui et pressa la détente. Au moment où le coup partait, Tenn, incommodé par la contrainte que lui imposait son maître, fit un brusque effort pour se libérer. Le mousquet dévia, et le premier des poursuivants opéra un plongeon parabolique qui s’acheva dans une gerbe de sable. L’Indien qui le suivait s’arrêta, se pencha sur le corps de son congénère, se releva, inspecta le rideau d’arbres où s’achevait la plage et, finalement, s’enfuit à toutes jambes vers le cercle de ses semblables. 

A quelques mètres de là, dans un massif de fougères arborescentes, un homme noir et nu, l’esprit dévasté par la panique, inclinait son front jusqu’au sol, et sa main cherchait pour le poser sur sa nuque le pied d’un homme blanc et barbu, hérissé d’armes, vêtu de peaux de biques, la tête couverte d’un bonnet de fourrure et farcie par trois millénaires de civilisation occidentale. 

Mais il ressent mépris et déception : son discours sur vendredi est violemment raciste, ethnocentrique : 

« Dieu m’a envoyé un compagnon. Mais, par un tour assez obscur de sa Sainte Volonté, il l’a choisi au plus bas degré de l’échelle humaine. Non seulement il s’agit d’un homme de couleur, mais cet Araucanien costinos est bien loin d’être un pur sang, et tout en lui trahit le métis noir ! Un Indien mâtiné de nègre ! Et s’il était encore d’âge rassis, capable de mesurer calmement sa nullité en face de la civilisation que j’incarne ! » 

” Je ne voulais pas lui donner un nom de chretien (un sauvage n’est pas un être humain) d’où le jour de la semaine. Ce n’est ni un nom de personne ni un nom de chose, une entité demi-vivante, à demi abstraite” 

Robinson décide alors d’éduquer Vendredi à ses valeurs 

  • Lui apprendre assez d’anglais pour qu’il comprenne les ordres 
  • L’habiller d’une livrée de laquais pendant le service 
  • Robinson “paye ” le travail de Vendredi et place de l’argent avec un taux de rendement… 
  • Robinson tente d’inculquer à Vendredi les préceptes chrétiens et le fait parrticiper au service dominical.. 
  • Robinson, en gouverneur “dispense à son domestique, eloges, blâmes et instructions” 
  • Il lui donne des tâches absurdes (“cire les galets de l’ïle” ) 
  • Parfois Vendredi surprend Robinson par ses solutions : le problème des détritus (les fourmis) Dans son Log-Book Robinson dit être satisfait de la soumission de Vendredi, excepté son rire (diabolique). Il est aussi satisfait de sa méthode. S’il bat vendredi, c’est pour son bien, pour lui apprendre les bonnes manières. (travail, discipline) 
  • Parfois, pourtant, il a pitié de lui, il “se met à sa place, livré sans defense sur un ile déserte à toutes les fantaisies d’un dément” et se voit lui même, dans son compagnon sous les espèces d’un monstre comme dans un miroir déformant” 

Au chapitre VIII , profitant de l’absence de Robinson, Vendredi s’empare du contenu du coffre et habille les cactus. 

Robinson oscille entre répulsion et fascination devant les jeux et les actes de Vendredi cet univers secret dont Robinson n’avait pas la clef” 

  • Les arbustes déracinées et plantés à l’envers, les branches enfouies dans la terre et les racines dressées vers le ciel” Traitement “barbare” mais les arbres se métamorphosent et s’adaptent à cette inversion 
  • Les cactées parés de vêtements et de bijoux 
  • L’assèchement de la rizière qui sauve Tenn 
  • Les mandragores “rayées” (“Spéranza bafouée, salie, outragée par un négre” ) 
  • Vendredi dissimulé en homme-plante (jubilation rire /danse) 

Vendredi est réfractaire aux “notions d’ordre, d’économie, de calcul, d’organisation”. Robinson est tenté par le châtiment et la punition du maître sur l’esclave (la chicote : le fouet) mais la lecture de la Bible l’en dissuade 

Robinson est degouté/fasciné par la proximité sauvage (tout à la fois cruelle et mystérieuse) de Vendredi avec le monde animal. L’ épisode de l’oisillon est significatif : Vendredi mâche des vers vivants pour nourrir l’oiseau. gout/répulsion de Robinson mais doute sur la pertinence des valeurs notre civilisation 

Désir plus ou moins avoué de tuer Vendredi par mort accidentelle, naturelle ou provoquée ( “les progrès qu’avaient fait la haine dans son coeur” 174) 

Robinson doute de sa perception de Vendredi et cherche à dépasser les apparences « Pour la première fois il entrevoit nettement, sous le métis grossier et stupide qui l’irrite, l’existence possible d’un autre Vendredi – comme il a soupçonné jadis, bien avant de découvrir la grotte et la combe, une autre île, cachée sous l’île administrée ». 

Le chapitre IX va marquer un tournant décisif dans l’évolution de Robinson : 

Profitant de l’absence de son maitre, V. fume la pipe (ce qui lui est interdit). Surpris par l’arrivée de Robinson, il la jette au fond de la grotte et déclenche l’explosion qui menera à la destruction de la résidence, de la grotte, des bâtiments, de l’oratoire, du calendrier .Mort du chien Tenn. 

Robinson n’a plus rien. 

Mais ce cataclysme rejoint le désir inavoué́ de Robinson :  

“Ainsi Vendredi avait eu raison finalement d’un état de choses qu’il detestait de toutes ses forces” “En verité, l’ile administreé lui pesait à la fin presque autant qu’à Vendredi” 

Robinson accepte cette destruction comme l’avenement d’une ere nouvelle” qu’il faut désormais chercher dans Vendredi : “Vendredi, apres l’avoir liberé malgré lui… allait l’entrainer vers autre chose” 

Cette fois c’est Vendredi qui va initier Robinson 

Apprentissage du principe implicite de la conduite de Vendredi : 

o Pas de travail ni de perception du temps (vivre dans l’instant) 

o Mimétisme physique (ressembler à son nouveau modèle) 

o Ne se rase plus le crâne mais la barbe (signe patriarcal et “tellurique”) 

o Devient le frère de Vendredi (abolition du rapport d’autorité père/fils) 

o Laisse pousser ses cheveux en boucles exubérantes (ciel) 

o N’a plus peur du soleil : sa peau blanche et fragile devient cuivrée 

o Acceptation de son corps/ Apprentissage du jeu et de l’exercice physique 

 

 

Vers l’état solaire (le feu) 

  • Les mouvements ascendants (vers le ciel) se multiplient 
  • Les flèches de Vendredi (“elle ne retombera jamais”) 
  • L’épisode d’ANDOAR marque une nouvelle avancée dans la métamorphose de Robinson :

Le bouc est le double animal de Robinson : « – Andoar, c’était moi. Ce vieux mâle solitaire et têtu avec sa barbe de patriarche et ses toisons suant la lubricité, ce faune tellurique âprement enraciné de ses quatre sabots fourchus dans sa montagne pierreuse, c’était moi. Vendredi s’est pris d’une étrange amitié pour lui, et un jeu cruel s’est engagé entre eux. 

« Je vais faire voler et chanter Andoar », répétait mystérieusement l’Araucan. Mais pour opérer la conversion éolienne du vieux bouc, par quelles épreuves n’a-t-il pas fait passer sa dépouille ! 

Robinson doit aider Vendredi, tombé dans un précipice pendant son combat avec le bouc Andoar, et descend dans le précipice : il dépasse son vertige 

Le bouc est mort. La promesse énigmatique de Vendredi : “Bientot, je le ferai chanter et voler” va se réaliser : il construit un cerf-volant avec la peau de l’animal et une harpe avec ses os. Le grand bouc sacrifié permet la communion avec les éléments bruts : la terre, les arbres, le vent. 

Lorsque Robinson vint le rejoindre, il était couché sur le sable, les mains croisées sous la nuque, et la corde du cerf-volant était nouée à sa cheville gauche. Robinson s’étendit près de lui, et tous deux regardèrent longtemps Andoar qui vivait au milieu des nuages, cédant à de brusques et invisibles attaques, tourmenté par des courants contradictoires, débilité par un calme soudain, mais regagnant bientôt d’un bond vertigineux toute l’altitude perdue. 

Puis quelques jours plus tard, après que le crâne de l’animal a été pârfaitement nettoyé par les fourmis dans le trou l’avait enterré vendredi, il annonce : Andoar va chanter ! promit-il mystérieusement à Robinson qui le regardait faire. 

Au chapitre X , la métamorphose s’ accomplie 

L’explosion et la destruction de l’ancienne vie de Robinson s’inscrit dans le cours d’un destin “en marche depuis le naufrage” comme une “nécessité fatidique” 

Etat qui réalise ce que Robinson avait intuitivement pressenti sous les apparences : une autre île cachée, un état d’innocence qui se concrétise. 

Un autre rapport au temps : 

L’écoulement du temps a changé / “Le cycle s’est rétrécie au point qu’il se confond avec l’instant “ 

“Depuis que la clepsydre à voler en éclats … n’est-ce pas dans l’éternité que nous nous sommes installes, Vendredi et moi ? 

Découverte de l’autre et conscience pour Robinson de sa cécité passée   

Un autre regard sur Vendredi : 

Beauté évidente, brutale, qui paraît faire le néant autour d’elle. 

Il quitte la lagune et s’approche de moi, assis sur la plage. Aussitôt qu’il a commencé à fouler le sable semé de coquillages concassés, dès qu’il est passé entre cette touffe d’algues mauves et ce rocher, réintégrant ainsi un paysage familier, sa beauté change de registre : elle devient grâce. Il me sourit et fait un geste vers le ciel – comme certains anges sur des peintures religieuses – pour me signaler sans doute qu’une brise sud-ouest chasse les nuées accumulées depuis plusieurs jours et va restaurer pour longtemps la royauté absolue du soleil. Il esquisse un pas de danse qui fait chanter l’équilibre des pleins et des déliés de son corps. 

Désir de ressembler à Vendredi, cet être solaire : 

Soleil, rends-moi semblable à Vendredi. Donne-moi le visage de Vendredi, épanoui par le rire, taillé tout entier pour le rire. Ce front très haut, mais fuyant en arrière et couronné d’une guirlande de boucles noires. Cet oeil toujours allumé par la dérision, fendu par l’ironie, chaviré par la drôlerie de tout ce qu’il voit. Cette bouche sinueuse aux coins relevés, gourmande et animale. Ce balancement de la tête sur l’épaule pour mieux rire, pour mieux frapper de risibilité toutes choses qui sont au monde, pour mieux dénoncer et dénouer ces deux crampes, la bêtise et la méchanceté… 

Comment concevoir cette indifférence, cette cécité alors qu’il est pour moi toute l’humanité rassemblée en un seul individu, mon fils et mon père, mon frère et mon voisin, mon prochain, mon lointain… Tous les sentiments qu’un homme projette sur ceux et celles qui vivent autour de lui, je suis bien obligé de les faire converger vers ce seul « autrui », sinon que deviendraient-ils ? Que ferais-je de ma pitié et de ma haine, de mon admiration et de ma peur, si Vendredi ne m’inspirait pas en même temps pitié, haine, admiration et peur ? Cette fascination qu’il exerce sur moi est d’ailleurs en grande partie réciproque, j’en ai eu plusieurs fois la preuve. 

Robinson se métamorphose en être de soleil, dur et inaltérable 

Sous son (Vendredi) influence, sous les coups successifs qu’il m’a assenés, j’ai avancé sur le chemin d’une longue et douloureuse métamorphose. L’homme de la terre arraché à son trou par le génie éolien n’est pas devenu lui-même génie éolien. Il y avait trop de densité en lui, trop de pesanteurs et de lentes maturations. Mais le soleil a touché de sa baguette de lumière cette grosse larve blanche et molle cachée dans les ténèbres souterraines, et elle est devenue phalène au corselet métallique, aux ailes miroitantes de poussière d’or, un être de soleil, dur et inaltérable, mais d’une effrayante faiblesse quand les rayons de l’astre-dieu ne le nourrissent plus. 

Chapitre XI : Arrivée du Withebird 

L’arrivée du Withebird va confronter Robinson à ses valeurs passées, et à un choix définitif 

Robinson prend conscience du temps passé sur Spéranza : 28 ans deux mois et 19 jours 

Peur de Robinson en rentrant en Angleterre de perdre “le bonheur solaire auquel il avait accédéRobinson voit dans l’équipage une “bande fruste et avide” , il trouve ces hommes « ses semblables, à la fois si familiers et si étranges ». 

Les bagarres, le champ brûlé pour trouver les pièces d’or, la traite des noirs et le commerce triangulaire… 

Et Robinson savait qu’il avait été semblable à eux, mû par les mêmes ressorts – la cupidité, l’orgueil, la violence –, qu’il était encore des leurs par toute une part de lui-même. Mais en même temps il les voyait avec le détachement intéressé d’un entomologiste … 

Dégoût de Robinson durant le repas sur le navire: « ce qu’il entendait était aussi lourd et indigeste que les terrines et les viandes en sauce qui défilaient dans son assiette, et il fallait craindre qu’un réflexe de refus ne lui fasse tout à coup vomir en bloc le monde et les moeurs qu’il découvrait peu à peu.

Pourtant ce qui le rebutait principalement, ce n’était point tant la brutalité, la haine et la rapacité que ces hommes civilisés et hautement honorables étalaient avec une naïve tranquillité. (…) Pour Robinson le mal était bien plus profond(…) Car ce qu’ils avaient tous en but, c’était telle acquisition, telle richesse, telle satisfaction, mais pourquoi cette acquisition, cette richesse, cette satisfaction ? Certes aucun n’aurait su le dire. Et Robinson imaginait sans cesse le dialogue qui finirait bien par l’opposer à l’un de ces hommes, le commandant par exemple. « Pourquoi vis-tu ? » lui demanderait-il. Hunter ne saurait évidemment que répondre, et son seul recours serait alors de retourner la question au Solitaire. Alors Robinson lui montrerait la terre de Speranza de sa main gauche, tandis que sa main droite s’élèverait vers le soleil. Après un moment de stupeur, le commandant éclaterait forcément de rire, du rire de la folie devant la sagesse, car comment concevrait-il que  l’Astre Majeur est autre chose qu’une flamme gigantesque, qu’il y a de l’esprit en lui et qu’il a le pouvoir d’irradier d’éternité les êtres qui savent s’ouvrir à lui ? 

Ainsi Robinson décide-t-il de demeurer dans l’île et de laisser partir le navire 

CHAPITRE XII : Disparition de Vendredi / Apparition de l’enfant 

A son retour sur l’île, Robinson réalise le départ de vendredi, l’abattement est total et vient la tentation du suicide. 

Il ne comprenait pas comment Vendredi avait pu le trahir, mais il ne pouvait plus reculer devant l’évidence qu’il était seul dans l’île, seul comme aux premiers jours. Cette quête hagarde acheva de le briser en le ramenant en des lieux chargés de souvenirs où il n’était plus revenu depuis des lustres. Il sentit sous ses doigts fuir la sciure rouge de l’Évasion et, sous ses pieds, glisser la boue tiède de la souille. Il retrouva dans la forêt la peau de chagrin racornie de sa bible. Toutes les pages avaient brûlé, sauf un fragment du Ier livre des Rois, et il lut dans un brouillard de faiblesse : 

« Le Roi David était vieux, avancé en âge. On le couvrait de vêtements sans qu’il pût se réchauffer. Ses serviteurs lui dirent : Que l’on cherche pour mon Seigneur, le Roi, une jeune Vierge. Qu’elle se tienne devant le Roi et le soigne, et qu’elle couche dans ton sein, et mon Seigneur, le Roi, se réchauffera. » 

Robinson comprit que ces vingt-huit années qui n’existaient pas la veille encore venaient de s’abattre sur ses épaules. Le Whitebird les avait apportées avec lui – comme les germes d’une maladie mortelle – et il était devenu tout à coup un vieil homme. Il comprit aussi qu’il n’est pas de pire malédiction pour un vieillard que la solitude. Qu’elle se couche dans ton sein et mon Seigneur, le Roi, se réchauffera. En vérité il grelottait de froid sous la rosée du matin, mais plus personne, jamais, ne le réchaufferait. Une dernière relique se présenta sous ses doigts : le collier de Tenn, rongé de moisissures. 

L’apparition du jeune mousse permet la renaissance. 

L’eternité en reprenant possession de lui, effaçait ce laps de temps sinistre et dérisoire … La lumière fauve le revêtait d’une armure d’une jeunesse inaltérable. ” -Comment t’appelles-tu ? – Je m’appelle Jaan … – Désormais, tu t’appelleras Jeudi. C’est le jour de Jupiter, dieu du Ciel. C’est aussi le dimanche des enfants” 

Dans Le vent Paraclet, Michel Tournier affirme à propos de Vendredi ou les limbes du Pacifique,: 

« Ce n’était pas le mariage de deux civilisations à un stade donné de leur évolution qui m’intéressait, mais la destruction de toute trace de civilisation chez un homme soumis à l’oeuvre décapante d’une solitude inhumaine, la mise à nu des fondements de l’être et de la vie, puis sur cette table rase la création d’un monde nouveau sous forme d’essais, de coups de sonde, de découvertes, d’évidences et d’extases. Vendredi -encore plus vierge de civilisation que Robinson après sa cure de solitude -sert à la fois de guide et d’accoucheur à l’homme nouveau. » 

 

A la fin du roman, Robinson a renoncé à revenir en arrière, à retrouver un état antérieur et refuse le retour à la “civilisation” qui serait pour lui une forme de régression. 

Il s’est produit une inversion des valeurs : la suite d’épreuves initiatiques et de rites de passage, qui ont ponctués la vie de Robinson pendant les 28 années lui permettent de s’affranchir de ses origines pour trouver -ou retrouver -sa véritable identité. Ainsi, l’espace, le temps, le monde civilisé n’existent plus. Mais sans l’enfant, l’aurait-il pu ? 

Un roman initiatique 

Le roman de Tournier n’est donc pas simplement un roman réaliste qui évoque les revers et infortunes d’un héros et de sa survie mais plutôt un roman initiatique construit autour d’une série d’épreuves permettant au héros de passer de l’être pieux et avare en début de roman, à un être accompli (Nietzschéen). 

Mais pour que Robinson puisse se libérer de ses attaches terrestres et accéder en fin de parcours à la sagesse suprême, il devra expérimenter quatre grandes initiations, assimilées aux quatre éléments naturels, qui structurent le roman et marquent son évolution. 

1er élément : l’eau (et la souille) 

Le naufrage produit une rupture initiale entre le héros et son monde ancien. 

La mer le rejette sur le rivage et il échappe à la mort : Renaissance 

Mais l’ile imposera les rituels de la solitude et de l’abstinence. C’est dans cette première période que surviendra l’épisode de la souille. 

Après l’échec dévastateur de la construction de son radeau Evasion, Robinson cède à la tentation de la souille : 

(…) il éprouvait qu’il n’avait pas la force de tenir seul sur ses jambes. Il mangeait, le nez au sol, des choses innommables. Il faisait sous lui et manquait rarement de se rouler dans la molle tiédeur de ses propres déjections. Il se déplaçait de moins en moins, et ses brèves évolutions le ramenaient toujours à la souille. Là il perdait son corps et se délivrait de sa pesanteur dans l’enveloppement humide et chaud de la vase, tandis que les émanations délétères des eaux croupissantes lui obscurcissaient l’esprit. Seuls ses yeux, son nez et sa bouche affleuraient dans le tapis flottant des lentilles d’eau et des oeufs de crapaud. » 

C’est alors que Robinson retrouve le souvenir de son enfance, ici de son père : 

Robinson désirait s’identifier uniquement à la force de sa mère. Il ne se trouvait comme ressemblance avec son père que la couleur de leurs cheveux. Mais dans la souille, dans la déchéance où il se trouve, il réalise à quel point sa faiblesse du moment présent le rapproche davantage d’un père malade que de cette maîtresse femme. 

À ce petit homme timide et frileux, toujours perché sur son très haut pupitre ou inclinant ses lorgnons sur un livre de comptes, Robinson pensait ne devoir que ses cheveux rouges, et tenir pour le reste de sa mère, qui était une maîtresse femme. La souille, en lui révélant ses propres facultés de repliement sur lui-même et de démission en face du monde extérieur, lui apprit qu’il était, davantage qu’il n’avait cru, le fils du petit drapier d’York.

Lors de son dernier passage dans la souille, c’est la mort elle-même qui se présente à Robinson sous les traits de sa soeur décédée alors qu’elle n’était qu’adolescente. Il sait maintenant qu’il doit sortir de l’avilissement de la souille pour assurer son salut et sur ces derniers événements, il consignera dans son log-book: 

Chaque homme a sa pente funeste. La mienne descend vers la souille. C’est là que me chasse Speranza quand elle devient mauvaise et me montre son visage de brute. La souille est ma défaite, mon vice. Ma victoire, c’est l’ordre moral que je dois imposer à Speranza contre son ordre naturel qui n’est que l’autre nom du désordre absolu. Je sais maintenant qu’il ne peut être seulement question ici de survivre. Survivre, c’est mourir. Il faut patiemment et sans relâche construire, organiser, ordonner. Chaque arrêt est un pas en arrière, un pas vers la souille. 

En prenant conscience de la folie destructrice qui le menace, Robinson accepte sa condition en se livrant à une organisation frénétique de l’île. 

Un nouveau Robinson apparaît, un Robinson organisateur qui dira: « Je ne triompherai de la déchéance que dans la mesure (…] où je saurai accepter mon île et me faire accepter par elle ». 

Pour Tournier, ce passage dans la souille est une nécessité : sa régression à une forme primitive de l’être avant sa naissance, entre la mort et la vie est nécessaire à sa renaissance. La perte de la notion du temps donne à ces événements les spécificités d’une expérience mystique. Suspendu « dans un hors-monde et dans un hors-temps » l’image de la statue de limon à laquelle est comparé Robinson évoque un retour pur et simple à l’état primitif. Un retour au temps de la Genèse et au début de l’humanité, lorsque l’être originel fait d’argile, sort des mains du créateur. 

2° élément : le tellurique (terrestre) 

Correspond à la 2° initiation qui correspond à la descente dans la grotte (descente dans le ventre de la mère).  

Robinson va ressentir le besoin d’accéder aux secrets internes que cette nouvelle île semble dissimuler en son sein. C’est au fond d’une grotte, au pied d’un cèdre géant où il entrepose ses biens que se trouve un tunnel étroit dans lequel il osera s’aventurer. Selon les nouveaux besoins de sa chair et de son coeur, et considérant désormais l’île comme une personne de nature indiscutablement féminine, la grotte se charge d’une signification nouvelle pour Robinson

3° élément : l’air (période éolienne) 

Vendredi va libérer Robinson de ses racines terriennes. La métaphore de la chrysalide devenue papillon marquera définitivement sa conversion à l’élément de l’air. 

La période éolienne de Robinson est d’abord marqué par un dépassement de ses préjugés racistes et de ses préceptes religieux mais c’est le combat entre Vendredi et un énorme bouc, Andoar, décrit comme le patriarche de l’île qui déclenche une nouvelle prise de conscience chez Robinson : 

Andoar, c’était moi. Ce vieux mâle solitaire et têtu avec sa barbe de patriarche et ses toisons suant la lubricité, ce faune tellurique âprement enraciné de ses quatre sabots fourchus dans sa montagne pierreuse, c’était moi.  

 

L’immolation du bouc par Vendredi qui promet alors à Robinson qu’Andoar volera et chantera, annonce les dernières transformations qui marqueront le cheminement et l’élévation auxquels est voué R.. 

Avec beaucoup d’acharnement sur la dépouille du bouc, Vendredi fabrique ainsi un cerf-volant et une harpe éolienne et ce sera la confection de la harpe éolienne qui donnera à Robinson l’impression d’effleurer le divin et de fusionner avec l’univers: 

Robinson croit alors entendre un concert qu’il qualifie de céleste: 

C’était une note unique -mais riche d’harmoniques infinis -qui refermait sur l’âme une emprise définitive, [… ], dont la puissance soutenue avait quelque chose de fatal et d’implacable qui fascinait. 

4° élément : le feu (Solaire) 

Vendredi 

De la première apparition de l’indien dans l’île aux dernières péripéties relatées sur sa vie d’esclave avant l’explosion de la grotte, ce n’est qu’à partir des aventures de la vie commune des deux protagonistes qu’émerge la véritable valeur conférée par Tournier à cet indispensable personnage donnant même son nom au titre du roman. 

Antithèse vivante de Robinson, Vendredi doit d’abord éradiquer l’influence occidentale qui conditionne Robinson. 

Après la destruction de la grotte, il remplace spontanément l’ordre désormais évaporé qu’avait instauré Robinson et lui enseigne lentement les principes de leur nouvelle vie. Encore une fois, Tournier utilise l’image des racines pour figurer l’inversion soudaine infligée aux valeurs et préceptes auxquels souscrivait l’ancien Robinson: Vendredi déterre un arbuste et le plante à l’envers; les branches enfouies sous terre et les racines à l’air libre, l’arbuste reprend vie en inversant le cours de sa sève. 

Si les deux Vendredi (celui de Defoe et celui de Tournier) ont sensiblement la même attitude au départ : prosternation et soumission aux pieds de l’homme blanc, le Vendredi de Tournier va très vite « désobeir » c’est à dire se comporter en sujet libre, capable de faire des choix : 

  • Il refuse la nourriture civilisée 
  • Il refuse de couvrir sa nudité ! 
  • Il finira par s’y plier mais n’y adhèrera pas. 

Vendredi a deux positions : 

Devant Robinson (le maitre), il se soumet à son pouvoir, à ses valeurs.  

En l’absence de Robinson, Vendredi est un être autonome, détenteur d’un savoir et d’un vouloir qui lui sont propre. C’est l’idée de relativisme culturel de Levi-Strauss qu’on retrouve ici. 

Vendredi va accidentellement détruire le monde de Robinson. Cette destruction n‘est pas le produit d’un acte volontaire de rébellion.  

Dans la transformation négative de l’espace de Robison, Vendredi ne se comporte plus en tant que sujet mais, agissant sans vouloir, il apparaît poussé par une inspiration peut-être ludique. 

La première scène de saccage le montre seul, sujet autonome, en dehors de la surveillance de son maître ; il puise dans les coffres de somptueux costumes d’apparat sauvés du naufrage et il en revêt les cactus de l’île, déchirant et maculant les étoffes précieuses sans que nous en comprenions la raison: apparemment, il détruit les objets de valeur que le maître utilise pour sa domination, mais il ne montre aucune volonté négative ; il jouerait, plutôt. Nous le voyons agir avec innocence et indifférence. Robinson verra dans cet acte une manifestation de la rebellion, rejetant son autorité. 

Cependant, alerté par un comportement qu’il ne peut comprendre, Robinson se met à guetter Vendredi en liberté, et c’est en épiant le jeune sauvage qu’il comprend sa véritable nature. 

Les deux autres scènes, celle de la destruction de la rizière et celle de l’explosion de la grotte confirmeront cette pré-connaissance : Vendredi, Tournier et Robinson en sont persuadés est un agent irresponsable qui n’établit aucun lien entre ses actes et leurs conséquences. 

En l’absence d’un vouloir manifeste et assumé on les pourrait croire dus au hasard, à la fatalité. Cependant, ces actes concourent tous à la destruction de l’espace civilisé. Désormais, ce personnage, à la fois innocent et inquiétant n’a plus rien à voir avec le sauvage de Defoë: Vendredi-Tournier est doué d’un pouvoir de transformation qui n’est le fait que de sa nature, non de sa volonté. 

Cela, Robinson l’a compris avec inquiétude: le sauvage est un être élémentaire,  de la même nature que la faune, la flore et la terre de l’île bien-aimée de Robinson. Cette nouvelle dimension, création originale de Tournier, place désormais le sauvage dans un domaine déjà mythologique, proche des esprits de la forêt, communiquant avec les animaux et célébrant les mystères d’un culte élémentaire qui échappe à Robinson désemparé. 

 

Changement de paradigme 

Bien que Robinson prenne conscience à un moment donné de la vanité accablante de son oeuvre tout entière (« Pour nourrir qui ? Pour protéger qui ? Chacun de ses gestes, chacun de ses travaux était un appel lancé vers quelqu’un et demeu- rait sans réponse »), il ne cesse de penser, du moins jusqu’à l’arrivee de Vendredi, que ce type d’administration est le seul possible, ne serait-ce parce que, dans sa vision, il represente la seule garantie de son humanité qui peut le protéger contre le risque de l’animalisation. 

Mais l’humanité dans son universalité se réduit-elle vraiment à ce qui caractérise la société occidentale dans son développement historique, en l’occurrence l’agriculture, l’argent, l’écriture ou l’assujettissement de l’autre colonisé ? 

L’anthropologie structurale de Lévi-Strauss, dont les cours au Musée de l’homme ont profondément influencé Tournier, a non seulement mis en relief le fait que d’autres civilisations dignes de ce nom ont existé et existent toujours, mais aussi et surtout que toute société représente l’« humain » dans sa plénitude, que les civilisations extra-européennes, loin d’être inférieures, constituent plutot des alternatives possibles. 

LES MxTHES DANS LE ROMAN

 On trouve des références aux mythes des origines : 

Après l’épisode de la souille, Robinson évoque le temps de la Genèse alors que sortait des mains du créateur le premier homme fait d’argile. 

Lors de la construction de l’Évasion, un radeau géant conçu dans le but de quitter l’île, c’est encore une fois le chapitre de la Genèse qu’il lit en assimilant son entreprise à celle de l’Arche de Noé. « Ce jour-là, il crut trouver dans le chapitre IV de la Genèse – celui qui relate le Déluge et la construction de l’arche par Noé – une allusion évidente au navire de salut qui allait sortir de ses mains (ch 2) » 

Lorsqu’il découvre l’empreinte de son pied nu, maintenant calcifiée sur la plage de son naufrage, il évoque le pied d’Adam prenant possession du Jardin d’Éden. 

Son pied entrait dans ce moule de pierre, comme dans un brodequin usé et familier. Il ne pouvait y avoir de confusion, ce cachet séculaire – celui du pied d’Adam prenant possession du Jardin, celui de Vénus sortant des eaux – c’était aussi la signature personnelle, inimitable de Robinson, imprimée dans la roche même, et donc indélébile, éternelle. Speranza – comme une de ces vaches à demi sauvages de la prairie argentine, marquées pourtant au fer rouge – portait désormais le sceau de son Seigneur et Maître. 

QUESTIONS D’ORAL 

A quoi sert au début du roman, le passage du tirage de tarot ?

C’est en qq sorte le plan de l’évolution de Robinson. Un résumé des étapes… 

Le roman s’ouvre sur une conversation entre le capitaine Pieter Van Deyssel et Robinson Crusoë. Le capitaine prédit son avenir à Robinson mais donc aussi le récit à venir. Chaque carte tirée et commentée trouve, en effet, sa vérification dans la suite du roman. Le romancier, tel un démiurge, soumet donc bien sa créature à ce qui lui tiendra lieu de destin. 

Ce tirage fait office à la fois d’introduction et de mise en perspective symbolique de toute l’histoire. Robinson en effet est présenté par le capitaine Van Desseyl, de manière prémonitoire, selon les différents états sous lesquels il se métamorphosera. Cela a pour signification première d’avertir le lecteur que les mésaventures de Robinson Crusoé ont un sens quasiment fatal. C’est ensuite signifier que les différentes attitudes de Robinson dans sa vie sur son île, ses différents comportements, sont symboliques et représentent sans aucun doute un processus vers l’élaboration d’une histoire mythique de Robinson au sens où Tournier nous livre une histoire qui fonde les rapports de l’homme avec la Terre, avec le monde en récupérant nos peurs et nos angoisses les plus fondamentales. 

1 – Le démiurge : « Il y en vous un organisateur qui lutte contre un univers en désordre qu’il s’efforce de maîtriser avec ses moyens de fortune. Mais son oeuvre est illusion, son ordre illusoire. Il l’ignore. Le scepticisme n’est pas son fort.  

2 – Mars : « Le petit démiurge a remporté une victoire apparente sur la nature. Il a triomphé par la force et impose autour de lui un ordre qui est à son image. » La transformation de l’ile, les decrets… 

3 – L’Hermite : « Le guerrier a pris conscience de sa solitude. Il s’est retiré au fond de la grotte pour y retrouver sa source originelle. Mais en s’enfonçant ainsi au sein de la terre, il est devenu un autre homme. Son âme a subi d’intimes fissures. »La descente dans la grotte 

4 – Vénus : « Voilà qui va faire sortir l’ermite de son trou. » Arrivée de Vendredi 

5 – Le sagittaire : « Vénus transformée en ange ailé envoie des flèches vers le soleil. » 

6 – le Chaos : « La bête de la Terre en lutte avec un monstre de flammes » 

7 – Saturne : « Figurant un pendu par les pieds. Vous voilà la tête en bas. » 

8 – Les Gémeaux : « vénus est devenue vote frère jumeau (les Gémeaux sont figurés attachés par le cou aux pieds de l’ange bisexué. Retenez bien cela !) Deux enfants se tiennent par la main devant un mur qui symbolise la Cité solaire. De laquelle les habitants ont accédé à la sexualité solaire qui est, plus qu’androgynique, circulaire. C’est le zénith de la perfection humaine. Il semble que vous soyez à vous élever jusque-là. » 

9 – Le Capricorne : « La porte de sortie des âmes, autant dire la mort. » 

10 – Jupiter : « Vous êtes sauvé ! Vous coulez à pic et le dieu du ciel vous vient en aide. Il s’incarne dans un enfant d’or, issu des entrailles de la Terre, qui vous rend les clefs de la cité solaire. 

Vous trouverez ci-contre un résumé détaillé de l’oeuvre