L’auteur
Eugène Ionesco est né en 1912, en Roumanie d’une mère française. Élevé en France jusqu’à 13 ans, il achève ses études en Roumanie où il devient professeur de français. En 1938, il ne supporte plus le climat créé par la montée du fascisme en Roumanie, il quitte Bucarest et s’installe en France. Pendant la Seconde Guerre mondiale et dans les années qui la suivirent, il exerça divers métiers‚ dans le Midi, puis à Paris.
Avec la création de sa première pièce, en 1950, La Cantatrice chauve, au Théâtre des Noctambules, il rencontre l’incompréhension et la colère de la plupart des critiques. Cette pièce devient un texte fondateur du théâtre contemporain et fait de lui le père du “Théâtre de l’absurde”. Jacques ou la soumission a été écrite juste après.
Résumé
Un professeur dans une petite ville de province, reçoit une jeune élève qui veut passer son doctorat total. Il va lui apprendre successivement l’arithmétique et la philologie comparée. Mais selon les prédictions de la bonne, ” La leçon” ne peut être que funeste, car : “l’arithmétique mène à la philologie et la philologie mène au pire”… Le comique de Ionesco consiste à trouver de l’absurdité dans le banal. Extrême simplicité d’inspiration comme de ses effets, sens aiguë de l’absurde, dextérité à renverser les termes des propositions, à prendre à rebours les axiomes sur lesquels s’endort notre paresse, ces clowneries verbales qui crèvent nos cerveaux moisis, jalonnant la piste, où nous tournons en rond en son cynisme bon enfant. L’absurdité de la “La Leçon” tourne vite au cauchemar, selon les lois du plus parfait humour noir.
Interview trés interessante d’Eugène Ionseco sur l’absurde : Ecoutez-le !
https://www.youtube.com/watch?v=oxsdK2r129s
Aurel Barbinta, La Leçon de Ionesco, symbole du totalitarisme, Université de Cluj-Napoca, 2013.
Ionesco a choisi un professeur pour montrer le pouvoir, souvent perverti, que possède la connaissance. S`il s`est arrêté sur l`enseignant, c`est parce qu`il exerce une profession vouée à la transmission du savoir et qu`il est amené à entretenir des rapports d`autorité avec ses élèves. C`est dans l`exercice de son métier que le professeur de La Leçon révèle, par son comportement, comment la connaissance peut être détournée de façon perverse pour devenir un d`asservissement. […]
Dans une étude consacrée à Ionesco, Marie-Claude Hubert, utilise en ce sens le syntagme de « connaissance paranoïaque » (Hubert), et démontre que le savoir peut à tout instant faire basculer l`être dans la folie et déchaîner, chez celui qui croit le posséder, une soif inextinguible de puissance, au point qu`il se confond avec le « maître absolu » dont parle Hegel et brise l`élève, pauvre fétu entre ses mains, lorsqu`il tente de le lui communiquer. Mais comme il n`a plus alors d`esclave pour le reconnaître en tant que tel, il lui faut impérativement un autre élève qui lui renvoie l`image en miroir de sa maîtrise. Le professeur de La Leçon abuse de son autorité pour réaliser ses désirs: « Si l`on veut trouver un sens à La Leçon, c`est toute la puissance du désir, déclare Ionesco dans Antidotes. L`irrationalité extrêmement puissante du désir: l`instinct est plus fort que la culture. La Leçon, c`est l`histoire d`un viol, et le Professeur a beau continuer à apprendre à l`Élève l`arithmétique et la philologie – la philologie qui mène au crime ! – il se passe autre chose de plus violent ». Il ne peut assouvir sa sexualité que sous sa forme la plus violente, la plus sadique. Après le crime, tout penaud, il redevient l`homme timide du début. Il ne possède en réalité qu`un pouvoir relatif, lié au service que l`élève lui demande : elle a besoin de progresser intellectuellement, il doit lui en donner les moyens. Les ordres qu`il lui donne devraient être soumis à ce but. La répression ne peut logiquement être envisagée que dans la mesure où elle sert à canaliser une énergie qui se disperserait. En ce sens, son pouvoir est celui de toute loi sociale, qui contraint l`individu pour un bien supérieur. Le physique ingrat du professeur ne lui permettrait de pas de séduire l`élève. Pour qu`elle se mette à sa disposition, qu`elle consente à se livrer à lui, il va se servir de son pouvoir. Mais l`arsenal répressif de l`enseignement ne suffirait pas. Subtilement, il va utiliser le flot des paroles qui hypnotise d`autant plus qu`il est confus, voire incompréhensible.
[…] En guise de conclusion, nous pouvons constater que derrière une relation d`autorité aussi innocente que la relation professeur élève se cache toute la violence, l`agressivité passive, la cruauté et la convoitise qui sont inhérentes à toute manifestation du pouvoir. Ainsi l`autorité se trouve complètement démystifiée : d`une part le pédagogue est un monstre aux pulsions purement sexuelles, d`autre part il est grotesque, physiquement comme intellectuellement. Au-delà de l`apologie du totalitarisme, à travers cette relation maître-élève on nous révèle la ridicule et futile existence humaine dans un univers imprévisible, où, dû à leurs limites innées, les personnes sont incapables de communiquer les unes avec les autres. On nous révèle aussi une imminente violation des droits de l`homme.
Ionesco, Notes et Contre notes
Fiche mémoire O.I