C. McCarthy, La Route, oeuvre cursive

  

Cormac McCarthy est un écrivain américain né en 1933 sous le nom de Charles McCarthy. Considéré par certains comme l’un des plus grands écrivains américains vivants, Cormac McCarthy écrit depuis plus de quarante ans.

Ses œuvres sont assez noires et violentes. Un Enfant de Dieu (1974), Méridien de sang (1985) ou Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme (2005), adapté à l’écran par les frères Coen en 2007 (No Country for Old Men).   

La Route (2006),   roman qui a obtenu  le prestigieux prix Pulitzer, s’ouvre sur l’errance d’un père et son fils sur une terre dévastée.

LE ROMAN

L’apocalypse a eu lieu. Le monde est dévasté, couvert de cendres. Un père et son fils errent sur une route, poussant un caddie rempli d’objets hétéroclites et de vieilles couvertures. Ils sont sur leurs gardes car le danger peut surgir à tout moment. Ils affrontent la pluie, la neige, le froid. Et ce qui reste d’une humanité retournée à la barbarie. Cormac McCarthy raconte leur odyssée dans ce récit dépouillé à l’extrême.
      

 « Héritier de la Bible et de Shakespeare, de Hawthorne et de Faulkner, archaïque, lyrique et visionnaire, sensible à la beauté du monde, McCarthy est hanté par la violence des hommes et la question du Mal. » Nathalie Crom, Télérama

  La Route (1) : l’incipit

Quand il se réveillait dans les bois dans l’obscurité et le froid de la nuit il tendait la main pour toucher l’enfant qui dormait à son côté. Les nuits obscures au-delà de l’obscur et les jours chaque jour plus gris que celui d’avant. Comme l’assaut d’on ne sait quel glaucome[1] froid assombrissant le monde sous sa taie. A chaque précieuse respiration sa main se soulevait et retombait doucement. Il repoussa la bâche en plastique et se souleva dans les vêtements et  les couvertures empuantis et regarda vers l’est en quête d’une lumière mais il n’y en avait pas. Dans le rêve dont il venait de s’éveiller il errait dans une caverne où l’enfant le guidait par la main. La lueur de leur lanterne miroitait sur les parois de calcite mouillées. Ils étaient là tous les deux pareils aux vagabonds de la fable, engloutis et perdus dans les entrailles d’une bête de granit. De profondes cannelures de pierre où l’eau tombait goutte à goutte et chantait. Marquant dans le silence les minutes de la terre et ses heures et ses jours et les années sans s’interrompre jamais. Jusqu’à ce qu’ils arrivent dans une vaste salle de pierre où il y avait un lac noir et antique.  Et sur la rive d’en face une créature qui levait sa gueule ruisselante au-dessus de la vasque de travertin et regardait fixement dans la lumière avec des yeux morts blancs et aveugles comme des œufs d’araignée. Elle balançait la tête au ras de l’eau comme pour capter l’odeur de ce qu’elle ne pouvait pas voir. Accroupie là, pâle et nue et transparente, l’ombre de ses os d’albâtre projetée derrière elle sur les rochers. Ses intestins, son cœur battant. Le cerveau qui pulsait dans une cloche de verre mat. Elle secoua la tête de gauche à droite et de droite à gauche puis elle émit un gémissement sourd et se tourna et s’éloigna en titubant et partit à petits bonds silencieux dans l’obscurité.

A la première lueur grise il se leva et laissa le petit dormir et alla sur la route et s’accroupit, scrutant le pays vers le sud. Nu, silencieux, impie.  Il pensait qu’on devait être en octobre mais il n’en était pas certain. Il y avait des années qu’il ne tenait plus de calendrier. Ils allaient vers le sud. Il n’y aurait pas moyen de survivre un autre hiver par ici.

[1] Maladie oculaire due à une pression anormale à l’intérieur de l’œil entraînant une baisse de la vue pouvant aller jusqu’à la cécité

Suivi de lecture 1

 

  1. Que savons-nous de « il » ?
  2. Quelles informations avons-nous sur le lieu, l’époque ?
  3. Quel est le temps utilisé au début du chapitre ? Quelle(s) impression(s) s’en dégage ?
  4. Qu’apporte le récit du rêve à l’impression générale que donne le début de ce roman ?
  5. Ce passage donne-t-il déjà des -informations qui justifient le titre « La Route » ?

Ecrire : Hypothèse d’interprétation du texte.

 

A partir des informations données au début du roman, à quoi le lecteur doit-il s’attendre pour la suite ?

 

 Rechercher : (pour la prochaine fois)

Trouver dans les pages qui suivent, le passage du livre qui décrit une scène   identique à l’image ci-dessous extraite de la bande annonce du film The Road, de John Hillcoat (Sortie octobre 2009)

A retenir : Qu’est-ce qu’un incipit ?

Un incipit est le début d’un texte, en général d’un roman (du latin incipio, is, ere : « commencer »).

L’incipit est d’une durée variable, de quelques phrases à plusieurs pages. 

Normalement il a pour fonction d’informer le lecteur sur les lieux, les personnages, l’époque… . L’incipit de la route est « in media res », c’est-à-dire que nous sommes plongés directement dans l’histoire qui a commencé sans nous, avant…

 LA ROUTE  (2)

Pour ne pas quitter la route … :

Entre l’incipit du roman et le passage ci-dessous, un certain nombre d’informations nous ont été données. Répondez en une phrase ou deux :

  1. Vers quelle direction se dirigent les personnages et pourquoi ?
  2. On ne sait pas précisément ce qui a détruit la Terre. Mais on sait que les pendules se sont arrêtées à une heure précise.. Laquelle? Avec qui était le père ce jour là ? Que s’est-il passé ?
  3. Le Père trouve une cannette de Coca dans le distributeur d’un supermarché et la donne à son fils ?   En quoi cette scène est-elle touchante ?
  4. Le père s’assied au bord de la route, sort son portefeuille et les objets qu’il contenait. Lesquels ? Que fait-il de ces objets ? Quelle est la signification de ce geste ?
  5. Qu’est-il arrivé à la mère ? Retrouvez le passage qui nous le raconte.

 Extrait 2 : « J’sais pas quoi faire. » (pp…)

A la recherche de nourriture et de couvertures, le père et le fils viennent de pénétrer dans une maison dans la cave de laquelle ils ont fait une  découverte terrifiante. Au moment où ils s’enfuient de ce lieu inhumain, ils aperçoivent « quatre barbus et deux femmes » qui se dirigent vers eux :

…Ils rampèrent lentement à travers les feuilles vers ce qui semblait être un creux. Il écoutait, allongé par terre, tenant toujours le petit. Il les entendait qui parlaient sur la route. Une voix de femme. Puis il les entendit dans les feuilles sèches. Il prit la main du petit et y poussa le revolver. Prends-le souffla-t-il. Prends-le. Le petit était terrifié. Il l’entourait de son bras et le serrait contre lui. Son corps si mince. N’aie pas peur, dit-il. S’ils te trouvent il va falloir que tu le fasses. Tu comprends ? Chut. Ne pleure pas. Tu m’entends ? Tu sais comment t’y prendre. Tu le mets dans ta bouche en le pointant vers le haut. Presse vite et fort. Tu comprends ? Arrête de pleurer. Tu comprends ?

Je crois.
Non. Tu comprends ?

Oui

Dis oui Papa je comprends.

Oui Papa je comprends.

Il baissa les yeux sur l’enfant . Tout ce qu’il voyait c’était la peur. Il lui reprit le revolver.Non, tu ne comprends pas, dit-il.

J’sais pas quoi faire, Papa. J’sais pas quoi faire. Où seras-tu ?

Ça va aller.
J’sais pas quoi faire.
Chut. Je suis ici près de toi. Je ne vais pas te laisser.

Tu promets.

Oui. Je promets. J’allais partir en courant pour essayer de les mettre sur une fausse piste. Mais je ne peux pas te laisser.
Papa ?

Chut. Reste allongé.

J’ai tellement peur.

Chut.

 

Ils étaient plaqués au sol, dressant l’oreille. En es-tu capable ? Le moment venu ? Le moment venu il ne sera plus temps. Le moment c’est maintenant. Maudis Dieu et meurs. Et si le coup ne part pas ? Il faut que le coup parte ; mais s’il ne part pas ? Pourrais-tu écraser avec une pierre ce crâne chéri ? Y-a-t-il en toi une pareille créature dont tu ne sais rien ? Est-ce possible ? Tiens-le dans tes bras. Juste comme ça. L’âme est prompte. Presse-le contre toi. Embrasse-le. Vite.

 Suivi de

lecture 2

 

  1. Dans le 1er paragraphe, relevez les mots qui appartiennent au champ lexical de la peur et celui de la protection et de la tendresse.
  2. Que doit comprendre le petit garçon ?
  3. Observez la succession des phrases : l’alternance de phrases interrogatives et impératives courtes donne une forte impression : laquelle ?
  4. Pourquoi l’enfant répète-t-il « j’sais pas quoi faire ? »
  5. Dans le dernier paragraphe, qui parle à qui ? A quoi le voyez-vous ?

 Écrire:

 

McCarthy a une écriture dépouillée. Il a fait le choix de ne pas développer la psychologie des personnages, leurs impressions… Les phrases sont courtes. Le père et le fils disent le minimum, Imaginez que le fils survive et que bien longtemps après, dans un monde meilleur, il écrive un livre dans lequel il raconte ce passage.

Consignes et conseils :

  • Vous écrirez votre texte au passé et à la 1ère
  • Vous développerez les sentiments que l’enfant éprouvait alors.
  • N’oubliez pas que l’enfant a grandi et que le monde a changé. Il écrit peut-être trente ou quarante ans après les faits. Il revient sur la situation, sur ce qu’il a pu ressentir à cette époque, sur l’amour qui l’unissait à son père.

 LA ROUTE (3)

Pour ne pas quitter la route … :

Entre l’extrait précédemment étudié et ce passage……. Répondez en une phrase ou deux :

Au cours de leur périple, le père et le fils trouvent un abri plus accueillant qu’à l’ordinaire : Lequel ? Que vont-ils y faire d’inhabituel ?

 

Un peu d’humanité (P.140)

 

Tard dans la journée du lendemain au débouché d’un tournant le petit s’arrêta sur la route et posa la main sur le caddie. Papa, souffla-t-il. L’homme leva la tête. Une petite silhouette au loin sur la route, voutée et traînant les pieds. 

Il s’arrêta en s’appuyant à la barre du caddie. Eh bien dit-il. Qui c’est celui-là ?

Qu’est-ce qu’il faut qu’on fasse, Papa ?

Ça pourrait être un leurre[1].

Qu’est-ce qu’on va faire ?

On va simplement le suivre. On verra s’il se retourne.

D’accord.

Le vagabond n’était pas de ces gens qui regardent en arrière. Ils le suivirent un moment puis le dépassèrent. Un vieillard petit et vouté. (…)

On eût dit un tas de guenilles tombées d’un caddie. Ils s’étaient approchés et le regardaient. Monsieur ? dit l’homme. Monsieur ?

Le petit s’accroupit et lui mit une main sur l’épaule. Il a peur Papa. Le monsieur a peur.

L’homme regardait la route, des deux côtés. Si c’est une embuscade, il y aura droit le premier, dit-il.

Il a peur, papa. C’est tout.

Dis-lui qu’on ne lui fera pas de mal.Le vieillard hochait la tête de gauche à droite, ses doigts noués dans ses cheveux crasseux. Le petit leva les yeux sur son père.

Il croit peut-être qu’on est pas pour de vrai ?

Il croit qu’on est quoi ?

J’en sais rien.

On ne peut pas rester ici. Il faut partir.

Il a peur Papa.

Je ne crois pas que tu devrais le toucher.

On pourrait peut-être lui donner quelque chose à manger.

Il restait debout et surveillait la route. Et merde, fit-il entre les dents. Il baissa les yeux sur le vieillard. Il s’était peut-être métamorphosé en Dieu, et eux en arbre. D’accord, dit-il.

Il détacha la bâche et l’écarta et fouilla parmi les boites de conserve et trouva une boite de salades de fruits et sortit l’ouvre boite et plia le couvercle et s’approcha et s’accroupit et tendit la boite au petit.

[1] Leurre : quelque chose destiné à tromper, à piéger

Comprendre 

  • Dans un tableau , relevez des mots ou expressions qui qualifient l’attitude du père et celle du fils : Quelles différences observez-vous ?
  • Que symbolise l’enfant dans ce passage ? Peut-on y voir un espoir ? Pourquoi ?
  • Dans le dernier paragraphe de l’extrait, le narrateur emploie de manière répétitive la conjonction  « et » :  Il détacha la bâche et l’écarta et fouilla parmi les boites de conserve et trouva une boite de salades de fruits et sortit l’ouvre boite et plia le couvercle et s’approcha et s’accroupit et tendit la boite au petit.  Quel est l’effet produit ? dans quel but ?

Comparer 

 

Le livre de Cormac McCarthy fait parfois  indirectement  référence à des passages de la Bible ou des Evangiles. Voici un extrait de la parabole du Bon Samaritain qui illustre le devoir du chrétien: « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Un docteur de la Loi demande à Jésus qui est son prochain…

« Et Jésus, répondant, dit :  « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba dans les mains des brigands, qui le dépouillèrent, le chargèrent de coups et s’en allèrent, le laissant à demi-mort. Un Sacrificateur (un chef religieux chargé des sacrifices au temple de Dieu), qui fortuitement descendait par le même chemin, ayant vu cet homme, passa outre. Un Lévite (un religieux chargé d’expliquer la loi), qui arriva aussi dans ce lieu, l’ayant vu, passa outre. Mais un Samaritain (un habitant du nord de la Palestine), qui voyageait, étant venu là, fut ému de compassion lorsqu’il le vit. Il s’approcha et banda ses plaies… puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie, et prit soin de lui. Le lendemain, il tira deux deniers (une forte somme), les donna à l’hôte (c’est-à-dire au gérant de l’auberge) et dit : aie soin de lui et ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour ». Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ?

 Luc  20

Quels liens peut-on faire entre ce texte évangélique et celui de McCarthy ?

Brueghel, Les aveugles

Retenir : Qu’est-ce qu’une parabole ?

La parabole n’est pas qu’une antenne de télévision ! C’est aussi un  court récit allégorique, symbolique sous lequel se cache un enseignement moral ou religieux, que l’on trouve en particulier dans les livres saints des diverses religions.

L’allégorie  consiste à représenter une idée abstraite, une notion morale par une image ou un récit. On trouve aussi beaucoup d’allégories en peinture.