Poésie & Résistance

POESIE & RESISTANCE

« La  poésie est une arme de résistance contre l’humiliation des femmes et des peuples » 

Maram Al Masri (Poétesse syrienne contemporaine)

 

Ali Ferzat, le plus célèbre caricaturiste syrien, a été enlevé et passé à tabac le 25 août 2011. Ses doigts ont été brisés. Ce portrait s'est propagé sur le Net dans les jours suivants. Signé par Ali Ferzat, il est en réalité dû à un dessinateur anonyme. NC (Source Le Monde)

Plan du cours

Cet objet d’étude  s’intitule « Poésie & Résistance » et il s’axe sur la période 1933-1945. Mais nous nous interrogerons aussi de façon plus générale sur le rôle et le pouvoir de l’art contre l’oppression, hier et aujourd’hui.

 

 

I. CONTEXTES (1920-1945)

A. La montée des totalitarismes en Europe : 1922-1939

B. Rappel du contexte de la 2° guerre mondiale

C. Collaboration & propagande

 

II. RESISTER

Introduction

II.a)  Arts en résistance

Avant 1939

*John Heartfield

*Pablo Picasso

Après 1939

*Charlie Chaplin

*René Iché

* Rose Valland

 

II.b) Résister c’est informer

*Tracts et journaux clandestins

*Dessins, BD…

*Radio

*Chants et chansons

*Théâtre et cinéma

 

II.C) Créer pour survivre

L’art dans les camps d’internement

L’art dans les camps d’extermination

Résister aujourd’hui

 

III. POETES RESISTANTS

René Guy Cadou

Louis Aragon

Robert Desnos

Marianne Cohn

René Char

 

A. La montée des totalitarismes en Europe : 1922-1939

URSS :  Staline

Après la Révolution Russe de 1917 et la mort de Lénine,   la jeune Union des Républiques Socialistes Soviétiques (1922) a pour chef à partir de 1924 et jusqu’en 1953, Joseph Staline. Dénommé « Le petit père du peuple »…Epuration, exécution sommaire des opposants, goulags, culte de la personnalité…Tout y est pour faire un parfait dictateur !

ITALIE :  Mussolini (1883 -1945) 

Père du fascisme italien, il est président du Conseil du Royaume d’Italie, du 31 octobre 1922 au 25 juillet 1943, et président de la République sociale italienne (RSI) de septembre 1943 à avril 1945. Il est désigné par le terme « Duce »,  « Chef » ou « Guide ». Comme Hitler sera le führer, c’est à dir…le guide !

ESPAGNE : Franco

A partir de 1936 le général Franco établit un état dictatorial en Espagne. Il est lui aussi appelé le guide,  le  « caudillo ».. Sa dictature durera jusqu’en 1975

ALLEMAGNE : Hitler

A partir de 1933, Hitler est nommé chancelier du Reich… Il s’octroiera les pleins pouvoirs en 1934. On connait la suite…Le monde basculera dans l’horreur jusqu’en 1945.

B. L’Europe de 1930 à 1939

Rappel du contexte de la 2° guerre mondiale

Hitler attaque la Pologne

Après l’invasion de la Pologne par Hitler le 1er septembre 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne nazie le 3 septembre 1939.

Mais au bout de six semaines, la France est envahie par les nazis ( mai 1940), et l’armistice est signé le 22 juin 1940.

C. Juin 40 : L’armistice, la débâcle et l’exode.

La France est alors divisée en deux zones (zone libre : sud de la France/ zone occupée : le nord jusqu’à Vichy 

C’est l’exode . Plusieurs millions de Français fuient l’arrivée des Allemands et partent dans le sud..

L’exode dans le film  de René Clément, Jeux interdits

Affiche
Brigitte Fossey dans Jeux interdits

Jeux interdits, un film de René Clément de 1952

Au cours de l’exode de 1940 en France, un convoi de civils est mitraillé. Paulette, 5 ans, perd ses parents et se met à errer dans la campagne, serrant dans ses bras le cadavre de son chien. Dans les bois, elle rencontre Michel, un garçon de 10 ans, qui l’emmène vivre dans la ferme de ses parents…

En juillet, Pétain obtient tous les pouvoirs, c’est la fin de la III° République.

Il instaure l’État français, installé à Vichy. Ce régime réactionnaire et conservateur supprime toutes les libertés fondamentales (liberté de la presse, liberté d’expression, droit de grève, droit de vote, droit de manifester et de se réunir) et interdit syndicats et partis politiques. Il développe son idéologie, la « Révolution Nationale », basée sur la devise « Travail, Famille, Patrie » qui doit imposer une vision idéale de la France. Des ennemis sont aussi désignés : juifs, étrangers, communistes, Tsiganes, francs-maçons, résistants sont « indésirables » et écartés de la société, puis pourchassés.

Pétain et la Révolution nationale

Juillet 1942 : La rafle du Veld’hiv

Le 16 juillet 1942 a lieu l’un des pires épisodes de la collaboration entre le Régime de Vichy et les nazis : La rafle du Veld ‘hiv

16 et 17 juillet 1942 : plus de 13 000 personnes sont arrêtées par la police française (dont 4 000 enfants de moins de 16 ans) .

Les familles   sont  dirigées vers le Vélodrome d’Hiver,  dans le XVe arrondissement de Paris .

Là, pendant plusieurs jours, plus de 8000 personnes vont vivre dans des conditions épouvantables:  pas d’eau potable (c’est l’été) , pas de nourriture,  un éclairage violent jour et nuit, au milieu des cris et des appels de haut-parleurs. Seuls trois médecins et une dizaine d’infirmières de la Croix-Rouge sont autorisés à intervenir.

Ils sont transférés quelques jours plus tard vers des camps d’internement puis d’extermination. Parmi ces hommes,  ces femmes et ces enfants,  quelques dizaines seulement reviendront de l’enfer.

Extrait du film La Rafle – Rose Bosch (2009)

 

Dés novembre 1942, il n’y a plus de zone libre. Toute la France est occupée par les nazis. Et les lois du Reich s’appliquent partout.

D. Collaboration & propagande

Tout régime totalitaire cherche à uniformiser, formater la pensée des citoyens. La censure, française et/ou allemande interdit des pièces , des films, des livres, des oeuvres picturales ou musicales…

Déja en 1933 en Allemagne avait eu lieu des autodafés orchestrés par le parti nazi  qui avait voulu faire une “action contre l’esprit non allemand ». des dizaines de milliers de livres avaient alors été  brulés. Signe avant coureur d’une épuration grande échelle qui ne touchera pas que les livres…

Extrait de la liste Otto

 1940 :La liste « Otto » (  Otto Abetz, ambassadeur du Reich à Paris) .

La liste Otto ne brûle pas les livres mais les interdit..À partir d’octobre 1940, elle proscrit 1060 titres et 140 éditeurs. Elle est complétée par deux autres listes en juillet 1942 et août 1943.  

Au delà de la censure, qui ne s’arrête pas à la liste Otto, l’esprit des individus est mis sous controle et sous influence par une propagande puissante orchestrée par Goebbels. Mais la France de Vichy utilise aussi des affiches et des films de propagande comme celui-ci…

 

La propagande possède des moyens énormes et le secrétariat général de l’Information et de la Propagande du gouvernement de Vichy utilise notamment pour servir le culte de la personnalité autour du maréchal Pétain (Des artistes réalisent des bustes, des portraits, des affiches de Pétain, des chansons (« Maréchal nous voilà ») … et l’antisémitisme est érigé en valeur nationale.

Un art officiel est instauré ! Le maréchal souhaite que l’art glorifie les grandes idées de la « Révolution Nationale » en s’inspirant des thèmes de l’Histoire de la France, de la nature, de la terre, de la paysannerie, en reprenant des images populaires. Un Secrétariat aux Beaux-Arts est créé en juillet 1940 et s’efforce d’utiliser l’art pour « éduquer » les Français.

Déjà en 1937, le régime nazi avait organisé à Munich une exposition des arts dégénérés ,«production artistique des bolcheviks et des juifs».
Sept cent trente œuvres sont sélectionnées. Presque tous les grands artistes du XXe siècle sont représentés, étrangers tels que Oskar Kokoschka, Pablo Picasso ou Marc Chagall, mais aussi allemands comme Emil Nolde, qui avait pourtant adhéré au parti nazi, ou Ernst Ludwig

Des actualités filmées sont diffusées dans les salles avant le grand film et sont des vecteurs essentiels de propagande. Certaines productions, surtout américaines et anglaises, sont interdites. De nombreux producteurs, cinéastes et acteurs juifs sont interdits d’exercer suite aux lois antisémites d’octobre 1940 et juin 1942, puis arrêtés. D’autres décident de s’exiler pour pouvoir continuer à travailler librement.

Bien sûr, tous les artistes ne sont pas résistants et  certains restent neutres, d’autres décident de ne plus créer, de ne plus exposer, de ne plus présenter leurs œuvres. D’autre encore essaient de vivre sans vendre leur âme… Et certains collaborent…

A partir de 1942,   la Propaganda Abteilung (dirigée par les nazis) interdit les artistes proscrits.   C’est le cas par exemple de Marc Bloch, écrivain et historien, car il est juif. Ensuite, les artistes clairement opposés aux idées officielles sont surveillés et  la liberté de création des artistes et écrivains se trouve extrêmement réduite, soumise à des contraintes très dures.  Les Allemands donnent les autorisations de représentations et de publications, attribuent le papier et les moyens. Ils ont aussi le monopole sur la radio et les actualités cinématographiques. La littérature est particulièrement surveillée. Les maisons d’éditions sont rapidement obligées de se plier à la propagande.

Les arts sous l’occupation (Sur l’expo et le livre de V. Gueguan)

Un ouvrage qui présente differemment les arts pendant l’occupation.

II. RESISTER

La résistance est l’action de… « résister » .  Mais à quoi ? A qui ? Pourquoi ? Au nom de quoi ?

Ici, il sera évidemment question de la résistance à l’oppression. Oppression des régimes totalitaires, dictatoriaux qui privent les individus de droits considérés comme légitimes (Egalité, dignité, intégrité, respect de la vie humaine…)

Que ce soit en Espagne à partir de 1936 , en Allemagne à partir de  1933 , au Chili entre  1973 et 1998  ,dans les goulags de Staline,  dans le Cambodge de Pol Pot dans les années 70-80, en Corée du Nord ou en Syrie aujourd’hui…(la liste est trop longue !), l’oppression est une constante des sociétés humaines, une menace récurrente, un fléau qui fera écrire  à Camus, à la fin de   La Peste (1947)   « …le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît  jamais, (qu’ ) il peut rester pendant des dizaines d’années endormi dans les meubles et le linge… » et  « peut-être le jour viendrait où, pour le malheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse. »

Mais comment résiste-t-on à l’oppression ?

L’Europe connut entre 1933 et 1945 un degré d’oppression jamais atteint auparavant. A travers trois dictateurs : Franco en Espagne (1938-1975), Mussolini en Italie (1922-1943  ) et Hitler en Allemagne (1933-1945).

En France, après la débâcle de 1940, certains n’acceptent pas la défaite française et l’armistice (Le plus célèbre d’entre eux est De Gaulle, qui organise la résistance depuis Londres et qui est condamné à mort par contumace   par le régime de Vichy).

Des Français refusent ce Régime de Vichy dirigé autocratiquement par Pétain, sa soumission au régime nazi, ses lois… Ils veulent défendre, sauver les valeurs républicaines de liberté, d’égalité…Mais il n’y a plus d’armée, elle a été démobilisée. La lutte doit donc se faire dans l’ombre, au péril de la vie de ceux qui ont décidé de désobéir.

Mais il faut du temps pour organiser la résistance. Désobéir efficacement demande une organisation. Au début, on a surtout affaire à des actes isolés, une volonté de « faire quelque chose » sans trop savoir dans quelle direction et de quelle façon.

 

L’Armée des ombres

(Un livre et un film sur la Résistance)

L’Armée des ombres

C’est à Londres, en 1943, que Joseph Kessel a écrit L’armée des ombres, roman symbole de la résistance qu’il présente ainsi : “La France n’a plus de pain, de vin, de feu. Mais surtout elle n’a plus de lois. La désobéissance civique, la rébellion individuelle ou organisée sont devenues devoirs envers la patrie. (…) Jamais la France n’a fait guerre plus haute et plus belle que celles des caves où s’impriment ses journaux libres, des terrains nocturnes et des criques secrètes où elle reçoit ses amis libres et d’où partent ses enfants libres, des cellules de torture où malgré les tenailles, les épingles rougies au feu et les os broyés, des Français meurent en hommes libres. Tout ce qu’on va lire ici a été vécu par des gens de France. “

« Etre un esprit libre, un homme libre, c’est prendre sa part des problèmes dont nous dépendons tous, et que personne ne peut résoudre : la destinée et la politique. Refuser de s’en mêler, c’est s’abandonner aux pires esprits, ceux qui se croient sûrs et s’arrogent l’autorité aux présomptueux et aux fanatiques. Le courage de choisir la clairvoyance, de choisir pour soi seul, la générosité de vouloir que chacun choisisse, telle serait la liberté : qu’une seule de ces vertus lui manque et elle meurt. »

Jean Prévost

 

Un extrait du film, L’Armée des ombres, J.P Melville, 1969

Dossier Lycéens au cinéma sur L’Armée des ombres

Armée des Ombres (L’) de jean-Pierre Melville

Pour ceux qui n’ont rien compris à la Résistance...

II.a)  Arts en résistance  avant 1939

Dès le début des années 30, des artistes et des intellectuels – y compris allemands –  se sont élevés contre la montée des totalitarismes et du nazisme.

Quelques précurseurs…

John Heartfield (1891-1968) 

Il s’élève très tôt contre le régime nazi notamment dans ses photomontages.

Dès 1924, John Heartfield, graphiste de formation, éditeur et membre du parti communiste allemand, dénonce de manière visionnaire la montée du nazisme par ses photomontages et ses affiches.

Thomas MANN (1875-1955)

Bien d’autres artistes s’élèvent très tôt contre le nazisme et notamment des écrivains allemands comme Thomas Mann

Écrivain allemand   auteur de La Montagne magique, Mort à Venise… . Il s’exila en 1933, vécut d’abord en France, puis en Suisse, avant de s’établir aux États-Unis. Il obtint la nationalité américaine et s’engagea activement dans la lutte politique et littéraire contre le nazisme. Dans le récit symbolique Mario et le magicien, il dénonça les méthodes totalitaires du régime hitlérien. Il défendit les valeurs spirituelles et morales, en particulier dans la tétralogie Joseph et ses frères (1933-42), et dénonça la dénaturation par les nazis de la culture allemande, en particulier de la mythologie germanique et de la pensée de Nietzsche. Dans ses discours politiques, il souligna les cas de conscience, les conflits intérieurs, les déchirements de l’Allemagne.

Thomas Mann concilia l’action littéraire et politique : il dénonça la décadence des valeurs dans ses discours  et prononça pendant la guerre cinquante-cinq allocutions radiophoniques visant à provoquer en Allemagne une révolution contre la dictature nazie (Appels aux Allemands, 1940-45).

Pablo Picasso, Guernica, 1937

Le 26 avril 1937, le petit village basque de Guernica est  pris pour cible par l’armée allemande (alliée de Franco) pour tester de nouvelles armes, au moins 2000 personnes mourront. Pablo Picasso peindra l’œuvre incontournable du même nom (1937)

Pablo Picasso, Guernica, 1937

Film d’Alain Resnais, Guernica

Le film, sur un texte inspiré de Paul Éluard reprend des œuvres de Picasso (dont le célèbre Guernica de 1937 mais pas seulement)

La voix off de Jacques Pruvost dit les faits : le 26 avril 1937, le petit village basque de Guernica est détruit par des bombes explosives et incendiaire  afin de tester les nouvelles armes allemandes ! Au moins 2000 personnes mourront

 

II.a)  Arts en résistance  après 1939

Charlie Chaplin, Le Dictateur, 1940

Le Dictateur est le plus grand succès commercial de toute la carrière de Chaplin, c’est aussi un film qui dépasse la recherche de l’effet comique, et la veine sentimentale de son auteur pour s’imposer comme le titre le plus célèbre de la propagande antinazie entreprise à Hollywood avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Chaplin a le mérite de s’être engagé contre Hitler bien avant le gouvernement des Etats-Unis, à une époque où seule l’Angleterre résistait à l’Allemagne nazie.

Le Dictateur, qu’il a lui-même produit, est le cri d’alarme d’un seul homme (et d’un homme seul, souvent attaqué par ses pairs et une grande partie des Américains qui prônait l’attentisme) pour mobiliser l’opinion publique américaine en faveur des démocraties européennes menacées par les Nazis, et aussi pour l’alerter des persécutions dont étaient victimes les populations juives en Allemagne. Les changements de noms et l’invention de pays imaginaires ne bernent personne. Le Dictateur donne à voir avec Adénoïde Hynkel le dictateur de Tomania la plus virulente charge satirique qu’on puisse imaginer sur Adolf Hitler, pensée et exécutée dans le feu de l’actualité.

Olivier Père – cinema.arteTV (extrait)

La mythique scène du globe

Analyse filmique du dictateur

René Iché

René Iché (1897-1954)

René Iché, Guernica

Élève de l’École des Beaux-Arts de Montpellier, il est mobilisé durant la Grande Guerre. Il rencontre Guillaume Apollinaire et joue des pièces pacifistes au front. Elève du sculpteur Antoine Bourdelle, il étudie également l’architecture . Dans les années 1920, il produit de nombreuses œuvres, dont des monuments aux morts (l’un d’eux est refusé pour pacifisme) et fréquente les surréalistes.

Il est proche des artistes du Front populaire (1936-1938), notamment d’Aragon, et réalise une sculpture macabre après la tragédie de  Guernica en 1937 mais la trouve trop violente et il refuse de l’exposer.

En 1940, René Iché rejoint le réseau du Musée de l’Homme, puis le réseau Cohors-Asturies à partir de 1942. Il utilise ses activités légales pour aider et financer la Résistance :il participe à la cache d’armes et utilise son atelier pour cacher des armes dans des moules.Il participe à la fabrication de faux papiers et son atelier sert de boîte aux lettres clandestines. En 1940, il sculpte La Déchirée, évocation de la France occupée, qu’il parvient à faire passer à Londres en 1943 pour qu’elle soit remise au général de Gaulle. La statue est exposée au Salon de la Libération en 1944.

René Iché, La Déchirée, 1940

Il réalisera  plusieurs monuments à la Résistance et donne une de ses œuvres pour orner la tombe du poète Max Jacob, mort au camp de Drancy. Reconnu et honoré au niveau national et international, il est sollicité en 1954 pour concevoir le monument des déportés d’Auschwitz. Il propose d’en faire une œuvre collective. Il meurt subitement en décembre

Rose Valland (1898-1980)

Protéger le patrimoine culturel

Les nazis interdisent et détruisent des œuvres d’artistes juifs notamment mais ils tentent également de s’accaparer, de piller le patrimoine national des pays qu’ils occupent. Une impressionnante quantité de peintures, sculptures, mobiliers d’art est alors transférée en Allemagne.

Rose Valland , conservatrice au Jeu de Paume, est une résistante française qui a permis par son action la récupération d’un important nombre d’œuvres d’art pillées par les nazis pendant l’Occupation.

Ainsi, Rose Valland,   Jacques Jaujard, Directeur des Musées nationaux, dressent un inventaire précis des œuvres, tentent de les tracer quand l’occupant les réquisitionnent, et en cachent beaucoup d’autres. André Chamson, conservateur de musée, participe à l’évacuation des œuvres du Musée du Louvre vers le château de Chambord lors de l’invasion allemande. Tous les trois entrent ensuite dans la Résistance

II.b) Résister, c’est  informer

Lucie Aubrac

Lucie Aubrac (1912-2007)

Sa vie, marquée par un engagement de tous les jours, et plus précisément durant les années noires de l’Occupation, aura définitivement fait d’elle une incarnation du courage et de la capacité à se révolter. Son action en 1943 à Lyon, alors capitale de la Résistance, a été portée à l’écran en 1997 par Claude Berri dans Lucie Aubrac, jouée par Carole Bouquet.

Alors, Comment informer malgré la censure,  la gestapo, la police française, les délations ?

Tout sert de support aux messages à faire passer. On écrit sur les murs, sur des étiquettes, sur des cartons…

Les tracts et papillons (morceaux de papier) ainsi que les journaux clandestins sont les premières formes de résistance. D’abord écrits à la main, ces supports se développent en étant tapés à la machine, puis reproduits sur des ronéotypes et des presses d’imprimerie.

En France, paraissent beaucoup de journaux clandestins dont les plus connus sont  « Combat », « Franc-Tireur », « Libération ». Dans ces journaux, les informations  prenaient le contrepied de la propagande de la presse officielle et des journaux collaborationnistes. Malgré des moyens souvent dérisoires, leur impact politique fut important dans l’évolution des opinions durant la guerre.

En 1941, Jacques Decour et Jean Paulhan créent «Les Lettres Françaises», journal clandestin du Front national des écrivains.  Les Lettres Françaises est sans doute la plus importante revue résistante publiée dans la clandestinité.

Son but est de montrer qu’une littérature parallèle, clandestine mais française continue d’exister. Arrêté le 19 février 1942 par la police française, livré à la Gestapo et fusillé le 30 mai, Jacques Decour a laissé une bouleversante lettre d’adieu: «Je me considère un peu comme une feuille qui tombe de l’arbre pour faire du terreau. La qualité du terreau dépendra de celle des feuilles. Je veux parler de la jeunesse française»

Nombre de journaux clandestins ont été rédigés, édités et diffusés au péril de la vie des auteurs, des imprimeurs, des diffuseurs par les différents mouvements, partis, syndicats.  son but est de montrer qu’une littérature parallèle, clandestine mais française continue d’exister. La première parution a lieu en septembre 1942 . Les plus grands noms de la littérature française y participent : Sartre, Camus, Queneau, etc.   

Maisons d’édition clandestines

Des maisons d’éditions clandestines voient aussi le jour. Parmi les plus célèbres : en 1941 naissent les « Editions de minuit ». « (…) s’il ne s’exprime pas, l’esprit meurt.
Voilà le but des Editions de minuit. La propagande n’est  pas notre domaine. Nous entendons préserver notre vie intérieure et servir librement notre art. Peu importe les noms. Il ne s’agit plus de petites renommées personnelles. Peu importe une voie difficile. Il s’agit de la pureté spirituelle de l’homme. »
, P de Lescure, 1942, préface à la 1ère édition du Silence de la mer.

En 1942 ces éditions publient Le Silence de la mer de J. Bruller (Vercors). Il raconte l’histoire d’un père et de sa fille contraints de cohabiter avec un officier allemand sous leur toit. Ils décident de ne pas communiquer avec lui. Le roman évoque une forme de résistance civile, celle du silence face à l’occupant.

 C’est aussi la création de la revue Poésie . De grands auteurs et poètes comme Aragon le soutiennent. Cette revue n’est pas clandestine : « Nous allons être obligés, avec la revue, de parler à mots couverts, d’utiliser les grilles des allusions, le feu sous la langue, d’utiliser une littérature de contrebande, de déjouer la censure […] ». Seghers édite aussi des ouvrages avec des faux visas de censure pour éviter qu’ils soient interdits.

La presse sous l'occupation

Dessins, B.D...

Les dessins et peintures sont également très utilisés.    Ces dessins   sont souvent irrévérencieux, satiriques et utilisent la caricature.

Au printemps 1944, le « Front national de lutte pour l’indépendance de la France » publie clandestinement un album composé de 12 planches lithographiques de huit peintres dont Ernest Pignon, et Boris Taslitzky. Il s’agit de l’album « Vaincre ». Ces œuvres non signées dénoncent la répression de l’occupant et appelle à la Résistance.

La radio

A une époque où la télévision n’existe pas encore, la radio devient un média d’une importance capitale. Certes, peu de familles en possèdent parce que c’est un produit de luxe. Mais  c’est un vecteur pour des musiques et de chansons très populaires. C’est l’époque des « vedettes » de la variété comme Edith Piaf

Mais la radio jouera aussi un rôle capitale pour le développement de la Résistance : l’appel du 18 juin de De Gaulle qui réfugié à Londres appelle à reprendre les armes et à ne pas accepter la défaite.

Radio Londres

Les messages de Radio Londres (BBC) d’abord destinés aux familles de ceux qui avaient fuit en Angleterre, deviennent dès 1940, un vecteur de communication entre Londres et la Résistance française. Parmi l’un des   plus célèbres , un vers de Verlaine : “Les sanglots longs des violons… ». Ces messages ont joué rôle trés important pour annoncer aux résistants les débarquements alliés, en Provence et en Normandie .  

 

CHANTS et CHANSONS

Des chants  à la gloire de la Résistance évoquent la liberté, les valeurs de la République, la grandeur de la France mais aussi les martyrs de la Résistance.

  Ce sont souvent des chants guerriers, des chants de ralliement qui permettent de souder le groupe.

Parmi les plus célèbres : le chant des partisans

Affiche Force Française de l'Intérieur

Printemps 1943. Un groupe de jeunes artistes, épris de liberté, veut traduire en chanson le courage des combattants de l’ombre. Joseph Kessel et Maurice Druon en écriront les paroles et une femme,  Anna Marly, la belle chanteuse de la Résistance écrira la musique.L’air sera entonné par les résistants dans toute la France : il deviendra l’hymne de la Libération.

Cet hymne de la Résistance porte en lui les valeurs de la liberté, de la dignité, du courage, de la solidarité…

Les paroles du chant des Partisans

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne
Ohé, partisans, ouvriers et paysans c’est l’alarme
Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes…

 

 Montez de la mine, descendez des collines, camarades,
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades,
Ohé, les tueurs, à vos armes et vos couteaux, tirez vite,
Ohé, saboteurs, attention à ton fardeau, dynamite..

 

 C’est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère
II y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves
Ici, nous, vois-tu, nous on marche, nous on tue ou on crève.

 

 Ici, chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait quand il passe
Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place,
Demain du sang noir séchera au grand soleil sur nos routes
Chantez, compagnons, dans la nuit la liberté nous écoute…


 Ami, entends-tu le vol noir du corbeau sur la plaine

Oh -Qh-Oh-Oh-Oh-Oh-Oh-Oh-Oh-Oh-Oh-Oh.

Anna Marly

Ecoutez le chant des partisans !

Théâtre et cinéma de résistance ?

Au-delà des nombreux spectacles de divertissement et à ceux proposés en allemand qui ne dérangent pas la censure, certains auteurs ont été un peu plus loin. Mais jusqu’où ?

Pendant l’occupation, les studios de cinéma sont financés par des capitaux allemands et contrôlés par les autorités. Ce qui se joue et ce qui se filme est donc sous contrôle…

Néanmoins, certains films et pièces ont été considérés comme des œuvres engagées.           

C’est le cas au théâtre d’Antigone d’Anouilh  présentée le 4 février 1944 au théâtre de l’Atelier à Paris.

Antigone est une réécriture  de la pièce de Sophocle.
Antigone, de Jean Anouilh, qui avait décidé de relire Sophocle « avec la résonance de la tragédie que nous vivions », reste le spectacle emblématique de l’époque. La logique de désobéissance de l’héroïne, face à l’autorité de Créon, enflamme les spectateurs.

Jean Anouilh

Jean COCTEAU

Jean Cocteau crée La Machine à écrire en 1941, malgré l’opposition préalable de la censure française, contredite par l’occupant.

Jean Marais est de tous ses spectacles, et quand l’acteur s’en va gifler Alain Laubreaux, le critique redouté de Je suis partout, l’organe de la collaboration qui avait éreinté

Il devient l’incarnation d’une forme de résistance – l’anecdote est reprise dans Le Dernier Métro.
 

A l’avant-garde du théâtre parisien, Jean-Paul Sartre monte Les Mouches  en juin 1943, au Théâtre de la Cité (ex-Théâtre Sarah-Bernhardt rebaptisé par les forces d’occupation) : succès mitigé, accueil incendiaire de la presse collaborationniste.

« Le secret douloureux des dieux et des rois, c’est que les hommes sont libres » dit jupiter à Oreste, qui incarne la figure du résistant. 

Jean-Paul SARTRE

Sartre, Les Mouches, Mise en scène Dublin, 1943

Albert CAMUS

Albert Camus crée Le Malentendu en juin 1944 au Théâtre des Mathurins, avec Maria Casarès.  

Résumé par Camus lui-meme : « Un fils qui veut se faire reconnaître sans avoir à dire son nom et qui est tué par sa mère et sa sœur, à la suite d’un malentendu ».

Mais la propagande veille, parfois de manière cocasse : le personnage d’une pièce de Labiche, prénommé Adolphe, devient Alfred : la réplique « l’ignoble Adolphe », qui a suscité des applaudissements, ne passe décidément pas… Mais les bonheurs artistiques sont là.
“Aucune liberté n’était permise et le danger était permanent. Le sentiment général était qu’une catastrophe pouvait surgir à n’importe quel moment,” (Michel Bouquet)

D’après un article de Télérama

Côté cinéma...

Les visiteurs du soir , magnifique film de Marcel Carné, sorti en 1942… Le diable parlerait-il allemand ?

Le dernier métro (un film sur le théâtre pendant l’occupation).

Le Dernier Métro, célébrissime film de François Truffaut (1980), donne une vision assez juste du quotidien du théâtre sous l’Occupation. « Les salles étaient pleines »  se souvient Michel Bouquet, 17 ans en 1943, l’année où il entre au Conservatoire. “C’était le seul recours pour trouver un peu d’espoir et, surtout, pour entendre la langue française, ne plus avoir dans les oreilles ce bourdonnement permanent de l’allemand… »(Télérama)